Le covid-19: des constats et des enseignements

Il y a Cuba qui envoie des médecins dans d’autres pays. Il y a ceux de l’Union européenne qui confinent pour éviter de surcharger les hôpitaux alors que les injonctions à réduire les dépenses de santé se sont multipliées ces dernières années. Il y a les États-Unis où les Afro-Américains sont surreprésentés parmi les victimes du covid-19… “Cette crise sanitaire sans précédent amplifie les inégalités sociales et de niveaux de développement”, écrit Abdelatif Rebah. Et en Algérie? L’État paie le tournant libéral de ces dernières décennies tandis que les courants réactionnaires du Hirak s’accrochent, en propageant les rumeurs, mais se retrouvent isolés par rapport aux  nouveaux enjeux qui sont apparus. Pas question de baisser les bras pour autant. Pour Abdelatif Rebah, il y a déjà des leçons à tirer de cette crise. (IGA)


La pandémie du covid 19 qui a déjà infecté, au 19 avril avril, plus de 2,3 millions de personnes,  causé la mort de plus de 160 000 autres dans le monde et contraint au confinement plus de la moitié de l’humanité, et qui n’épargne pas également notre pays, ne connait pas de frontières mais frappe un monde  dominé par des inégalités sociales et de niveaux de  développement, criardes. Ses retombées économiques et sociales sans précédent, creusent encore davantage le fossé des inégalités. Ce sont les couches sociales déshéritées aux conditions de vie déjà précaires, petits salariés, travailleurs occasionnels, chômeurs, les familles nombreuses entassées dans des logements exigus,  les femmes des couches populaires particulièrement, les  migrants sans papiers, SDF et sans abri, et les peuples vivant dans la misère et la pauvreté,  qui en supportent et sont appelés à en supporter, dans un futur très proche,  les conséquences  les plus lourdes et les plus dramatiques.

Aux Etats-Unis, le virus tue dans des  proportions disproportionnées, stupéfiantes Noirs, pauvres et travailleurs des métiers les plus exposés,  livreurs, éboueurs, chauffeurs de bus, caissières ou aides soignants… Les Afro-Américains représentent 33% des hospitalisations liées à la pandémie alors qu’ils ne comptent que pour 13% dans la population. Cet écart est particulièrement important dans le Wisconsin, où les Noirs représentent 70% des décès alors qu’ils ne comptent que pour 26% dans la population. Il est tout aussi élevé à Chicago (67% des décès pour seulement 32% de la population), ou encore en Louisiane (70% des décès pour 32% de la population), selon les chiffres du Washington Post.

Une crise sanitaire qui   met à nu l’ampleur de la casse libérale dans le monde

Confrontés à une épidémie meurtrière galopante, les peuples mesurent, avec effroi et colère, l’ampleur des dégâts causés aux systèmes de santé publique par les politiques de casse systématique des services publics, pratiquées des décennies durant, par tous les gouvernements au service du  capital, des régimes plus soucieux de la santé des marchés financiers que de celle des populations. De 2011 à 2018, la Commission européenne a demandé 63 fois à ses Etats membres de réduire les dépenses de santé et/ou de privatiser. L’inventaire du gâchis est édifiant. Pénuries de masques, de gels antibactériens, de bouteilles d’oxygène, de tests médicaux, insuffisance des structures d’accueil hospitalières, manque d’équipements médicaux, respirateurs notamment… Quant au temple du capitalisme mondial, le pays le plus riche du monde, les Etats-Unis, le pays du monde le plus frappé et le plus  endeuillé, par le coronavirus, avec plus de 735.000 cas de contamination et plus de 39.000 décès (bilan du 19 avril), il  n’a, tout simplement, pas de système de santé publique. Les systèmes sociaux basés sur la  loi  d’airain du profit représentent la négation même des besoins exigés par la préservation de la santé humaine.

Une crise sanitaire qui met en évidence la supériorité des systèmes de santé bâtis sous le socialisme et le régime de la planification scientifique centrale

 Les systèmes de santé bâtis sous le socialisme et le régime de  la planification scientifique centrale basée sur les besoins populaires, affichent, aux yeux du monde entier, leur supériorité. Ce sont la Chine, la Russie et Cuba qui  viennent à la rescousse de l’Italie, 8ème puissance économique mondiale, en détresse sanitaire. Un monde foudroyé par la pandémie,  découvre, ainsi, malgré les guerres économiques, idéologiques et médiatiques menées sans relâche contre cette citadelle invaincue du socialisme, l’immense avance de Cuba socialiste dans les domaines de la prévention et de l’hygiène, de la prise en charge des soins médicaux, de la qualité des infrastructures de santé, du niveau élevé de qualification et de compétence du personnel médical et infirmier, du degré de développement de l’enseignement des sciences médicales et de l’infrastructure de recherche médicale et biologique laboratoires de recherche et des sciences médicales.

