Une coalition d’ultra-droite en vue alors que Netanyahou fait son retour sur le devant de la scène

Les élections israéliennes ont remis en lice Benjamin Netanyahou, porté par une coalition d’extrême droite. L’ancien Premier ministre a beau avoir mené une campagne très dure et trainer les scandales, il y a sans doute encore pire dans ce résultat. Focus sur Itamar Ben-Gvir, cet allié suprémaciste qui a le vent en poupe. (IGA)


Après le dépouillement de plus de 90 % des votes, il semble acquis que les cinquièmes élections israéliennes en moins de quatre ans verront le retour de Benjamin Netanyahou à la tête d’une coalition religieuse d’extrême droite.

Chef du parti Likoud, Netanyahou semble sur le point d’obtenir une majorité avec une avance de cinq sièges. Il pourrait ainsi devenir le nouveau Premier ministre, ce qui marquerait un retour remarqué pour ce vétéran de la politique, criblé de scandales et toujours accusé de corruption. Mais l’homme qui fait la une des journaux est Itamar Ben-Gvir, un suprémaciste juif, chef du parti Otzma Yehudit (Force juive).

Cette formation fait partie de l’alliance du “Sionisme religieux”, le grand gagnant du dernier scrutin, qui devrait devenir le troisième plus grand groupe de partis d’Israël.

Une coalition se profile. Elle comprendrait le Likoud de Netanyahou, Ben-Givr et Bezalel Smotrich du Sionisme religieux, le parti religieux Shas ainsi que le parti du Judaïsme unifié de la Torah. Cette coalition suggère que les électeurs israéliens ont acheté en bloc l’idée d’une occupation permanente et d’un État d’apartheid.

Meretz, le seul parti sioniste de gauche qui faisait de la paix avec les Palestiniens un enjeu du scrutin, semble amené à perdre tous ses sièges.

Ni le Likoud ni l’alliance sioniste religieuse n’ont le moindre intérêt à céder des terres à un État palestinien ou à permettre une quelconque souveraineté réelle aux Palestiniens. Ne parlons même pas d’un semblant d’égalité des droits. Au contraire, durant la campagne électorale, Netanyahou a juré d’annexer toutes les colonies d’Israël – ce qui constitue un crime de guerre selon le droit international. Et ce ne sont pas Ben-Gvir et Smotrich, tous deux colons, qui vont le retenir.

Pour l’Autorité palestinienne, c’est le moment ou jamais de se retirer des inutiles accords d’Oslo. Mais les précédents laissent penser que personne au sein de la direction de l’Autorité palestinienne n’aura le courage nécessaire pour le faire.

De moins en moins pertinente, l’AP ne fera que le devenir davantage.

Pour les Palestiniens sur le terrain, l’élection risque d’entraîner davantage de tensions, mais aucun véritable changement substantiel. Après tout, sous la précédente coalition du “tout le monde sauf Netanyahou”, Israël a librement étendu ses colonies, emprisonné et tué des Palestiniens tout en démolissant leurs maisons.

Néanmoins, le triomphe électoral de Ben-Gvir est un nouveau caillou dans la chaussure pour la “communauté internationale” – c’est-à-dire les pays occidentaux menés par les États-Unis, qui sont les principaux parrains des accords d’Oslo. Ils devront désormais justifier leur soutien à un gouvernement israélien qui contredit sans vergogne la politique étasunienne et internationale.

L’héritier de Meir Kahane

Qui est cet homme – exclu de l’armée israélienne à l’adolescence parce qu’il était trop extrémiste – qui a tant enthousiasmé les électeurs israéliens ?

Pendant la campagne, une publicité de Ben-Gvir montrait une femme effrayée appelant son mari à propos d’hommes menaçants rodant devant son appartement. Il est entendu que les hommes sont des “Arabes”. Les émeutes raciales, prévient la publicité, pourraient se reproduire.

“Il est temps d’être les maîtres de la maison”, affirme le spot. “C’est le moment pour Ben-Gvir.”

Ben-Gvir est un admirateur de Meir Kahane, dont le mouvement a été désigné comme un groupe terroriste par les États-Unis et d’autres pays, dont Israël. Certains l’ont appelé l’héritier de Meir Kahane.

Ce dernier, un suprémaciste juif, a plaidé pour faire d’Israël un État théologique. Il a prôné la ségrégation, il a voulu priver les citoyens palestiniens d’Israël de leur citoyenneté et il a demandé l’interdiction du mariage entre juifs et non-juifs. Pour Ben-Gvir, c’est un “héros”.

Dans son bureau, Ben-Givr a longtemps arboré un portrait de Baruch Goldstein qui a assassiné 29 Palestiniens en prière à Hébron en 1994.

En 1995, deux ans après la signature des accords d’Oslo par Yitzhak Rabin, Ben-Gvir a connu son premier moment de gloire en brandissant l’emblème Cadillac de la voiture de Rabin à la télévision israélienne.

“Nous avons eu la voiture [de Rabin]. Nous l’aurons aussi”, avait-il déclaré. Rabin était assassiné par un extrémiste juif quelques semaines plus tard.

Ben-Givr affirme être devenu plus modéré en vieillissant. Par exemple, il fait maintenant chanter à ses partisans “mort aux terroristes”, plutôt que “mort aux Arabes” qu’ils avaient l’habitude d’entonner.

Avocat de métier, il est devenu le défenseur attitré de toutes sortes d’extrémistes israéliens. En 2015, il a défendu des colons accusés d’un incendie criminel qui a fait brûler vifs Ali Dawabsheh, 18 mois, et ses parents.

Un homme de son temps

Ben-Gvir emploie une rhétorique violente et porte une arme de poing, ce dont il semble fier. Le 13 octobre, il a paradé à Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est occupé par Israël. Il y a sorti son arme et il a exhorté les colons à tirer si quelqu’un jetait des pierres.

Dans un Tweet, il a ensuite demandé aux troupes israéliennes de “botter le cul de l’ennemi”.

Après avoir reçu les sondages de sortie des urnes, Ben-Gvir n’a pas déçu ses fans les plus radicaux. “Il est temps d’être à nouveau les propriétaires de ce pays”, a-t-il déclaré à ses partisans mardi soir.

Ce message a trouvé écho auprès d’un public israélien de plus en plus à droite.

Les partis de gauche ayant du mal à franchir le seuil électoral, la paix avec les Palestiniens n’a une fois de plus pas pesé beaucoup dans le choix des électeurs israéliens.

Cela devrait ouvrir les yeux à tous ceux qui croient qu’il y a un espoir de négociations avec cette élite politique israélienne: non seulement elle n’a jamais accordé de crédit aux accords d’Oslo, mais elle s’affiche aujourd’hui  ouvertement contre la paix dans une tentative de séduire un électorat qui dérive toujours plus à droite.

Ce processus a certainement été intériorisé par les millions de Palestiniens qui vivent sous la domination israélienne en territoire occupé, mais qui n’ont pas le droit de vote. Fatiguée d’attendre une AP impuissante, une nouvelle résistance a vu le jour. Elle ignore tout simplement les diktats sécuritaires de l’AP et pose le premier défi sérieux à l’armée israélienne depuis des années.

Ben-Gvir est prêt à occuper un ministère important – il veut le poste de sécurité publique. Ce qui pourrait aggraver une situation déjà explosive et déchaîner des foules de colons déjà agités.

Cela pourrait également s’avérer un casse-tête pour Netanyahou. Il a beau être le grand manitou en tête d’affiche, pour une fois, Netanyahou n’incarnera pas la voix de la droite dans une coalition gouvernementale.

 

Source originale: Electronic Intifada

Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.