L’un des meilleurs spécialistes de la Russie est attaqué parce qu’il s’oppose à la propagande de l’OTAN

C’est l’un des meilleurs spécialistes reconnus de la Russie au Canada. Professeur à l’Université de Montréal, Michael Carley a refusé d’embrasser le discours de l’OTAN sur le conflit ukrainien. Depuis, il fait l’objet d’une violente campagne de diffamation.

 

Le rôle du Canada dans le conflit ukrainien et la puissance de la diaspora ukrainienne, très à droite, sont peut-être sous-estimés. Du moins si l’on en croit les attaques au vitriol dont a fait l’objet le professeur Carley. Il a été l’un des premiers au Canada à subir la colère des médias mainstream, après le début de la guerre en Ukraine, en février 2022.

Pour comprendre pourquoi les médias canadiens ont accordé autant d’attention aux plaintes de la diaspora ukrainienne, il faut d’abord comprendre comment l’aile droite des Ukraino-Canadiens a pris le dessus sur cette diaspora. Tout comme les États-Unis, le Canada a été un refuge privilégié par de nombreux fascistes ukrainiens. On peut d’ailleurs s’attendre à ce que “l’affaire Carley” fasse des émules aux États-Unis. Cette affaire devrait ainsi servir d’avertissement.

Le Parlement et les médias canadiens unis dans leurs sentiments anti-russes

Les parlementaires canadiens ont toujours été unanimes dans leur condamnation de la Russie et leur soutien à l’Ukraine. Cette attitude s’est renforcée encore après que la Russie a reconnu l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, le 21 février 2022. Le lendemain en effet, le gouvernement libéral du Canada a imposé “de nouvelles interdictions sur les transactions directes et indirectes dans la dette souveraine russe” et a promis d’envoyer “jusqu’à 460 personnes supplémentaires” pour rejoindre les forces militaires canadiennes participant à l’opération de réassurance de l’OTAN en Europe.

Le gouvernement a “autorisé quelque 3.400 membres des Forces armées canadiennes, toutes branches confondues, à se déployer au sein de la Force de réaction de l’OTAN si l’OTAN en a besoin“. Après le début l’opération russe, le même jour, le gouvernement libéral a sanctionné d’autres représentants du gouvernement russe et a restreint davantage les exportations vers la Russie.

Le 15 mars, le Parlement canadien a invité le président ukrainien Volodymyr Zelensky à prononcer un discours. Applaudissements unanimes et soutien total.

Le 27 avril, la députée Heather McPherson du Nouveau Parti Démocratique (le parti social-démocrate du Canada, troisième en importance au Parlement et actuellement allié au Parti libéral du Canada) a réussi à faire adopter une motion au Parlement avec un soutien unanime. Cette motion affirmait que la Russie commettait un “génocide” en Ukraine.

L’avocat international Chris Black a commenté dans un article pour The Canada Files : “McPherson est toujours prête à aider les Américains dans leur tentative de dominer le monde. Elle a fait des allégations similaires contre la Chine concernant les Ouïghours, en se basant sur des ‘preuves’ produites par des groupes financés par la CIA, la National Endowment for Democracy et d’autres organisations financées par le gouvernement US.

Black est allé plus loin, notant la nature farfelue des affirmations et des recommandations de McPherson :

Il est inutile de discuter des exemples auxquels la députée canadienne s’est référée en présentant sa motion ; ce n’était qu’une litanie de fausses affirmations, la plupart déjà réfutées, et dont aucune ne pouvait constituer un génocide selon une quelconque définition juridique.  Elle l’a même admis (à 2:27 dans le clip) lorsqu’un journaliste d’un média mainstream a fait remarquer que le gouvernement américain a refusé de condamner la Russie pour génocide, car il n’y a pas de preuves suffisantes et fiables de tels actes et aucune intention qui soit requise pour fonder une telle accusation. Prouvant à nouveau que sa motion relevait surtout d’un exercice de propagande contre la Russie, McPherson a répondu qu’elle le savait, mais que “quelqu’un devait agir”. En d’autres termes, les Américains savent qu’ils ne peuvent pas faire une telle déclaration et prétendre avoir une quelconque crédibilité. Alors, ils ont demandé à leurs larbins au Canada de le faire. Et leurs larbins en Lettonie ont rapidement suivi.

