Un milliardaire pro-israélien et soutien de Buttigieg derrière l’application à l’orgine du fiasco des primaires démocrates dans l’Iowa

Bernie Sanders a finalement remporté le premier caucus des Démocrates dans l’Iowa après bien des péripéties. Les résultats sont tombés très tardivement. Son rival Pete Buttigieg avait même annoncé avoir gagné sur Twitter. A l’origine de ce fiasco, une application mise au point par un organisme financé par des milliardaires anti-Sanders. Son principal donateur, Seth Klarman, est un bailleur de fonds de Buttigieg et un fervent défenseur des colonies israéliennes. (IGA)


À l’heure d’écrire ces lignes, 12 heures après la fin du vote dans le caucus du Parti Démocrate de l’Iowa, les résultats n’ont toujours pas été annoncés[1]. Les dysfonctionnements dans la publication des résultats sont dus à une application défaillante développée par une société bien nommée, Shadow Inc.

Cette entreprise est composée d’anciens membres des campagnes d’Hillary Clinton et de Barack Obama. Elle a été créée à partir d’argent relativement opaque provenant d’un organisme à but non lucratif du Parti Démocrate financé par des milliardaires de fonds spéculatifs, dont Seth Klarman. Fervent bailleur de fonds de lobbies défendant les colons israéliens, Klarman a également contribué directement à la campagne de Pete Buttigieg.

Le retard dans la publication des résultats du vote a privé le sénateur Bernier Sanders d’un discours de victoire. Il était le vainqueur présumé de ce premier vote des primaires démocrates. Bien qu’aucun sondage n’indiquait que Buttigieg avait gagné, celui qui est maire de South Bend, dans l’Indiana, s’est tourné vers Twitter pour se proclamer vainqueur en toute confiance.

Iowa, you have shocked the nation.

By all indications, we are going on to New Hampshire victorious. #IowaCaucuses

— Pete Buttigieg (@PeteButtigieg) February 4, 2020

Cet étrange scénario a été rendu possible grâce à une mystérieuse application de vote dont les origines avaient été gardées secrètes par les responsables du Comité national démocrate. Pendant de longues heures, l’origine de cette application défaillante est restée mystérieuse, tout comme la manière dont elle s’était retrouvée entre les mains des responsables du parti de l’Iowa.

Bien qu’une opération démocrate d’argent opaque se soit avérée être la source de l’application défaillante, les soupçons se sont initialement concentrés sur l’ancien directeur de campagne d’Hillary Clinton, Robby Mook, et son projet d’intégrité des élections lié au Russiagate.

Tirer de lucratives opportunités électorales à partir de l’hystérie russe

Le président du Parti démocrate de l’Iowa, Troy Price, a refusé de dire qui était derrière l’application qui a échoué. Mais il a déclaré à NPR qu’il “travaillait avec l’équipe de cybersécurité du parti national et le projet Defending Digital Democracy de l’Université de Harvard“. Price n’a cependant pas donné de détails sur sa collaboration avec le groupe de Harvard.

Le New York Times a rapporté que cette même équipe s’était associée aux Démocrates de l’Iowa pour organiser un «exercice des pires scénarios» incluant de possibles menaces étrangères. Mais l’article était également vague sur les détails.

Robby Mook est l’ancien directeur de campagne d’Hillary Clinton qui a échoué dans sa course aux présidentielles en 2016. Il était aussi le cofondateur de Defending Digital Democracy. Son initiative est née de la panique nationale à propos de l’ingérence russe que lui et son ancien boss ont aidé à remuer lorsqu’ils ont imputé leur défaite aux interférences de Moscou. Depuis, Mook s’est engagé à “protéger des pirates et des attaques de propagande“.

Il a fondé l’organisation avec l’aide de Matt Rhoades, un ancien directeur de campagne du républicain Mitt Romney. La société de relations publiques de Rhoades a été poursuivie par un investisseur de la Silicon Valley qui avait été qualifié “d’agent du gouvernement russe” et “d’ami du président Vladimir Poutine”. La firme de Rhoades avait été engagée par un rival commercial pour détruire la réputation de l’investisseur.

