Une autre guerre? Les États-Unis utilisent Taïwan pour provoquer la Chine

Les provocations des États-Unis contre la Chine sont montées d’un cran. Alors que la guerre en Ukraine, provoquée par Washington, bat son plein avec des conséquences désastreuses pour les économies européennes et des répercussions pour l’économie mondiale, une confrontation plus inquiétante encore se profile.

Avec dans son sillage un croiseur à missiles guidés, des destroyers et des sous-marins nucléaires, le porte-avion USS Ronald Reagan se dirige vers la côte chinoise, à proximité du détroit de Taïwan. Cette agressive démonstration de force se veut une menace pour soutenir la visite de la députée Nancy Pelosi à Taïwan.

La Chine a déclaré qu’elle s’opposait fermement à cette escalade militaire ouverte. Elle constitue une violation flagrante de la position convenue entre les États-Unis et la Chine, à savoir que la Chine est un seul pays et que Taïwan est une province.

Lors d’une conférence téléphonique le 28 juillet, le président Xi Jinping a averti le président US Joe Biden que “ceux qui jouent avec le feu périront par le feu”. Xi a demandé aux États-Unis d’honorer le principe d’une seule Chine qu’ils avaient accepté.

Le 29 juillet, le Global Times titrait “Ne dites pas que nous ne vous avons pas prévenus”. Il s’agit du plus haut niveau d’avertissement utilisé dans le passé avant que la Chine n’entreprenne une action militaire.

Les réponses de la Chine seront systématiques et elles ne se limiteront pas à une petite échelle, étant donné la gravité des actions de Pelosi et les dommages causés à la confiance politique des relations sino-américaines“, a déclaré Yang Mingjie, chef de l’Institut des études sur Taïwan de l’Académie chinoise des sciences sociales.

Il a ajouté que la réponse de la Chine pourrait inclure “des options militaires et des contre-mesures complètes allant de l’économie à la diplomatie.

Compte tenu des avertissements fermes de la Chine, il n’est pas certain que la visite à Taïwan des six membres du Congrès emmenés par Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, ait lieu dans le cadre de sa tournée asiatique passant par Singapour, la Malaisie, la Corée du Sud et le Japon. Le but de ce voyage est de relancer une intervention agressive en Asie et de remettre ouvertement en question l’accord “d’une seule Chine”.

Pelosi, qui occupe la troisième place dans la ligne de succession à la présidence, serait le plus haut responsable étasunien à se rendre sur l’île depuis 25 ans. Elle n’effectue pas un voyage à titre personnel. Cette visite est un défi arrogant à l’unité de la Chine et se voit appuyée par une flotte militaire et des avions de combat.

La position constante de la Chine

La Chine a adopté une position cohérente et bien comprise sur sa souveraineté et son intégrité territoriale. Washington viole maintenant ouvertement un accord international signé il y a 50 ans, le 28 février 1972, par le Premier ministre Zhou Enlai et le président étasunien Richard Nixon. Cet accord est appelé “le communiqué commun de Shanghai”. Le secrétaire d’État US William P. Rogers et le conseiller spécial Henry Kissinger ont participé à la rédaction de ce document.

À cette époque, les États-Unis étaient isolés en Asie et pratiquement vaincus au Vietnam. Ce qui les a motivés à normaliser leurs relations – après deux décennies d’efforts infructueux pour renverser la révolution chinoise par des sanctions sévères et des interférences militaires. Les États-Unis étaient particulièrement désireux de creuser un fossé entre la Chine et l’Union soviétique. Cette division entre les deux pays socialistes les plus importants, mais encore en développement a constitué un revers historique pour la classe ouvrière internationale.

Aujourd’hui, 50 ans plus tard, la puissance impérialiste US est en déclin. La Chine, la Russie, l’Iran et d’autres pays de la région sont de plus en plus unis et capables de s’entraider face aux menaces militaires et aux nouveaux niveaux de sanctions économiques de l’impérialisme US.

En 1972, la principale motivation pour la République populaire de Chine de normaliser ses relations avec les États-Unis était l’obtention d’un accord signé garantissant la non-ingérence dans ses affaires intérieures ainsi que le respect  de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.

