Les inondations, une fatalité ?

Je reviens de Liège. Trois jours près de ma fille. Heureusement, elle habite en hauteur mais nombre de ses amis et collègues vivent près des rives. Trois jours d’émotions intenses à suivre anxieusement les messages et les réseaux, à réconforter et proposer des coups de main. « Fatalité imprévisible », disent nos responsables. Faux : dès 1990, le GIEC (groupe d’experts internationaux sur l’évolution du climat) annonçait un quadruplement des canicules et des « précipitations extrêmes ». Qu’a-t-on fait pour se préparer ?

 

Des pas de fourmis pour freiner la pollution par les entreprises. On continue d’abattre des forêts précieuses. On continue à développer le transport des marchandises par camions au lieu de favoriser le rail et le transport fluvial. Rien pour créer des zones inondables de protection, rien pour renforcer l’absorption des pluies par les sols. Le nord du pays a solennellement proclamé un « Béton stop » , mais on n’a jamais autant construit (y compris sur des terres agricoles) et c’est plutôt « Béton flop ». Et très peu de mesures protectrices dans les zones qu’on savait à risques.

 « On avait bien le temps » ? Que nos responsables osent aller le dire aux sinistrés. Pire : le gouvernement belge a démantelé la Protection civile, chargée des secours en cas de catastrophe. La Belgique comptait six casernes, il n’en reste que deux, le personnel a été réduit. Or, ces sauveteurs héroïques ont sauvé des vies mais le manque d’effectifs, et parfois d’équipements, n’a pas permis d’en sauver davantage. Le ministre Jan Jambon qui a imposé cette réforme et le gouvernement Charles Michel ont donc, littéralement, tué des gens. L’an passé, la même rage néolibérale contre les services publics coûtait la vie à de nombreux malades. Leur Covid n’a pu être soigné parce que nos divers gouvernements avaient supprimé des dizaines de milliers de lits d’hôpitaux (En France, 110.000 lits sous Sarkozy, Hollande et Macron).

 « Ce n’est pas l’heure de la polémique », écrivait hier le quotidien Le Soir. Mais bien sûr que c’est le moment de poser la question essentielle : « Aurions-nous pu diminuer fortement le nombre des victimes ? » C’est bien le moment de redire que, face au Covid, certains pays ont fait cent fois mieux que nous en termes de victimes grâce à un ensemble de mesures radicales et énergiques plaçant, dès le premier jour d’alerte, la protection des vies au centre des stratégies. Parmi ces mesures, des équipes sociales se rendant de maison en maison pour former aux gestes protecteurs, détecter les cas, assister les plus fragiles et limiter ainsi la propagation. Face aux inondations, de même, de telles équipes auraient pu sauver de nombreuses vies en passant de maison en maison dès que l’alerte fut donnée le mercredi 14, pour repérer les personnes fragiles et les protéger ou les évacuer ! Un des pays les plus riches du monde est-il incapable d’assurer un véritable service de protection sociale à ses vieux et ses handicapés ?

C’est aussi le moment de réfléchir avec le remarquable livre Quand le dernier arbre aura été abattu, nous mangerons notre argent, où Ludo De Witte démontre comment le système capitaliste, par sa soif de profit, mène au gaspillage, au pillage des ressources, à la destruction de la Nature et de nos conditions de vie. Inondations, virus ou autres catastrophes : ce n’est pas la Nature qui est violente mais cette société qui place l’argent au-dessus de tout.

Cependant, dans ce flot de souffrances, une grande lueur d’espoir. La solidarité admirable entre les habitants sinistrés et dans toute la région. Les sauvetages risqués, les dons de nourriture, de vêtements et de matériel, les hébergements, les coups de main pour déblayer les boues, les messages de sympathie. Comme lors de la première vague du Covid, la solidarité des simples citoyens a été magnifique et émouvante. L’homme n’est pas un loup pour l’homme.

Et donc les gens d’en bas méritent de meilleurs dirigeants. Et surtout un meilleur système économique où la santé et la vie l’emportent sur les profits d’une minorité. N’attendons pas la prochaine catastrophe pour imposer le changement .

 

Source: Investig’Action

Image: Twitter

 

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