McPherson a ensuite ajouté que le Canada devrait envoyer plus d’argent à la Cour pénale internationale pour que le procureur de cette institution prenne des mesures. Le fait qu’elle appelle en réalité à offrir un pot-de-vin au procureur de la CPI pour obtenir sa coopération ne semble pas lui faire honte. De fait, le gouvernement et les parlementaires canadiens ont l’habitude d’essayer de contrôler les poursuites et les procès devant les tribunaux, comme ils l’ont fait pour le TPIY (Yougoslavie) et le TPIR (Rwanda), qui étaient tous deux essentiellement des tribunaux de l’OTAN destinés à désigner des boucs émissaires pour les crimes commis par les nations occidentales qui étaient impliquées dans ces guerres.”

Les grands médias canadiens se sont joints à la docilité des parlementaires, refusant de remettre en question les récits de l’OTAN sur l’opération russe. Cette obéissance du Parlement et des médias grand public a permis au gouvernement canadien d’imposer de lourdes sanctions à la Russie et de fournir une aide militaire à l’Ukraine.

Le gouvernement canadien a ainsi été aux avant-postes pour former la coalition occidentale nécessaire à l’exclusion de la Russie du système international de paiement bancaire SWIFT. La vice-première ministre canadienne Chrystia Freeland a personnellement contacté le gouvernement US le jour où l’opération russe a commencé, pour proposer de couper la Russie de ses réserves étrangères estimées à 640 milliards de dollars US. Le même jour, le Premier ministre Trudeau a présenté l’idée aux autres dirigeants du G7 et, le lendemain, aux dirigeants européens.

En date du 25 septembre 2022, le service d’information de la Société Radio-Canada (SRC), un organisme d’État canadien, a noté que le Canada a “engagé ou livré 626 millions de dollars en aide militaire à l’Ukraine” depuis le début de la guerre. La SRC ajoute que “les forces canadiennes ont livré quatre millions de livres de marchandises depuis mars“, notamment des tourelles infrarouges à vision frontale (FLIR), des véhicules de mobilité de l’infanterie (VMI), des armes d’assaut et des munitions. Le Canada promet de renforcer la capacité d’un centre d’expédition basé en Écosse, qui était autrefois le site d’une station de restitution de la CIA, afin d’accélérer les livraisons d’armes à l’Ukraine, dont 39 véhicules blindés de transport de troupes.

Comment s’est formée la diaspora ukrainienne d’extrême droite du Canada, dont l’influence sur la politique canadienne détermine la couverture des médias mainstream canadiens ?

Le Congrès ukrainien canadien (CUC) est le principal groupe d’extrême droite de la diaspora ukrainienne au Canada. Il exerce une influence considérable sur la politique canadienne envers l’Ukraine depuis des décennies.

Le CUC est principalement le produit d’anciens membres de bataillons nazis ukrainiens et de leurs familles, qui ont été accueillis au Canada après la Seconde Guerre mondiale.

Richard Sanders, fondateur du magazine Coalition Against the Arms Trade, a expliqué que le gouvernement canadien a orchestré la création du Congrès ukrainien canadien (initialement appelé Comité ukrainien canadien) en 1940. Son objectif était “de rassembler tous les Ukrainiens anticommunistes en un seul organisme afin d’écraser l’influence, alors puissante, des Ukrainiens de gauche dont les ancêtres étaient venus au Canada lors de vagues migratoires antérieures“.

Le site web du CUC révèle que sa création a été facilitée par le soutien de l’Organisme canadien des Services nationaux de Guerre. Cet organisme, explique Sanders, “tenait à ce que les jeunes Ukrainiens s’enrôlent dans les services militaires.

Après la Seconde Guerre mondiale, en opposition au CUC, l’Association of United Ukrainian Canadians (AUUC), “une organisation progressiste qui comprend des sociaux-démocrates, des socialistes et des communistes“, s’est opposée au désir du gouvernement canadien, soutenu par le CUC, d’autoriser l’immigration au Canada de milliers d’Ukrainiens ayant collaboré avec les nazis.

Comme l’explique Sanders, l’AUUC a été violemment sanctionnée en raison de sa politique de gauche : “Des tonnes de livres provenant des bibliothèques de l’AUUC ont été littéralement brûlées, ses dirigeants ont été arrêtés, et ses presses à imprimer et ses Temples du Travail (salles de réunion) ont été saisis [en vertu de la Loi sur les mesures de guerre]. Dans certains cas, ils ont même été remis à des ultranationalistes associés au Congrès ukrainien canadien.

