Pourquoi Alain Soral et Comprendre l’Empire méritent d’être étudiés de près (2/2)

Lorsque je préparais ce livre, des amis m’ont dit : « Est-ce bien nécessaire ? Beaucoup de gens ne connaissent pas Soral, ou ne le suivent pas ». Exact. Mais le problème dépasse la personne de Soral.  Aujourd’hui, beaucoup de personnes s’interrogent sur la société dans laquelle nous vivons : que faut-il faire avec le capitalisme pour que l’humanité aille mieux ? Différents courants de pensée sont en présence pour expliquer le système et Soral représente un de ces courants, qui existait bien avant lui et existera encore sans lui. 

 

Découvrez la deuxième partie de l’introduction du livre Pourquoi Soral séduit.

 

 

 

 

 

 

 

Pour lire la première partie de l’introduction du livre
https://www.investigaction.net/fr/pourquoi-alain-soral-et-comprendre-lempire-meritent-detre-etudies-de-pres-1-2/

 

Râler ne suffit pas

 

En lisant Comprendre l’Empire, on ne peut qu’être frappé par une contradiction étonnante. D’un côté, Alain Soral ne cesse de fustiger le système qu’il appelle « Empire », le décrivant comme injuste, hypocrite et destructeur. Et de l’autre côté, que propose-t-il alors pour combattre ce système, pour le faire reculer, pour défendre les gens ? Rien. Absolument rien. Dans les 238 pages de ce livre, il ne propose pas une seule action, pas une seule revendication, pas une seule piste pour mobiliser les gens. C’est un vrai mystère. Regarder les vidéos de Soral suffirait-il pour changer le monde ? Pouvons-nous nous contenter d’assister passivement au combat mené par quelques « grands hommes » ?

Je ne le pense pas. Je crois et je montrerai que l’Histoire n’est jamais faite par de tels « grands hommes » mais bien par des millions de gens, qui d’abord étaient passifs, ou entravés, et qui à un moment se mettent en marche, rejettent l’ancienne société et entreprennent de réaliser leurs rêves. Alors, si le monde d’aujourd’hui nous déplaît, devons-nous attendre qu’il se change de lui-même, ou que d’autres le changent pour nous ? Ne faut-il pas commencer, chacun là où nous sommes, à prendre nos pelles et remuer la terre pour déplacer petit à petit les obstacles ?

Râler ne suffit pas. Il nous faut dès maintenant pouvoir combattre et faire reculer l’injustice. Râler est légitime, mais se limiter à râler, c’est capituler, c’est renoncer à offrir un monde meilleur à nos enfants ou futurs enfants. Gueuler, ça fait du bien, mais les gens ont surtout besoin de comprendre et d’agir.

Surtout aujourd’hui. Nous vivons un moment historique. Le système commence à craquer, l’Histoire s’accélère, le monde devient complexe et chaotique. Se faire du bien en écoutant quelqu’un pousser un coup de gueule, cela ne suffit pas, on a besoin d’une analyse solide. Une analyse qui arme chacun. Pas seulement les intellectuels, mais aussi les ouvriers, les ménagères, les jeunes non diplômés. Chacun doit pouvoir comprendre ce qui se passe. Afin de pouvoir agir et peser sur ce système.

 

Des moutons ?

 

On rencontre beaucoup de pessimisme : « Ils sont trop forts ». Mais un monde meilleur est parfaitement possible et ce serait bête de passer à côté. Car le capitalisme n’est pas aussi fort qu’il veut le faire croire : l’économie ne parvient pas à sortir de la crise, les Etats-Unis sont en déclin, l’Union européenne pourrait exploser, Israël est de plus en plus impopulaire. Bref, le système a de grandes faiblesses que nous pouvons exploiter pour faire reculer l’injustice, et préparer des changements radicaux.

Evidemment, ceci renvoie à une question fondamentale : a-t-on confiance dans les gens ou les méprise-t-on ? Dans son livre, à la page 102, Alain Soral traite son public de « moutons » incapables de quoi que ce soit. Par contre, il glorifie l’action de ce qu’il appelle « le grand homme ». A qui pense-t-il ? Quels sont ses modèles dans l’Histoire ? Quels changements a-t-il en tête ? Ces questions seront soigneusement étudiées.