Alors que l’indignation enflait avec les retards dans les résultats du caucus de l’Iowa, Mook a publiquement nié toute implication dans la conception de l’application défaillante.

.@RobbyMook, you may not have built the app, but the @nytimes is reporting that you were involved in stress testing it.

Any comment? https://t.co/OHOVs2vX4u pic.twitter.com/2FmbnZc4tT

— Franklin Leonard (@franklinleonard) February 4, 2020

Quelques heures plus tard, le journaliste Lee Fang a rapporté qu’une entreprise technologique jusque-là inconnue, Shadow Inc., avait passé un contrat avec le Parti démocrate de l’Iowa pour créer l’application défaillante. L’entreprise était composée d’anciens membres du personnel d’Obama et de Clinton ainsi que de l’industrie de la technologie. L’entreprise avait été également payée pour les «droits du logiciel» par la campagne de Buttigieg.

Le chemin d’un homme du lobby israélien mène à la cave à vin de Buttigieg

Shadow Inc. a été lancée par un important organisme à but non lucratif démocrate d’argent opaque appelé Acronym. Cet organisme a également donné naissance à un Super PAC de 7,7 millions de dollars appelé Pacronym.

Selon Sludge, le plus grand donateur de Pacronym est Seth Klarman. Bailleur de fonds milliardaire, Klarman est également l’un des principaux donateurs de Buttigieg et d’Amy Klobuchar.

Son rôle dans le financement des campagnes a attiré une certaine attention. Ce qui est cependant presque entièrement passé sous silence, c’est le financement prolifique que Klarman accorde au lobby israélien pro-colonies et à des initiatives islamophobes.

Seth Klarman est le fondateur du fonds spéculatif Baupost Group basé à Boston. C’est un donateur de longue date de candidats républicains. Après que Donald Trump a appelé à annuler la dette de Porto Rico, Klarman – le propriétaire de 911 millions de dollars d’obligations de l’île – a tourné sa veste et a commencé à financer les opposants de Trump.

La croisade du milliardaire contre Trump l’a finalement conduit à la cave à vin du maire Pete Buttigieg.

À la fin de 2019, Klarman avait fait don de 5600 dollars à Buttigieg. Il avait également injecté de l’argent dans les campagnes d’Amy Klobuchar, Cory Booker et Kamala Harris.

Le soutien du milliardaire aux candidats centristes ne semble pas seulement concerner ses propres intérêts financiers, mais aussi son engagement idéologique profond et constant envers Israël et son projet expansionniste.

Comme je l’ai signalé pour Mondoweiss, Klarman a été l’un des principaux bailleurs de fonds des principaux lobbies israéliens, y compris ceux qui soutiennent l’expansion des colonies illégales ainsi que des campagnes islamophobes.

Klarman était le principal financier du Israel Project. Récemment dissoute, cette organisation de propagande liée au gouvernement israélien a fait pression pour annuler l’accord sur le nucléaire iranien et a soutenu des projets de colonisation israélienne.

Klarman a injecté des centaines de milliers de dollars au Middle East Media Research Institute (MEMRI) et au American Jewish Committee. Il a aussi financé le David Project, qui a été créé pour supprimer des campus universitaires US les mouvements de solidarité avec la Palestine. Le David Project a également lutté pour bloquer la création d’un centre communautaire musulman à Boston.

Grâce à son soutien aux Amis d’Ir David Inc., Klarman s’est directement impliqué dans l’entreprise de colonisation israélienne, en aidant la branche exonérée d’impôt de l’organisation basée aux États-Unis qui a supervisé une vague d’expulsions palestiniennes dans le quartier occupé de Silwan à Jérusalem-Est.