En 1950, entre 1.200 et 2.000 membres ukrainiens de la Waffen SS (la garde d’élite de l’armée de l’Allemagne nazie) ont été accueillis au Canada. Ce n’est pas tout: le gouvernement canadien avait en outre “libéré des milliers de vétérans ukrainiens de la Waffen SS des camps d’internement britanniques en leur accordant la citoyenneté canadienne.

Au cours des décennies suivantes, le gouvernement canadien continuera à soutenir la droite ukrainienne sympathisante et collaboratrice des nazis au Canada. En parallèle, il complotera (via l’opération PROFUNC) pour rafler des milliers de Canadiens de gauche, y compris des citoyens actifs au sein de l’AUUC.

Grâce au soutien du gouvernement canadien, le CUC et ses organisations membres ont pu prendre le dessus sur la diaspora ukraino-canadienne. Grâce à cette hégémonie, le CUC et les Canadiens ukrainiens de droite ont pu s’assurer que la couverture médiatique des histoires liées à l’Ukraine corresponde à leur vision au Canada.

Carley sous le feu

Michael J. Carley est professeur au département d’histoire de l’Université de Montréal. Il est spécialiste de l’histoire de l’URSS et de la Russie. La ligne politique de Carley est expressément progressiste. Il est né aux États-Unis, il a participé à des manifestations contre la guerre du Vietnam et pour les droits civils des Noirs dans les années 1960 avant de venir au Canada en 1967.

Le rédacteur en chef adjoint de Canada Files, Arnold August, a expliqué en détail le travail de Carley dans un article de mai 2022 pour TCF intitulé “Ukraine-Russie : Sanctions contre un professeur ‘pro-russe’ de l’Université de Montréal, ou liberté d’expression ?

August écrit : “Le professeur Carley est un spécialiste des relations internationales au XXe siècle et de l’histoire de la Russie et de l’Union soviétique. Ses recherches portent sur les relations de l’Union soviétique avec l’Europe occidentale et les États-Unis entre 1917 et 1945. Il est l’auteur de trois livres (dont deux ont été traduits en plusieurs langues) et d’une centaine d’articles et d’essais sur l’intervention française dans la guerre civile russe (1917-1921), sur les relations soviétiques avec les grandes puissances entre les deux guerres mondiales, sur les questions d'”apaisement”, sur les origines et la conduite de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que sur des questions d’actualité. Il est l’auteur de plus de 115 chapitres de livres, et ses articles ont été récompensés par une quinzaine de prix. Ses ouvrages ont été publiés au Canada, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France, en Italie, en Russie et ailleurs, traduits dans une douzaine de langues.”

Avant d’être attaqué, Carley était membre du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

L’article d’August – dont les conclusions ont été approuvées par Alfred de Zayas et Suzanne Weiss, survivante de l’Holocauste – poursuit : “Le professeur Carley a récemment travaillé sur deux projets de livres majeurs. Le premier porte sur la confrontation entre la Russie/URSS et l’Occident de 1917 à 1930. Cet ouvrage, intitulé Silent Conflict : A Hidden History of Early Soviet-Western Relations, a été publié en 2014 par l’éditeur américain Rowman & Littlefield. La traduction française, Une guerre sourde : L’émergence de l’Union soviétique et les puissances occidentales a été publiée par les PUM (Presses de l’Université de Montréal) en 2016. Une traduction russe a été publiée en 2019.

Le second projet, soutenu par une importante subvention de recherche d’un think tank du gouvernement canadien, le Conseil de recherches en sciences humaines, porte sur les origines et la création de la ” Grande Alliance ” contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. La rédaction de ce deuxième ouvrage est maintenant terminée en trois volumes (1930-1941). Le volume 1 de sa trilogie a été accepté pour publication. Le titre provisoire de la trilogie est “A Near-Run Thing : The Improbable Grand Alliance of World War II”. Carley parle, lit et écrit l’anglais et le français, et il lit le russe.

Carley ne faisait pas l’objet de critiques avant que la Russie ne commence son “Opération Militaire Spéciale” en Ukraine. Le déchaînement contre lui a commencé par l’intermédiaire du journaliste Romain Schué de Radio-Canada (RDI), la radio et télévision de langue française financée par l’État au Canada. L’article à charge de Schué sur Carley a été publié le 23 mars.