Pour ma part, je ne partage pas du tout sa thèse sur les « moutons impuissants ». Je dis aux gens : Vous n’êtes pas des moutons, c’est le système qui veut vous maintenir passifs car il a peur de vous. Il a peur que vous compreniez trop bien comment il fonctionne et comment vous pouvez le changer. A mes yeux, vous n’êtes pas des moutons mais des acteurs, et votre intervention sera décisive.

 

Le problème du complotisme dépasse la personne de Soral

 

Lorsque je préparais ce livre, des amis m’ont dit : « Est-ce bien nécessaire ? Beaucoup de gens ne connaissent pas Soral, ou ne le suivent pas ». Exact. Mais le problème dépasse la personne de Soral.

Aujourd’hui, beaucoup de personnes s’interrogent sur la société dans laquelle nous vivons : que faut-il faire avec le capitalisme pour que l’humanité aille mieux ? Différents courants de pensée sont en présence pour expliquer le système et Soral représente un de ces courants, qui existait bien avant lui et existera encore sans lui.

Ce courant complotiste explique les problèmes économiques, politiques et sociaux par des conspirations secrètes que trameraient des forces cachées. Bien sûr, les complots existent. Pas aussi nombreux que certains le prétendent, mais on en a quand même prouvé un certain nombrei. Cependant il est exagéré d’expliquer toute la société par un grand complot. L’explication de certains phénomènes qui nous révoltent est bien plus simple, et peut être prouvée.

Pour prendre un exemple, qui nous touche à cœur : d’où viennent les guerres ? De complots tramés par une bande entièrement secrète et dissimulée ? Ou bien de l’enchaînement logique des règles du capitalisme : à savoir la bataille de la concurrence entre les grands monopoles ? Les supercomploteurs secrets et imaginaires n’ont pas d’adresse, les grands capitalistes si. Je pense que ce courant complotiste provoque un sentiment d’impuissance : que peut-on faire contre des gens qui dirigent le monde, mais dont on ne sait où ils se trouvent ni comment les combattre ?

Un autre courant s’oppose au complotisme. Il explique ces divers problèmes économiques, financiers, sociaux ou guerriers en les rattachant aux structures mêmes du système économique et politique. Des structures qui ne sont pas secrètes, mais discrètes. Ce sont les règles du jeu capitaliste. On pourrait parler d’un « courant structurel ». Le présent livre dépasse donc la question d’Alain Soral, il s’agit du choix entre les différentes manières de comprendre le capitalisme. Cela concerne tout le monde, que l’on soit ou non partisan de Soral.

Laquelle de ces deux explications nous éclaire correctement sur les mécanismes et les faiblesses du système ? Nous allons montrer que ce choix aura un impact énorme sur l’action pratique, ou la passivité, de chacun.

 

Journalisme : la différence entre neutralité et objectivité

 

Pour analyser le système capitaliste, il nous faut donc une méthode non pas subjective et arbitraire, mais objective et rigoureuse. Je dirais même : scientifique. Dans mes articles, films et livres, j’ai essayé de répondre très concrètement aux questions qu’on se pose sur les guerres des Etats-Unis, celles d’Israël et l’ensemble des grandes injustices. Certains m’ont alors fait le reproche : « Mais vous n’êtes pas neutre ! ». Eh bien, en réalité, le journaliste neutre, ça n’existe pas. Nulle part. Surtout pas dans un monde où huit méga-milliardaires possèdent autant que 3,5 milliards de personnes.

Etre journaliste, c’est choisir de quoi on va parler (de cette injustice-là ou des robes des princesses ?), à quel endroit on va placer ses caméras (aux institutions du pouvoir ou chez les révoltés ?), à qui on va donner la parole (le 1% ou les 99% ?) et quels experts on appellera pour nous éclairer.

Ou bien vous servez le 1%, que ce soit conscient ou non, en vous taisant sur l’essentiel. Ou bien vous servez les 99%. Il n’y a pas de « juste milieu » sur cette question. Finissons-en avec ce mythe de la pseudo-neutralité, informer correctement est une manière de combattre l’injustice !

« Pas neutre » ? En réalité, on confond trop souvent ces deux notions : neutralité et objectivité. La neutralité n’existe pas, mais l’objectivité, si. Et elle est même indispensable. Comment définir cette objectivité ? C’est le fait que vos analyses reflètent la réalité, vous ne cherchez ni à l’embellir, ni à la noircir, vous n’écartez pas les faits qui vous surprennent ou dérangent vos certitudes, vous vous efforcez d’apporter des conclusions qui peuvent se vérifier sur le terrain, dans l’action concrète.

