Les Etats-Unis et l’Inde font équipe contre la Chine : le Sri Lanka suivra-t-il le mouvement ?

Le discours  tenu à Washington le mercredi 18 par le Secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson, dans lequel il a désigné la Chine comme étant la cause de l’intérêt accru des Etats-Unis dans l’Océan Indien et la raison pour l’approfondissement de ses liens de défense avec l’Inde, a porté à un niveau supérieur la contestation dans la région vis-à-vis de la grande puissance.

 

Tandis que les analystes ont pendant longtemps fait référence au “rééquilibre” (ou “pivot”) des Etats-Unis par rapport à l’Asie comme étant motivé par le besoin de contrecarrer l’essor économique et militaire de la Chine, les officiels Etats-Uniens ne se sont pas jusqu’à présent montrés aussi catégoriques dans leurs déclarations. La Chine, dans leurs discussions, était un facteur sous-jacent, caché. Mais maintenant, ils ont manifestement ôté les gants.

 

S’adressant au Centre pour les Etudes internationales et  stratégiques (CSIS) à Washington DC, Tillerson a déclaré :
“La Chine, tandis qu’elle se développait  aux côtés de l’Inde, l’a fait d’une manière moins responsable, à certains moments en sapant l’ordre international basé sur des textes légaux, alors que des pays tels que l’Inde agissaient dans un cadre protégeant la souveraineté des autres nations. Les actions provocatrices de la Chine dans la mer de Chine méridionale défient directement la loi et les normes internationales que défendent aussi bien l’Inde que les Etats-Unis. Les Etats-Unis recherchent des relations constructives avec la Chine, mais nous ne reculerons pas devant les défis de la Chine vis-à-vis de l’ordre réglementé et là où la Chine fait fi de la souveraineté des pays voisins et désavantage les Etat-Unis et nos alliés.”

 

En août de l’année dernière, les Etats-Unis et l’Inde ont signé un Protocole d’entente sur les échanges logistiques (LEMOA), un des quatre protocoles fondateurs dans lesquels se sont engagés les Etats-Unis avec leurs partenaires dans le domaine de la défense. Et en décembre, les Etats-Unis ont désigné l’Inde  comme un “partenaire majeur dans le domaine de la défense”. Selon les rapports, il est maintenant établi que l’Inde sera dotée de 22 drones Sea Guardians pour la surveillance de l’Océan Indien. Selon  certains analystes, les Etats-Unis aimeraient que l’Inde partage avec eux la responsabilité de patrouiller la région Asie-Pacifique. “En accord avec le Japon et les nations d’Asie Orientale, Washington souhaiterait que l’Inde appuie les patrouilles dans l’Océan Pacifique, où la marine chinoise devient de plus en plus agressive dans ses revendications” écrit Seema Guha dans “India Legal”.

 

Les raisons invoquées par Tillerson pour le renforcement de la collaboration militaire avec l’Inde ont été exprimées en termes de nécessité “de s’assurer que la région indo-Pacifique soit de plus en plus un milieu de paix, de stabilité et de prospérité croissante – afin qu’elle ne devienne pas une région de désordre, de conflit et d’une économie prédatrice”. Mais la question demeure de savoir si “la paix, la stabilité et la prospérité, etc.” seront accrues par l’attitude “Nous contre Eux” adoptée par les Etats-Unis, “s’acoquinant “avec l’Inde pour contrer l’autre géant émergent asiatique.

 

Les “défis à la législation internationale” mentionnés par Tillerson se référeraient à des actions chinoises dans les eaux disputées de la Mer de Chine méridionale où les revendications chinoises sont contestées par des Etats voisins (Vietnam, Philippines, Malaysia, Brunei). Le Commandant de la flotte Etats-Unienne du Pacifique, l’Amiral Scott Swift, a récemment fait référence à ce problème, quoique  de manière détournée, lors du Galle Dialogue 2017, un colloque maritime international accueilli annuellement par le Sri Lanka.

 

Les “lois et normes internationales” invoquées par les Etats-Unis en soutien à un ordre maritime “fondé sur des règlements” feraient référence à la Convention des Nations-Unies sur la loi maritime (LOS), dont les Etats-Unis ne sont pas eux-mêmes signataires bien qu’ils incitent continuellement les autres à s’y soumettre. Dans sa présentation, l’amiral Swift s’est référé indirectement  au rejet par la Chine de la Convention LOS, qui soutenait le parti des  Philippines dans un contentieux relatif à la Mer de Chine méridionale. Il a comparé l’attitude de la Chine à celle de l’Inde qui, lors d’un litige avec le Bangladesh concernant une frontière maritime, a accepté l’arbitrage du tribunal. “De même que les nations et leurs forces maritimes ont la capacité de faire régner la confiance, leurs actions, en appliquant des lois nationales dans un espace international, érodent toute la confiance qui peut être acquise par une coopération multilatérale.”, a-t-il dit. La question se pose de savoir si la politique agressive des Etats-Unis de procéder à ce qu’ils nomment “Affirmations” de la Liberté de navigation – en faisant naviguer leurs navires de guerre dans les zones contestées de la Mer de Chine méridionale, par exemple – servira les intérêts de la paix et de la stabilité, qu’ils cherchent ostensiblement à promouvoir.

 

Au Galle Dialogue de 2017 également, la Chine a démontré que ses perspectives étaient en train de changer. « La marine chinoise de l’Armée de  Libération du peuple va concrètement mettre en œuvre un nouveau modèle de concept de sécurité maritime et va réaliser des échanges avec d’autre marines dans une attitude plus ouverte et plus responsable en vue de sauvegarder la sécurité maritime et de promouvoir la prospérité maritime », a déclaré le Commandant en second de la flotte de la Mer orientale, le Contre-Amiral Cui Yuzhong. Les remarques du Secrétaire d’Etat américain au Centre des Etudes stratégiques et internationales montre que les Etats-Unis ont choisi d’ignorer ces signes montrant que la Chine est prête à opérer certains changements. Les Etats-Unis ont préféré prendre la voie de l’antagonisme.

Dans l’ensemble de cette équation, il apparaîtrait que le Sri Lanka est stratégiquement situé, littéralement et figurativement. Mais les officiels sri-lankais n’ont pas manifesté la réaction à laquelle on se serait attendu de la part d’un concurrent neutre et d’une nation prétendument non-alignée. Au lieu d’adopter un arrangement soigneusement calibré qui aurait pu être formulé avec la contribution du groupe de réflexion local concernant les relations internationales, ces politiciens [sri-lankais] ont utilisé de manière irréfléchie la rhétorique inspirée des Etats-Unis, incluant des termes tels que « le Pacifique Indo-asiatique », « la  liberté de navigation », « l’ordre réglementé », etc.

 

Bien qu’il soit reconnu que l’Océan Indien est relativement paisible (comparé à certaines de ses zones orientales et méridionales), ils parlent de « menaces » anticipées qui doivent être contrées par des capacités militaires renforcées. Ceci provient directement des règles de jeu Etats-Uniennes. Si le Sri Lanka s’attend à maintenir, comme il le doit, de bonnes relations avec les trois parties – les Etats-Unis, la Chine et l’Inde – le fait d’emprunter une voie partisane est peu susceptible de l’y aider.

 

Source originale: Daily Mirror

Traduit de l’anglais par J.H. pour Investig’Action

Source: Investig’Action

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