La colère contre Carley est venue du fait qu’il a refusé de s’écarter des faits sur la véritable nature du régime ukrainien post-Maïdan qui a pris le pouvoir lors du violent coup d’État de 2014. Carley avait déclaré que les milices néonazies, y compris le “bataillon Azov”, bloquaient les évacuations de civils et que l’opération de la Russie impliquait de nettoyer l’usine Azovstal ainsi que les deux Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk des néonazis.

Carley a également déclaré que le régime de Maidan est extrêmement dépendant des milices néonazies pour maintenir son contrôle et combattre la Russie. Il a aussi déclaré que ce régime autorise les milices néonazies à prendre pour cible les Ukrainiens dissidents. Il a affirmé que le récit d’un “massacre” russe dans la petite ville de Boutcha en mars 2022 était faux, notamment parce que toutes les troupes russes étaient parties trois jours avant que l’Ukraine n’affirme qu’un massacre de civils avait eu lieu.

Les faits indiquent que l’offensive anti-Carley est le résultat de la collaboration d’un organe de presse financé par l’État avec une vigoureuse promotrice du gouvernement ukrainien infesté de nazis, l’étudiante ukraino-canadienne de l’Université de Montréal: Katia Sviderskaya.

Elle est citée favorablement dans l’article original de Schué.  Elle a aussi co-sponsorisé une pétition contre Carley à partir de ce même article. Pétition promue à son tour par Schué dans une mise à jour ultérieure de l’article, suggérant implicitement que Carley devait être retiré du CÉRIUM, mais aussi suspendu ou renvoyé de l’université elle-même.

Poursuivant un objectif commun, cet enchevêtrement illustre donc une collaboration ouverte de médias financés par l’État avec une promotrice nazie ukrainienne au Canada. De quoi remettre en question le “journalisme” de Schué et de ce média financé par l’État.

Dans une publication sur Facebook, Sviderskaya se présente comme une nationaliste de droite et une apologiste du régime nazi de Zelensky. Elle affirme que “l’Ukraine était, est et sera toujours le centre du monde libre”.

Sa pétition comprend une autre ligne d’attaque contre Carley : le fait qu’il soit prêt à collaborer avec des médias russes tels que Sputnik et RT ainsi que des institutions gouvernementales russes et le fait qu’il soit prêt à partager ou utiliser des informations de ces médias lorsque c’est utile. De façon assez comique, la pétition de Sviderskaya affirme qu’elle ne demande pas à l’Université de Montréal de prendre une position politique sur ce sujet et qu’elle est en accord avec les valeurs de la liberté académique.

L’avocat de Carley a noté qu’au Canada, le rapport de la Commission Cloutier de 2021 (une commission mise en place pour se pencher sur les questions relatives à la liberté académique au Québec) a défini “la liberté académique comme la liberté d’enseigner et de discuter, mais aussi comme la liberté d’exprimer son opinion.”

La pétition de Sviderskaya et ses efforts coordonnés avec Schué ont constitué l’excuse parfaite pour que d’autres médias grand public canadiens se joignent à la campagne contre le professeur Carley. Rapidement, le plus important quotidien de langue française au Québec, La Presse en ligne, a couvert l’affaire de cette pétition, suivi par le Globe and Mail (le plus grand journal à tirage national et l’un des deux principaux médias de langue anglaise au Canada), le quotidien Journal de Montréal, puis la Gazette de Montréal (le quotidien de langue anglaise de la ville). L’affaire a même attiré l’attention du magazine américain Newsweek.

Sviderskaya et tous les médias qui se sont ligués contre Carley avaient un objectif implicite commun : le faire renvoyer de l’Université de Montréal et ruiner sa carrière professionnelle pour avoir osé rejeter le discours de l’OTAN sur le conflit russo-ukrainien. Cela servirait d’avertissement pour les universitaires au Canada et aussi aux États-Unis.

Bien que Carley ait réussi à repousser toute tentative de suspension ou de licenciement, il a été retiré du CÉRIUM par son directeur à la suite de la campagne de pression menée contre lui. Il va sans dire que plusieurs dizaines d'”experts” (mais pas que) de la Russie, originaires du Canada et des États-Unis, sont régulièrement invités par les médias canadiens. Ils ont tous en commun de promouvoir le récit des États-Unis, du Canada et de l’OTAN. Par contre, on ne voit jamais l’un des vrais grands experts – si ce n’est le plus grand – du Canada et des États-Unis et qui parle anglais et français : le professeur Carley.

