Nous ferions bien de nous y préparer : le Covid-19 va perdurer, même après la vaccination

Lorsque la campagne de vaccination a démarré fin 2020, on espérait pouvoir reprendre une vie normale dans un délai raisonnable. Mais c’était sans compter sur de nouveaux variants préoccupants. Aujourd’hui, le succès d’une campagne de vaccination n’est plus en soi la garantie d’avoir vaincu le virus. Nous devrons probablement encore apprendre à vivre avec le Covid pendant un certain temps.

 

L’immunité collective

Les perspectives favorables que nous avions à la fin de l’année dernière étaient fondées sur l’espoir de construire assez rapidement une immunité de groupe grâce aux vaccins, soit par la vaccination, soit par une exposition passée au virus (1). L’immunité collective fait disparaître le virus par lui-même. On pensait initialement que 60 à 70% de la population suffiraient pour y arriver. Mais avec les nouveaux variants et sur la base de nouvelles connaissances, ce pourcentage devra être beaucoup plus élevé. Il est même envisagé que nous n’atteignions jamais l’immunité collective.

D’abord, l’immunité induite par l’infection diminue avec le temps. C’est également le cas des autres coronavirus. Des études montrent que l’immunité actuelle induite par l’infection perdure au moins six mois. Chez les personnes qui ont développé des symptômes graves, cette durée est d’au moins huit mois. Après cela, l’immunité peut s’affaiblir et disparaître. En outre, les résultats obtenus en Afrique du Sud et au Brésil ont montré qu’une infection préalable n’offre qu’une faible immunité contre les nouveaux variants.

Cela signifie qu’il reste la vaccination comme moyen d’acquérir une immunité de groupe durable. Mais là, nous avons au moins cinq obstacles.

 

Les limites de la vaccination

Tout d’abord, certains variants se comportent presque comme de nouveaux virus, contre lesquels les vaccins n’offrent qu’une protection partielle. L’approche maladroite des gouvernements, surtout en Occident, a fait que 137 millions de personnes ont été infectées à ce jour. Cette propagation incontrôlée favorise l’apparition possible de nouvelles mutations contre lesquelles les vaccins actuels ne protègent pas.

Deuxièmement, on suppose que la protection fournie par les vaccins n’est pas permanente. Nous sommes encore dans le flou à ce sujet, mais les experts supposent que les vaccins procurent une immunité protectrice pendant six mois à deux ans. C’est pourquoi on évoque déjà des rappels après six mois pour assurer une protection durable. En Israël, le passeport vaccinal est également valable six mois.

Troisièmement, on ne sait pas si, et dans quelle mesure, les vaccins eux-mêmes empêchent la contamination. On suppose qu’ils empêchent la transmission dans une large mesure, mais cela n’a pas encore été établi catégoriquement. Ce n’est pas un détail sans importance. « L’immunité de groupe n’est pertinente que si nous disposons d’un vaccin qui bloque la transmission. Si ce n’est pas le cas, la seule façon d’obtenir une immunité collective est de donner le vaccin à tout le monde », a déclaré la professeure Bansal de l’université de Georgetown à Washington DC.

Quatrièmement, on vaccine trop peu de personnes. Avec les variants actuels, au moins un bon 80 % de la population devrait être vacciné pour réaliser une immunité de groupe. Seuls quelques pays atteignent actuellement la barre des 80 % en termes de bonne volonté vaccinale. Et il faut ensuite déduire tous les jeunes de moins de 18 ans, car ils ne pourront probablement pas se faire vacciner avant 2022 au plus tôt. Nous parlons d’au moins un cinquième de la population.

Enfin, il y a le déploiement lent et chaotique des vaccins. Compte tenu de l’urgence, comme dans une économie de guerre, nous aurions pu et dû mettre les entreprises au travail. Au lieu de quoi la production a été confiée à quelques géants pharmaceutiques. En conséquence, les campagnes de vaccination ont été beaucoup trop lentes.

 

Le nationalisme vaccinal

Au rythme actuel de la vaccination, les vaccins s’épuiseront plus vite qu’ils ne pourront être administrés à l’ensemble de la population. Dans les pays riches, nous pourrons peut-être nous faire vacciner plusieurs fois par an contre le dernier variant en date, mais on peut se demander si cela sera suffisamment rapide ou complet pour parvenir à l’immunité collective.

La situation est bien pire dans les pays pauvres, car la distribution de l’offre limitée de vaccins est extrêmement inégale. Les pays riches, qui représentent 20 % de la population mondiale, ont acheté 55 % de tous les vaccins. Il est probable que de nombreuses personnes dans les pays pauvres devront attendre 2023 ou 2024 pour recevoir leur vaccin.

Ce nationalisme vaccinal est court-termiste. Même pour un pays ayant un taux de vaccination élevé, le potentiel de nouvelles épidémies persiste si les pays voisins n’ont pas fait de même et si les populations peuvent se mêler. Le risque de contracter un nouveau variant dans un pays sous-vacciné est quatre à six fois plus élevé que dans un pays vacciné. « Personne n’est vraiment à l’abri du Covid-19 tant que tout le monde ne l’est pas », ont déclaré les experts de la Commission Lancet sur le COVID-19.

 

« Suppression maximale »

Chaque jour, il y a près de 700 000 nouvelles infections dans le monde. Avec un taux de contamination aussi élevé, il y aura inévitablement de nouveaux variants inquiétants qui se propageront et contre lesquels les vaccinations ou les infections précédentes ne fourniront pas d’immunité. Plus cette situation se prolonge, plus on peut s’attendre à ce que de tels variants se multiplient. Selon les experts de la Commission Lancet, nous sommes engagés dans une course contre la montre pour que le taux de transmission dans le monde soit suffisamment bas pour empêcher l’émergence et la propagation de nouveaux variants.

