L’UPF crée un prix annuel en l’honneur de Shireen Abou Akleh

Il y a encore des journalistes qui s’intéressent à la Palestine et à la manière indigne dont sont traités les Palestiniens, comme en témoigne le prix qui vient d’être créé en l’honneur et à la mémoire de la journaliste palestino-étasunienne Shireen Abou Akleh, assassinée par l’armée israélienne à Jenine le 11 mai 2022. L’annonce en a été fait lors de la cérémonie de clôture des 49e assises de l’Union internationale de la Presse francophone (UPF), qui se sont tenues à Benguerir, au Maroc, du 25 au 27 juillet 2022 sur le thème du « rôle des médias dans le renforcement du leadership des femmes ». Alors qu’on aurait pu craindre un sujet quelque peu « bateau » et « tarte à la crème », il a donné lieu à des discussions et débats sortant de l’ordinaire, avec notamment la participation active de nombreuses femmes africaines.

 

Le ton a été donné dès le début avec l’élection de la première Présidente internationale de l’UPF en la personne de la Française Anne-Cécile Robert, Directrice des rédactions internationales du Monde Diplomatique. Elle succède au très charismatique Madiambal Diagne, du Sénégal, qui a présidé l’Union pendant huit ans et qui a fait honneur à une Afrique en pleine émancipation. La diversité de la francophonie est reflétée dans la composition du Bureau, qui compte des vice-présidents régionaux venus de la Guadeloupe, du Maroc, du Sénégal et de la Suisse. La secrétaire générale de l’UPF est pour sa part arménienne et son adjointe moldave. Quant au trésorier, il est monégasque.

Association plutôt atypique, l’Union internationale de la presse francophone est tout sauf une association faîtière qui regrouperait l’ensemble des journalistes des pays francophones. Ses membres adhèrent sur une base volontaire et sont pour la plupart au moins autant préoccupés par la défense de la langue française et du pluralisme linguistique dans le monde que par les problèmes « techniques » de la presse contemporaine.

Il est à relever que le Monde Diplomatique, représenté par la nouvelle présidente, est lui aussi un média atypique qui tranche, au sein de la presse francophone, avec la plupart des médias de grand chemin qui véhiculent de plus en plus une pensée géopolitique unique.

Anne-Cécile Robert, l’a immédiatement fait sentir dans son discours d’investiture, en soulignant que la liberté d’expression est en danger partout et pas seulement dans les pays auxquels l’occident se plaît à toujours donner des leçons. Elle a ainsi rappelé, par exemple, l’assassinat à Malte de la journaliste Daphne Caruana Galiza et le traitement infâme que subit Julian Assange au Royaume-Uni. Elle a insisté également, par ailleurs, sur le fait que la langue française est menacée, que son utilisation est en recul dans les instances internationales et que sa qualité même est fortement dégradée, notamment en France. Il existe, a-t-elle souligné, une bataille des langues dont les Français se soucient peu, contrairement par exemple aux Chinois, qui multiplient les Instituts Confucius, ou aux Allemands, dont les Instituts Goethe deviennent omniprésents.

Car malgré les événements tragiques et souvent criminels qui ont marqué l’histoire des pays « ayant le français en partage », cette langue n’est pas seulement celle des anciennes puissances coloniales, mais de plus en plus celle des pays anciennement colonisés. Anne-Cécile Robert a rappelé à ce propos que lorsqu’il fut question, il y a quelques années, d’introduire dans la Constitution de la France que « le français est la langue de la République », des pays africains avaient protesté en faisant remarquer que la France s’approprierait ainsi cette langue pour elle seule. La formulation a donc été modifiée pour devenir « la langue de la République est le français », ce qui est en effet autre chose et ne suscite guère de controverse.

Outre les interventions de nombreuses femmes évoluant dans le milieu des médias, qui ont exposé les problèmes auxquels elles se heurtent et le chemin qui reste à faire sur la voie de l’égalité, les assises de 2022 ont été marquées par la présence et les prises de parole énergiques et pertinentes de l’ancienne ministre française Christiane Taubira, qui, à défaut de faire l’unanimité politique à gauche, suscite le respect général pour son action en faveur des peuples opprimés et pour les droits des femmes.

Un mémorandum de coopération a enfin été signé par l’UPF et la Fédération internationale des journalistes (FIJ), dont la présidente a exigé la libération de Julian Assange, soulignant l’hypocrise des Etats-Unis d’Amérique qui dénoncent les prétendus crimes de guerre russes en Ukraine tout en continuant à persécuter le lanceur d’alerte australien coupable d’avoir révélé l’existence de crimes de guerre étasuniens avérés en Irak.

L’évolution de l’UPF depuis quelques années se confirme donc et augure bien du retour du prestige passé de cette association de journalistes qui n’ont manifestement pas que la langue française en partage. Cette année, l’irruption du Monde diplomatique, le soutien affirmé à Julian Assange et le prix en l’honneur d’une journaliste palestinienne sont autant d’éléments qui autorisent à rêver d’un certain renouveau du pluralisme de l’information dans les pays francophones. La suite dira si cet espoir est fondé.  

 

Philippe Stroot 

 

Source: Investig’Action

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