Après plus de cinq mois de résistance de la part de Carley et de ses partisans à l’université et ailleurs, une percée significative a finalement eu lieu. Le 7 septembre 2022, le deuxième plus important quotidien francophone du Québec, Le Devoir, a publié un article d’opinion qui remettait courageusement en question le discours hermétique de l’OTAN, des États-Unis et du Canada sur l’Ukraine. Intitulé “Des guerres sans fin à la guerre permanente“, les auteurs sont Samir Saul (professeur d’histoire, Université de Montréal) et Michel Seymour (professeur retraité de philosophie, Université de Montréal).

Il est important de noter que Carley s’est fait entendre en écrivant sur le régime de Maidan pour des médias alternatifs comme la Strategic Culture Foundation, qui a été ciblée et intimidée par le gouvernement US lui-même. Le Canada, et la diaspora ukrainienne d’extrême droite qui s’y trouve, ont joué un rôle moins connu dans l’arrivée au pouvoir du régime de Maidan.

Le rôle de la diaspora ukrainienne d’extrême droite au Canada et en Ukraine, depuis la fin de la guerre froide

Au milieu des années 80, lorsque Mikhaïl Gorbatchev a trahi le socialisme en URSS et mis en œuvre sa politique de “Perestroïka” qui visait la paix et les accommodements avec les puissances occidentales rapaces, les organisations ukraino-canadiennes d’extrême droite ont profité de l’occasion offerte par la République socialiste soviétique d’Ukraine pour y insérer des espions et des nationalistes ukrainiens. Ils allaient ensuite diriger des mouvements de protestation contre l’Union soviétique et applaudir avec joie à la dissolution de l’URSS.

Lorsque l’Ukraine indépendante a conservé des relations et des échanges commerciaux étroits avec la Fédération de Russie, les extrémistes de droite du CUC ont choisi de collaborer une nouvelle fois avec le gouvernement canadien afin de faire élire Viktor Iouchtchenko lors des élections ukrainiennes très contestées de 2004. Il a été porté au pouvoir grâce à la “révolution orange”, soutenue et financée par l’Occident, avec l’appui du gouvernement canadien et du CUC. Les manifestations “orange” visaient à bloquer l’élection de Viktor Yanukovych, qui était soutenu par ceux qui s’opposaient à la politique militante et anti-russe de l’extrême droite.

Un article du Globe and Mail de 2007 a révélé l’ampleur de l’ingérence canadienne dans les élections ukrainiennes de 2004. L’ambassadeur du Canada en Ukraine a collaboré avec 28 autres pays pour des séances de coordination des donateurs. L’ambassade du Canada a réuni des fonds pour aider des vétérans d’Otpor (Serbie) et de Kmara (Géorgie), spécialistes des révolutions colorées, à former des groupes ukrainiens qui prévoyaient de protester si Iouchtchenko ne remportait pas les prochaines élections. Pora, l’organisation de jeunesse civique qui a été l’un des principaux organisateurs de la révolution orange, a reçu son premier don de 30.000 dollars US par l’intermédiaire de l’ambassade du Canada en Ukraine.

Les observateurs électoraux canadiens se sont également montrés extrêmement partisans de Yuschenko. Un nouveau scrutin a été organisé alors qu’aucun candidat n’avait atteint au premier tour le pourcentage requis de 50% plus un pour gagner. Pour ce nouveau scrutin qui a abouti le 26 décembre, le Canada a envoyé 500 observateurs pour coût de 3 millions de dollars canadiens. Le Congrès ukrainien canadien a envoyé 500 autres observateurs à ses frais. Les observateurs électoraux canadiens ont ouvertement encouragé la révolution orange, et l’un d’entre eux a même pris la parole lors d’un rassemblement de Iouchtchenko.

Dans l’article susmentionné du Globe and Mail, Mychailo Wynnyckyj, qui a servi d’observateur électoral, a admis que “l’on nous avait dit de ne pas arriver en portant de l’orange, mais il n’y avait aucun doute sur qui tout le monde soutenait. Sur les 500 observateurs soutenus par le gouvernement canadien, peut-être 100 étaient, dans leur cœur, vraiment impartiaux.” De nombreux observateurs se sont présentés en Ukraine en orange, couleur emblématique de l’opposition.