Le contraire ? C’est le style subjectiviste, non respectueux des faits, romanesque. Evidemment, un roman est chose respectable et peut être très utile aussi, mais ne mélangeons pas les genres. Se défouler en gueulant sans raisonner sérieusement et sans analyser les causes en profondeur peut faire du bien sur le moment, mais cela ne sert pas l’action et n’apportera que désillusions.

 

De quel savoir avons-nous besoin ?

 

Si vous êtes physicien, quel savoir devez-vous apporter aux gens ? Non pas des fantaisies, des impressions subjectives, mais des certitudes démontrables auxquelles ils peuvent se fier. Par exemple, les gens ont besoin de savoir, avec précision, de façon scientifique, que s’ils veulent évaporer de l’eau, ils doivent la porter à 100 degrés. S’ils veulent de la glace, ils doivent descendre sous le zéro degré. C’est très précis et vérifiable, non ? Essayons d’appliquer la même rigueur à la science de la société. Si on se plaint du capitalisme, il faut en comprendre à fond les mécanismes internes afin de savoir aussi comment le transformer.ii

Dans un Manuel de Journalisme alternatif, rédigé à l’intention de ceux qui décident de prendre une tâche active dans la bataille de l’info par un nouveau journalisme citoyen, j’avais écrit : « Etre engagé ne donne pas le droit de raconter n’importe quoi, de déformer la réalité, d’exagérer les faits. Pourtant, qui n’a pas été tenté en rédigeant son premier papier sur une manif qu’il trouvait trop peu fournie d’ « arrondir » le chiffre des manifestants vers le haut ? C’est que le pouvoir de celui qui écrit peut être grisant. En une touche de clavier, vous pouvez embellir une réalité, noircir un tableau, rendre la description plus « mobilisante » pour des milliers de lecteurs. Il faut absolument résister à cette tentation. Les faits nous suffisent, le capitalisme en fait assez, pas besoin d’en rajouter. Et s’il y a trop peu de manifestants, c’est justement ce que le lecteur doit savoir afin de réfléchir au pourquoi. »1

Le tout premier chapitre, dans un instant, vous apportera un exemple démontrant pourquoi je dis : il ne faut rien exagérer, la réalité suffit.

 

Les silences de Soral sont parlants aussi

 

Chaque chapitre de ce livre débutera par une citation de Soral. Presque toujours tirée de son livre fondamental Comprendre l’Empire qui synthétise sa pensée. Cependant, j’aborderai aussi certaines questions importantes dont il ne parle guère. Notamment les guerres et les géostratégies des grandes puissances (au chapitre 5). Et cela pour deux raisons.

D’abord, parce qu’un silence peut être très parlant aussi. Ne rien dire sur des questions qui nous interpellent tous fortement, c’est également un message à décrypter. Pas remarqué le problème ? Pas d’analyse personnelle ? Pas envie de l’exposer maintenant ? Nous essaierons d’éclairer ces silences.

Ensuite, dans ce livre, j’ai tenu à être complet. Vous me posez plein de questions sur le fonctionnement du capitalisme, les causes du colonialisme et des guerres, l’alternative pour en sortir. Cela fait longtemps que je souhaitais écrire un livre où seraient rassemblées les réponses à toutes ces questions. Une vue globale de la société capitaliste où nous vivons. Afin de savoir où nous en sommes et ce que nous pouvons en faire.

Au fond, même si le livre part du phénomène Soral, il veut aller plus loin. Et cela concerne tous ceux qui se posent des questions sur notre système.

 

Economie, finance et social : les 7 contradictions d’Alain Soral

 

Dans ce livre, nous allons commencer par analyser ce que j’appelle les 7 contradictions d’Alain Soral. Nous allons vérifier ses thèses sur l’économie, la finance et le social.

  1. Où se trouve la plus grande fortune ?

  2. Tout est de la faute des banques ?

  3. Qui est responsable de la crise ?

  4. Y a-t-il de bons colonialistes ?

  5. La guerre, complot ou conséquence de la crise ?

  6. Sur quelles classes sociales pouvons-nous compter ?

  7. Est-il possible de résister ?

 

Découvrez le nouveau livre de Michel Collon,
Pourquoi Soral séduit

 

 

Notes :

i Michel Collon, Complotiste, moi ? Investig’Action, 22février 2016.

ii Michel Collon, Manuel de Journalisme alternatif, Investig’Action, 2004, non publié.

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