On pourrait citer également la gestion exemplaire de l’épidémie du coronavirus par le Vietnam pays de 90 millions d’habitants qui compte zéro décès  et  qui est le premier pays à développer un kit de test rapide, efficace et  abordable en un mois. Ou le Kerala, un Etat dirigé par le  parti communiste, le premier touché par le coronavirus en Inde et qui est, pour l’heure, parvenu à juguler la propagation du virus.

Une  crise sanitaire planétaire,  grosse de bouleversements économiques et sociaux et d’exacerbation, à la fois, des affrontements inter impérialistes et des contradictions de classe.

Dans le camp des alliés atlantiques, c’est le sauve-qui-peut, en témoignent, les détournements scandaleux, dans une pure  logique de sauve-qui-peut, de tag 3ala mene tag (la loi de la jungle capitaliste), des cargaisons chinoises de masques,  détournements  perpétrés par  les Etats-Unis et certains pays de l’Union Européenne, au détriment de leurs alliés. Ou la décision de Trump, de retirer en pleine pandémie, la contribution des Etats-Unis au financement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Près de 90% du nombre  total de personnes infectées et autant pour les  décès comptabilisés dans le monde depuis le début de l’épidémie, ont été enregistrés dans les pays de la «coalition occidentale» (Etats-Unis, Union Européenne, OTAN). C’est ce camp qui paiera le prix le plus fort tant sur le plan humain que sur le plan économique (récession inévitable, crise économique possible).

La campagne de diabolisation ciblant la Chine et la Russie, désignées comme les deux menaces principales pour la sécurité de l’Occident, a  déjà commencé.

La bourgeoisie, ses médias et ses  élites préparent déjà les esprits aux nouveaux sacrifices qui vont être demandés aux peuples pour «sauver l’économie», pour subordonner la gestion de la crise sanitaire aux impératifs de profits des grands patrons et  banquiers. Aujourd’hui, patrons, banquiers, élites libérales et gouvernantes, concoctent déjà la note salée à présenter aux travailleurs et aux peuples pour panser les blessures économiques de la pandémie et lui redonner du sang neuf : allongement de la durée du travail, suppression des congés, baisse des salaires, mises au chômage, etc. L’objectif majeur du capital, c’est de repartir avec le maximum de moyens à sa disposition dans la course au profit. Il devra se placer dans la concurrence mondiale capitaliste, pour la conquête des marchés, pour trouver de nouvelles sources de profits. La concurrence capitaliste mondiale sera féroce. Il aura besoin de se donner les moyens d’exploiter plus encore les travailleurs, pour cela de remettre en cause les acquis sociaux de haute lutte.

Une   crise sanitaire qui lève le voile sur les conséquences ruineuses des choix de classe  imposés à notre pays depuis plus de trente ans

En Algérie, l’épidémie de covid 19  lève le voile sur le fiasco, sur toute la ligne, de la  voie conçue comme substitut à celle de développement national de la décennie 1970 et l’étendue des  vulnérabilités structurelles qu’elle a engendrées, traduites dans la grave fragilisation des bases socio-économiques, politiques et institutionnelles de l’Etat national indépendant et la précarisation sociale croissante de larges couches populaires.

La pandémie nous atteint au moment où notre système de santé notoirement dépassé, vit un état de délabrement flagrant, conséquence directe des coups répétés que lui ont infligé les choix de classe ruineux imposés au pays depuis plus de trente ans. L’état d’impréparation alarmant de notre système sanitaire, est le  résultat  direct des choix et des politiques basées sur la privatisation et la commercialisation de la santé.

Un Etat administrativement et techniquement affaibli

Amputé depuis plus de trente années, de ses instruments de planification, et donc de toute dimension à moyen et long termes, du développement économique, de ses outils  d’intervention économique et de son encadrement qualifié et expérimenté.

Une structure économique  dévitalisée et impuissante

Alors que la Chine Socialiste, profitant de son économie largement planifiée et sous contrôle de l’Etat a rapidement su mobiliser son outil industriel pour répondre aux nouveaux besoins créés par l’épidémie, en Algérie, la casse du secteur public et la désertification industrielle qu’elle a provoquée depuis plus de 30 ans, le sabordage de l’enseignement technique et la privatisation, ne laissent plus au pays qu’une économie sans consistance productive ni technologique, minée par l’informel qui ne  nous est d’aucun secours dans le contexte de la riposte à la  pandémie. Fait ô combien révélateur de cette régression, tout le monde a pu  constater comment les  privatisations et le bradage des minoteries publiques ont livré l’approvisionnement de la population en semoule, aux pénuries et à la spéculation.