L’article du Globe and Mail note qu’un observateur électoral, l’ancien député canadien Borys Wrzesnewskyj, “a également investi une partie de sa propre fortune, finançant des missions d’observation électorale en Ukraine par l’intermédiaire de l’Université de l’Alberta avec 250.000 $ provenant de sa fondation familiale. Il a ouvert son spacieux appartement dans le centre de Kiev pour que ceux qui dormaient dans des tentes puissent prendre une douche de temps en temps.”

Wrzesnewskyj a servi “d’intermédiaire entre M. Martin et M. Iouchtchenko, qu’il avait présenté au Canada plusieurs années auparavant, et il a persuadé le Premier ministre de lire une déclaration spectaculaire à la Chambre des communes” qui condamnait l’ingérence présumée de la Russie en Ukraine. Des observateurs électoraux comme M. Wrzesnewskyj ont été félicités par le Premier ministre Paul Martin lors de l’ouverture d’un bureau du Congrès ukrainien canadien à Winnipeg.

Le 23 janvier 2005, après des mois de protestation dans la rue, la révolution orange l’emporte, et Viktor Iouchtchenko est déclaré président de l’Ukraine. Pourtant, en 2006, le parti du politicien “pro-russe” Viktor Ianoukovitch a obtenu une majorité parlementaire, et en 2010, il a été élu président de l’Ukraine. En 2013, le gouvernement de Viktor Ianoukovitch a choisi d’accepter un accord de renflouement de 15 milliards de dollars sans condition de la part de la Russie qui a par ailleurs réduit d’un tiers le prix du gaz. L’UE avait proposé un accord bien pire pour une plus grande intégration commerciale dans le bloc, ce qui aurait obligé l’Ukraine à augmenter les prix du carburant et d’autres biens essentiels. Le gouvernement canadien et le CUC ont jugé la proposition russe inacceptable.

Puis sont survenues les manifestations de l’Euromaidan, orchestrées par les États-Unis, en faveur de l’accord commercial avec l’UE. Ces protestations, qui demandaient la démission de Ianoukovitch, ont commencé en novembre 2013. Elles se sont transformées en un violent coup d’État de droite dont la force était principalement fournie par des milices néonazies qui ont même tenté d’assassiner l’ancien président Ianoukovitch. Elles ont installé le régime de Maidan au pouvoir en février 2014.

Ken Stone, trésorier de la Hamilton Coalition to Stop the War, basée au Canada, a expliqué le soutien ouvert du Canada au coup d’État de Maidan dans un article pour The Canada Files : “Le gouvernement canadien a dépensé 1 milliard de dollars canadiens pour promouvoir la révolution orange en Ukraine en 2004 et le coup d’État de Maidan en 2014. Pendant l’insurrection de Maidan, le gouvernement Harper a fortement soutenu l’insurrection nazie sur la place Maidan.

Stone note que “après le coup d’État et jusqu’à aujourd’hui, les gouvernements successifs du Canada ont reconnu la junte et ont procédé au déversement de l’argent des contribuables canadiens, à hauteur d’au moins 700 millions de dollars canadiens, plus les armes. Le gouvernement canadien a également envoyé plus de 200 formateurs pour l’armée ukrainienne, dépêché des forces spéciales et soutenu l’Ukraine avec des navires de guerre dans la mer Noire.”

Bien que Volodymyr Zelensky a été élu président en 2019 sur la promesse d’une paix avec les régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk, anciennement oblasts (provinces) de l’est de l’Ukraine avant le coup d’État de 2014, le régime autoritaire de Maidan est resté en place et ses décisions politiques et militaires ont rapidement reflété de près celles de son prédécesseur, Petro Porochenko.

Le Congrès ukrainien canadien est resté inébranlable dans son soutien à Zelensky après qu’il ait rapidement rompu ses vagues promesses électorales de paix. Le CUC a fait pression sur le gouvernement canadien et a rencontré des représentants du gouvernement canadien de manière constante depuis 2020 pour les inciter à augmenter l’aide et la coopération avec l’Ukraine.

Danger pour les États-Unis

Moss Robeson, un activiste et écrivain qui s’oppose à l’influence des Ukrainiens d’extrême droite, a beaucoup écrit sur cet élément de la diaspora ukrainienne aux États-Unis. La différence est que la diaspora basée aux États-Unis n’a pas une influence aussi directe sur le gouvernement que la diaspora ukrainienne d’extrême droite du Canada.