Parmi les autres groupes pro-Israel qui profitent de la générosité de Klarman, on retrouve le Birthright Israel, le Washington Institute for Near East Policy (WINEP) fondé par l’AIPAC, ainsi que la Foundation for the Defence of Democracies (FDD). Ce groupe de réflexion néoconservateur a aidé à concevoir la stratégie de “pression maximale” contre l’Iran de Trump avec une augmentation des sanctions économiques.  Klarman est aussi le propriétaire du Times of Israel, un média israélien qui a publié un jour un appel au génocide palestinien. (L’éditorial a finalement été supprimé à la suite de protestations publiques.)

Ces dernières semaines, Buttigieg a cherché à se distinguer de Sanders sur la question israélo-palestinienne. Lors d’un échange houleux en janvier avec un partisan juif autoproclamé des droits palestiniens, Buttigieg a ravalé sa parole. Il est revenu sur son engagement pris précédemment de suspendre l’aide militaire à Israël s’il annexait des parties de la Cisjordanie.

NEW: The day after Trump unveiled his plan green-lighting Israeli annexation and Netanyahu’s announcement of a cabinet vote on annexation this Tuesday, @PeteButtigieg backtracked on his repeated promise that the “U.S. will not foot the bill for annexation.” #StopFundingOccupation pic.twitter.com/dldyRnI5lo

— IfNotNow🔥 (@IfNotNowOrg) January 30, 2020

Une autre bénéficiaire de l’aide de Klarman, Amy Klobuchar, a adopté une position fortement pro-israélienne. Cette Démocrate a notamment promis de soutenir le projet de Trump de déplacer l’ambassade US de Tel Aviv à Jérusalem.

Par ailleurs, l’intérêt que porte Klarman pour Israël l’a apparemment conduit à soutenir le changement de régime en Syrie. En 2017, la fondation du milliardaire pro-israélien a fait un don de 100 000 $ à la Syrian American Medical Society, une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis qui a exercé des pressions énergiques pour que les États-Unis interviennent en Syrie tout en s’associant sur le terrain avec des extrémistes soutenus par des étrangers et qui occupaient de vastes zones dans le pays.

Revenons aux États-Unis. Klarman a largement contribué au financement de la CIA Memorial Foundation. Il figure aux côtés de l’ancien directeur de la CIA, George Tenet, comme l’un des principaux contributeurs individuels du groupe.

Le soutien de Klarman à Buttigieg, que Grayzone avait précédemment rapporté, a été complimenté par une liste étonnamment longue d’anciens hauts responsables de la CIA, d’architectes de changement de régime et de financiers mondiaux.

Lutter contre Bernie avec des fonds spéculatifs et des allégations de sexisme

Comme Klarman, Donald Sussman est un bailleur de fonds qui a canalisé sa fortune dans Pacronym. Il a donné 1 million de dollars au Super PAC et a également été le principal donateur d’Hillary Clinton en 2016.

Les Paloma Partners de Sussman opèrent via une série de sociétés-écrans offshore et ont reçu des dizaines de millions de dollars dans le cadre du plan de sauvetage fédéral du secteur bancaire en 2009.

Sa fille, la démocrate Emily Tisch Sussman, a déclaré sur MSNBC en septembre: “Continuer à soutenir Sanders plutôt que Warren, c’est en quelque sorte exposer son sexisme.

MSNBC pundit says if you support Bernie Sanders over Elizabeth Warren it’s “showing your sexism.” pic.twitter.com/fghFIqOF6C

— Ibrahim (@ibrahimpols) September 27, 2019

Les élites démocrates comme les Sussmans se préparaient psychologiquement à un triomphe de Bernie Sanders dans l’Iowa. C’est alors qu’une mystérieuse technologie mise au point par un groupe financé par leurs soins a retardé les résultats du vote, empêchant Sanders de prononcer son discours de victoire. Pete Buttigieig, le candidat que la plupart de ces élites soutenaient, a profité du moment pour se déclarer vainqueur. Avec un scénario aussi étrange, pas besoin de théories du complot.  

Note:

[1] Les résultats ont depuis été annoncés officiellement et donnent Bernie Sanders vainqueur.

 

Source originale: The Grey Zone

Traduit de l’anglais par Investig’Action

Source: Investig’Action

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