Un système  de rémunération injuste, insupportable et  scandaleux

Ce ne sont pas celles et ceux qui se battent au quotidien pour sauver des vies, ni  celles  et ceux qui permettent au pays de continuer de tourner, ni celles et ceux qui s’investissent dans la recherche et la production des équipements et moyens de protection de la santé et d’une manière  générale, le travail productif (même le plus qualifié), qui occupent le haut de la pyramide des revenus.

Ceux qui sont aux premières lignes de la bataille pour la vie au péril de la leur, ce ne sont pas  les grands gagnants des libéralisations couverts de largesses et de privilèges exorbitants qui ont dilapidé des centaines de milliards de dollars et la cohorte de leurs serviteurs zélés dans les appareils de l’Etat.

Ce sommet est occupé sans contrepartie sociale correspondante par ceux qui cumulent, superprofits de l’oligarchie et  de l’économie de bazar, détenteurs de rentes régaliennes, hauts revenus salariaux et revenus de rente immobilière, agricole, de monopole, de disponibilité de devises, revenus libres de  toute contrainte, dispensés de tout impôt pratiquement, le système fiscal étant magnanime à leur égard.

Le covid 19 rebat  les cartes

Les  Algériens, sans exception, gouvernement compris,  sont  confrontés  à un ennemi mortel,  invisible, qui frappe l’humanité entière, sans distinction.

Cette donne épidémiologique inédite impose l’impératif vital prioritaire de sauver la santé et la vie  de notre peuple, la protection des couches exposées et vulnérables, la préservation de  la sécurité et de  la stabilité de notre pays. La priorité est au front sanitaire.

Les priorités irrécusables de la lutte contre la pandémie ont mis sur la défensive la coalition des  courants  libéraux et réactionnaires qui ont dominé sans partage, le hirak et les marches hebdomadaires.

Rassemblement hétéroclite au delà du clivage laïcs-islamistes, ce vaste arc social actif et agissant de couches moyennes, en majorité d’obédience libérale, dont l’émergence et la montée sont le fruit des décennies de libéralisation économique, dont elles ont été les grands gagnants, regroupe dans une alliance contre-nature, sur une base transclassiste de nature identitaire (berbériste « Casbah-Bab El Oued Imazighens, et islamiste «Allah ou Akbar»   «Doula madania machi 3askaria»-Etat civil et pas militaire), des   courants pro-occidentaux et des courants islamistes qui aspirent, à présent, à jouer un rôle politique de premier plan, à prendre le pouvoir. Aussitôt  libérés, les  icônes du hirak  s’empressent de rendre visite aux leaders islamistes, tandis qu’un ex dirigeant du PAGS s’affiche à Paris, échangeant une poignée de mains chaleureuse avec le chef de l’organisation islamiste Rachad   qui appelle  à  un « accrochage pacifique » (ichtibak silmia) avec les forces de sécurité.

La pandémie leur a enlevé, brutalement et radicalement, un moyen de pression politique puissant, l’occupation périodique et régulière de la rue, tandis que le confinement partiel ou total- fermeture des mosquées, des stades, des cafés, des restaurants, des salles de fêtes, des transports, notamment, et l’interdiction des rassemblements –  a réduit considérablement leurs capacités de mobilisation, d’action et de nuisance.

La fermeture des frontières et les priorités de la lutte contre le coronavirus, outre mer,  notamment dans l’agenda  des  médias, les ont  coupés  de leurs  cerveaux et de leurs sponsors qui pilotaient dans l’ombre la manœuvre stratégique, sournoise, de déstabilisation et de  reconquête néocoloniale de l’Algérie.

Ils sont désarçonnés par l’arrêt de l’agitation les vendredis alors qu’ils avaient l’intention d’en faire encore plus avec des provocations, tous les jours, pour créer une escalade vers le chaos. La population ne les avait pas suivis mais ils comptaient sur leurs agitateurs pour créer une  nouvelle situation grâce à un fait nouveau. Mais le fait nouveau a été le coronavirus qui a été à l’encontre de leurs buts: arrêt brutal du hirak, et perspectives de mobilisation autour du redressement du pays; annonce de la réorientation de la politique extérieure du pays,… Le contraire de ce qu’ils voulaient…

Coalition fondée sur la négation des acquis nationaux incontestables de l’Algérie indépendante, les acquis de la guerre de libération et ceux construits, à partir du néant laissé par le colonialisme, au prix des efforts consentis par plusieurs générations d’algériens, ce mouvement professe un révisionnisme colonial de l’histoire qui ouvre la voie à une remise en cause des fondements novembristes (au sens de 1er novembre 1954) de l’Etat national.