Bien entendu, comme pour tous leurs accords et traités, les États-Unis ont violé cet engagement à de nombreuses reprises en s’ingérant à Hong Kong, au Tibet, au Xinjiang et à Taïwan et en finançant, dans le cadre de “programmes d’aides”, des mouvements hostiles et perturbateurs en Chine.

L’inclusion de Taïwan dans le communiqué commun de Shanghai de 1972, qui reste valable aujourd’hui, est de la plus haute importance. Les États-Unis ont reconnu que “tous les Chinois des deux côtés du détroit de Taïwan soutiennent qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan fait partie de la Chine. Le gouvernement des États-Unis ne conteste pas cette position. Il réaffirme son intérêt pour un règlement pacifique de la question de Taïwan par les Chinois eux-mêmes.

Ce que Wall Street veut bouleverser

L’économie planifiée de la Chine dépasse désormais l’économie capitaliste des États-Unis. Pour la classe dirigeante US, les efforts visant à bouleverser la Chine sont devenus une priorité.

Avec une population de seulement 23 millions d’habitants, Taïwan est devenu un pion dans la lutte pour bouleverser la Chine. Plusieurs villes de la Chine continentale ont une population plus importante que celle de la province insulaire de Taïwan. Pourquoi bouleverser Taïwan est-il si important pour la stratégie de Washington ?

La Chine est le principal partenaire commercial de Taïwan. L’île est un important centre de fabrication de puces électroniques à semi-conducteurs et d’autres produits de haute technologie qui sont essentiels dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. L’entreprise Taïwan Semiconductor (TSMC) domine actuellement le marché de la production des types de puces à semi-conducteurs les plus avancés. Ses circuits intégrés produisent des appareils électriques, des voitures, des ordinateurs portables et des téléphones. Elle fabrique aujourd’hui 92 % des semi-conducteurs les plus avancés du monde.

Aucune de ces puces avancées n’est actuellement fabriquée aux États-Unis. Pendant ce temps, la Chine consacre d’énormes ressources au développement rapide de ses propres puces informatiques. La rupture de cette chaîne d’approvisionnement essentielle vise à perturber la production mondiale chinoise. Bien sûr, cela sera encore plus perturbant pour les États-Unis et l’Union européenne. En attendant, sur la base de menaces de sanctions agressives, les États-Unis ont déjà forcé les entreprises taïwanaises de semi-conducteurs à cesser de faire des affaires avec d’importants clients chinois comme Huawei.

Politique d’une seule Chine

L’île de Taïwan est restée officiellement une province de la Chine depuis 1683, sous la dynastie Qing.

À la suite de la guerre civile chinoise de 1949, les forces nationalistes du Kuomintang, corrompues et soutenues par les États-Unis, se sont retirées dans la province insulaire chinoise de Taïwan avec le soutien naval des États-Unis. Victorieux, le parti communiste chinois a ensuite établi la République populaire de Chine.

À Taïwan, les forces du Kuomintang ont établi ce qu’elles ont appelé la République de Chine, affirmant qu’il s’agissait du gouvernement de toute la Chine, ce qu’elles continuent de revendiquer aujourd’hui. Mais même la Constitution de Taïwan affirme que Taïwan est une province de toute la Chine. L’écrasante majorité du monde, ainsi que les Nations unies, convient officiellement que Taïwan fait partie de la Chine populaire.

L’impérialisme US a cependant fait marche arrière et cherche, par des mesures politiques et militaires, à utiliser Taïwan pour déstabiliser la Chine et provoquer une confrontation militaire.

Le “pivot vers l’Asie” de l’armée US

En 2011, le président Barack Obama a annoncé un “pivot vers l’Asie”, visant à encercler et à contenir la Chine. Sous Donald Trump, la position officielle était que l’armée devait donner la priorité à la planification d’un conflit de grande envergure avec la République populaire de Chine. Il a porté cette hostilité militaire à un niveau supérieur en lançant une guerre commerciale.

Le président Joe Biden est allé encore plus loin, avec davantage de ventes d’armes et d’actions agressives. Les démocrates et les républicains du Congrès tentent de se surpasser en proposant des mesures anti-chinoises.