Tout orgueil vaccinal est déplacé. Selon les experts, une campagne de vaccination réussie ne garantit plus à elle seule la victoire sur le virus. Le Chili en est un bon exemple : aujourd’hui, 60 % de la population a déjà reçu sa première vaccination, mais le nombre d’infections est toujours en hausse. Sur une population de 19 millions d’habitants, on dénombre chaque jour 7.000 nouvelles infections et 100 décès dus au COVID.

Les experts de la  Commisson Lancet préconisent donc une « suppression maximale » du COVID-19. Il est d’une importance vitale de réduire le nombre d’infections de manière significative, non pas à long terme, mais le plus rapidement possible. Il s’agit non seulement de vacciner, mais aussi de prendre les mesures bien connues telles que la limitation des contacts sociaux, le maintien de mesures de sécurité strictes (masques bucco-nasaux, hygiène des mains, distance de sécurité, meilleure ventilation, etc.), le dépistage rapide et le traçage précis et rapide des contacts.

Des pays comme Taïwan, la Chine, l’Australie, le Vietnam et la Nouvelle-Zélande montrent que le virus peut être pratiquement éradiqué. Les régions où le virus fait rage continuent à servir de viviers pour les variants résistants et ainsi nous ne parviendrons donc jamais à enrayer la pandémie.

Outre la forte réduction du nombre de contaminations, les experts estiment qu’un certain nombre de choses sont encore nécessaires. Tout d’abord, nous devons distribuer équitablement les vaccins dans le monde et accélérer les programmes de vaccination dans tous les pays. Cela ne sera pas possible sans lever les brevets et planifier la production. Deuxièmement, nous avons besoin de programmes de surveillance capables de détecter de nouveaux variants sur la base des techniques de séquençage de l’ADN. Troisièmement, il faut mener des recherches internationales sur l’efficacité des vaccins pour les variants existants et les nouveaux variants préoccupants. Il y a encore beaucoup de travail à faire dans ces trois domaines.

 

Vagues hivernales

Les maladies infectieuses ont pour caractéristique commune de devenir plus infectieuses mais moins puissantes avec le temps. Après tout, si l’hôte ne meurt pas, cela constitue un avantage dans la sélection naturelle du virus. Ce n’est apparemment pas le cas avec le virus actuel. Les variants connus sont plus contagieux mais pas moins dangereux, au contraire.

Si cette tendance se poursuit, étant donné que nous ne pouvons pas obtenir une immunité de groupe dans la constellation actuelle, nous sommes probablement confrontés à un cycle permanent de pics et de régressions. Comme pour la grippe, le facteur saisonnier jouera probablement un rôle ici aussi. Il faut s’attendre à de nouvelles épidémies, surtout pendant les périodes hivernales. Selon le virologue de renom Peter Piot, l’hiver prochain, en cas d’absence des masques bucco-nasaux et des distances de sécurité, le facteur de reproduction (2) pourrait même être plus élevé que l’hiver dernier. Et ce en dépit de la protection que confère la vaccination. 

C’est pourquoi M. Piot préconise de rendre les masques bucco-nasaux obligatoires pendant les mois de pic, de promouvoir le télétravail et l’enseignement numérique (pour les grands groupes), et d’inciter les personnes à risque (par exemple les personnes de plus de 65 ans ou ayant un problème de santé) à éviter les grands événements ou les environnements publics tels que les bars, les restaurants, etc. Il préconise également d’augmenter la capacité des unités de soins intensifs pendant les mois d’hiver.

 

La nouvelle normalité

L’éradication d’un virus infectieux n’est pas tâche facile. La variole est l’une des rares pandémies qui a été complètement vaincue dans le passé. Tout comme le virus de la grippe (influenza A), le Covid-19 ne sera probablement jamais complètement éradiqué.

La bonne nouvelle est que des vaccins très efficaces ont été trouvés rapidement. Comme l’a montré Israël, ils entraînent une diminution des infections et une réduction significative des admissions à l’hôpital ou des décès (3). Cela signifie que les confinements pourront probablement être évités à l’avenir. Mais comme nous l’avons vu plus haut, les vaccins seuls ne suffiront pas.

En somme, la question n’est pas de savoir dans combien de temps nous reviendrons à la normale, mais quel type de normalité ce sera. La nouvelle normalité sera – pour l’instant du moins – une normalité sans immunité collective et donc avec les précautions et les mesures de protection nécessaires. A long terme, le COVID-19 pourrait alors évoluer vers une maladie endémique (4) comme la grippe.

Nous devons nous préparer, de même que notre société, à y faire face le mieux possible. Nous avons cruellement échoué au début de la crise du Covid-19. Il serait impardonnable de bousiller également la suite de la crise.

 

Source originale: De Wereld Morgen

Traduction du néerlandais : Anne Meert pour Investig’action.

 

 

Notes:

(1) En Belgique par exemple, 16% de la population ont des anticorps en eux.

(2) Le facteur de reproduction est le nombre de personnes qu’un porteur du virus contamine en moyenne.

(3) Actuellement il y a chaque jour 250 nouvelles contaminations et 8 décès Covid, sur une population de 9 millions.

(4) En cas de maladie endémique les apparitions de foyers sont relativement constantes et restent également locales.

 

 

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