Comme les récits non critiques de l’OTAN sont repris par les grands médias US et que même certains médias de gauche cèdent à la pression pour condamner la Russie, c’est l’occasion pour les organisations de droite de la diaspora ukrainienne de chercher des liens directs et des financements auprès du gouvernement US.

Le Parti socialiste du peuple africain (APSP), qui rejette le discours de l’OTAN sur l’Ukraine, court déjà un grave danger aux États-Unis. L’APSP a été la cible de plusieurs descentes du FBI le 29 juillet 2022, l’administration Biden permettant les attaques contre les organisations anti-impérialistes aux États-Unis, une position condamnée par l’Alliance noire pour la paix. Par ailleurs, le 22 septembre, une délégation du bataillon néonazi Azov était en visite aux États-Unis.

Des organisations anti-impérialistes entières étant ciblées, les universitaires étasuniens pourraient très facilement faire face à des vagues d’attaques similaires à celles de Carley, ou pires encore à cause d’un FBI xénophobe et à l’affût des “interférences russes”.

Carley et la résistance aux récits de l’OTAN

Le professeur Michael Carley a affronté de sérieuses attaques contre sa réputation et sa carrière. Il a même été renvoyé de l’institut de recherche de l’Université de Montréal (CERIUM) pour avoir défendu ses principes et condamné le régime de Maidan infesté de nazis, tandis que de nombreux écrivains et organisations de gauche cèdent à la pression pour condamner la Russie.

Les attaques contre Carley trouvent leur source au sein d’une diaspora ukrainienne de droite au Canada. Un courant soutenu par le gouvernement depuis la fondation de son organisation principale, le CUC, en 1940.

Utilisé à l’origine comme bélier contre le communisme et les Ukrainiens de gauche au Canada, le CUC s’est développé pour influencer de manière significative la politique canadienne et les deux principaux partis politiques canadiens, les libéraux et les conservateurs, la vice-première ministre Chrystia Freeland étant un lien direct du CUC au sommet du pouvoir politique canadien.

Rien ne garantit que Carley ne sera pas confronté à d’autres attaques. L’hystérie qui accompagnera les échecs militaires ukrainiens pourrait être dirigée contre ceux qui rejettent le récit de l’OTAN à propos de la guerre en Ukraine. Carley fait partie de ceux qui peuvent faire face à l’ire une fois de plus. Mais si Carley n’est pas défendu, la porte sera ouverte à des campagnes similaires contre tout universitaire nord-américain [occidental]qui s’exprime.

Nous observons aujourd’hui de nombreuses discussions et confusions en Amérique du Nord et ailleurs sur l’équivalence fallacieuse entre “communisme et fascisme”, en partie tirée du soi-disant pace de non agression Ribbentrop-Molotov de 1939. Dans ce contexte, l’Université de Toronto vient d’annoncer la publication du dernier livre de Carley : “Stalin’s Gamble : The Search for Allies against Hitler, 1930-1936”.

On peut à juste titre se demander : dans quel genre de monde vivons-nous lorsqu’une collaboratrice nazie et un sténographe du Département d’État US comme Schué obtiennent plus de légitimité dans les débats qu’un expert comme le professeur Carley?

Tout cela intervient dans un contexte de changement vers un monde multipolaire, quelles que soient les illusions des pays de l’OTAN et de leurs marionnettes qui prétendent le contraire. Les pays anti-impérialistes, dont la Chine, la Russie, l’Iran, la Bolivie, le Venezuela, Cuba, le Vietnam, la RPDC, la Syrie, le Yémen et d’autres encore, cherchent à dédollariser leur économie et à s’émanciper des sanctions US qui pouvaient auparavant paralyser les nations.

La capacité de maintenir leur hégémonie s’estompe lentement pour les États-Unis. Un exemple clair est la façon dont la Chine a intensifié le commerce avec la Russie alors que les sanctions occidentales s’accumulaient. Ce qui a permis d’atténuer considérablement l’impact des sanctions occidentales. Autre exemple: l’Iran a rejoint l’Organisation de coopération de Shanghai en 2020 et a conclu un accord de coopération économique avec la Chine à hauteur de 400 milliards de dollars sur 25 ans.

Le monde multipolaire arrive ; les personnes au sein du noyau impérial qui, comme le professeur Michael Carley, défendent sincèrement cet objectif pour l’avenir, devraient être fermement soutenues.

Agissez maintenant ou vivez dans le regret plus tard.

 

Source originale: CovertAction Magazine

Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

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