La présence militaire US à Taïwan a doublé en décembre dernier, bien qu’elle ne soit pas officiellement comptabilisée:  des bérets verts US forment les soldats taïwanais, d’autres conseillers et entrepreneurs US sont impliqués dans le placement d’armes, l’assistance technique et la formation, et les ventes d’armes US à Taïwan connaissent une escalade constante.

L’armée étasunienne et ses fournisseurs d’armes ont dit à Taïwan ce qu’elle devait commander, notamment des drones, des missiles antiaériens Stinger et des missiles antichars Javelin, le système de roquettes d’artillerie à haute mobilité M142 et des mines marines.

Le Pentagone a fourni des armes similaires à l’Ukraine.

La vente d’armes étasuniennes pour un montant de 108 millions de dollars du 25 mai était la cinquième sous l’administration Biden et la quatrième approuvée cette année. Elle fait suite à un système de défense aérienne de 95 millions de dollars en avril et à une mise à niveau de 100 millions de dollars pour des missiles Patriot en février. Un arriéré de 14,2 milliards de dollars d’équipements militaires commandés depuis 2019 n’a pas encore été livré.

L’objectif est de faire de Taïwan un “porc-épic” hérissé d’armes. L’île est transformée de manière agressive en une plateforme de lancement offensive pour la guerre, alors même que les stratèges US cherchent à provoquer la Chine dans une action militaire.

Pendant des années, Washington a employé une stratégie similaire pour constituer des forces militaires et fascistes en Ukraine comme plate-forme contre la Russie, dans le but de provoquer la guerre désastreuse qui s’y déroule actuellement.

Ces ventes d’armes continues, ainsi que la visite de Pelosi, visent à saper davantage la politique d’une seule Chine.

Nikkei Asia rapporte que les États-Unis sont en pourparlers pour construire un réseau de missiles offensifs qui violerait le traité INF sur Taïwan. Le 5 mai, le département d’État a retiré de son site Internet officiel le texte qui indiquait que “les États-Unis ne soutiennent pas l’indépendance de Taïwan” et qui reconnaissait “la position chinoise selon laquelle il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan fait partie de la Chine.

Cette année, pour la première fois, l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée ont été invités à participer à un sommet de l’OTAN en tant que “Partenaires indo-pacifiques”. Cette invitation faisait partie d’un nouveau “concept stratégique de l’OTAN” – un plan stratégique sur 10 ans qui déclare ouvertement que la Chine est une menace : “L’alliance étroite entre la Chine et la Russie menace les valeurs occidentales.”

Une guerre sans fin, la solution miracle

Les guerres étasuniennes en Asie ont coûté des millions de vies, ont empoisonné des générations d’enfants et ont laissé des destructions environnementales qui ne sont toujours pas réparées. Qui peut oublier les ravages causés par les guerres étasuniennes en Corée, au Vietnam, en Afghanistan, en Irak et en Syrie ? Des millions de personnes ont par ailleurs été déplacées. Si chacune de ces guerres s’est soldée par un échec pour l’impérialisme US, elles ont permis de récolter des milliers de milliards de dollars de profits pour les industries militaires et la classe capitaliste.

Le danger très réel d’une nouvelle guerre augmente. Alors que la crise capitaliste s’approfondit, l’impérialisme US choisira à nouveau la guerre. Non pas parce qu’il gagne les guerres, mais parce que la classe capitaliste parasitaire a désespérément besoin d’une énorme infusion de dépenses militaires. Comme une injection de médicaments, c’est une solution rapide et temporaire.

La guerre en Ukraine, déclenchée par les États-Unis, n’a pas entraîné l’effondrement prévu de l’économie russe, mais elle a perturbé les chaînes d’approvisionnement en énergie et en nourriture dans le monde entier. Elle est une cause majeure de la récession actuelle.

Une confrontation militaire avec la Chine serait bien plus dévastatrice. Et elle a encore moins de chances de réussir.

 

Source originale: Workers World

Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

Photo: Stuart Rankin – Flickr – CC 2.0Nancy 

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