La   haine de l’Etat national qui forme le véritable cœur de la matrice idéologique identitaire de ces courants, a été jusqu’à minimiser et banaliser, voire même nier la réalité de la gravité de la pandémie, en martelant publiquement que cette maladie était une invention de Tebboune pour casser le hirak ou que le coronavirus était un mal moindre que le pouvoir. La manifestation du 56e vendredi, le 13 mars,  a drainé des milliers de personnes à Alger  comme une bravade dans le contexte de  la pandémie du Covid-19 ; on pouvait même lire sur une pancarte « Avec le corona, on a 97 % de chances de s’en sortir. Avec vous, on n’en a aucune.»

Cette bravade s’est exprimée de manière particulièrement virulente et irresponsable dans le slogan «Corona-Cha3b khawa-khawa» (c’est-à-dire « fraternité entre le peuple et le corona »).

Caressant le dessein inavoué et inavouable de créer les conditions pour que l’épidémie  atteigne, dans notre pays, une ampleur non-maîtrisable, ces courants aventuristes et irresponsables se sont vu contraints  de se mettre en sourdine, face à l’exigence vitale de mobiliser toutes les ressources du pays, Etat  et gouvernement compris, dans la guerre contre l’épidémie mortelle.

Obsessionnellement focalisés sur «l’illégitimité» du pouvoir, ils ne manifestent, aujourd’hui,  aucune empathie pour les victimes du coronavirus et  sont  totalement muets et absents sur le front de la mobilisation et de la solidarité agissante pour soutenir les efforts et le travail courageux et emplis d’abnégation des personnels médical et soignant et  de tous ceux qui sont aux premières lignes de cette bataille pour sauver notre peuple et notre pays. Malgré un système, des structures et des personnels de santé hautement qualifiés, fruit de la décennie de développement national et de progrès social,  démantelés et détruits depuis le changement de cap libéral des  années  quatre-vingt,  l’État a réussi, grâce aux  forces patriotiques  compétentes et dévouées,  à  mobiliser le peu qui restait  de moyens pour prendre en charg, le mieux possible la lutte contre la pandémie.

Les masses populaires ont besoin de solidarité concrète, d’actes mobilisateurs et qui donnent de l’espoir, pas de slogans vides et creux. Que proposent-ils, ces courants, dans ce sens? Rien.

Ils s’accrochent, en propageant les rumeurs, mais dans les faits, ils sont isolés, par rapport aux  nouveaux enjeux qui sont apparus. Le clivage s’opère naturellement. A l’encontre de leur nihilisme de l’Etat national, la supériorité des Etats centralisés forts de leur planification, dans la lutte contre le coronavirus, apparait aux yeux du monde entier.

Un de leurs petits «idéologues» bas de gamme, artificiellement les plus en vue,  projetés par leurs sponsors, a  récemment exprimé avec rage cette impuissance  dans un article sur un site électronique, d’une extrême violence fait d’attaques personnelles et d’insultes, contre le président de la république.

Coalisées  dans le hirak, ces forces dites de l’opposition, sont nées, à l’exception du FFS paralysé par une crise chronique de leadership, sur la base du nouveau cours libéral qui a remis en cause, à la charnière des années 1980/1990, l’option socialiste du pays et qui a donné naissance à un multipartisme à base religieuse, régionale, clanique, linguistique…, sans pluralisme politique ni idéologique réel. Elles ont toutes souscrit aux politiques libérales mises en œuvre depuis le début de la décennie 1990 dont, notamment, le Plan d’ajustement structurel du FMI, ont fait partie à différents moments des équipes gouvernementales qui se sont succédé depuis 1990, ont voté les lois pour les réformes libérales des secteurs de la santé, de l’éducation, du commerce extérieur, du tourisme, de l’agriculture etc , ont  soutenu les 4e et 5e mandats de Bouteflika, sans parler des responsabilités de premier plan que ces personnalités de «l’opposition» ont assumées dans les institutions de l’ordre libéral parasitaire et prédateur. Leurs experts et leurs think- thanks, comme les médias sous leur influence, sollicités par l’ancien pouvoir, ont tous propagé frénétiquement les recettes libérales faites d’austérité, de privatisations et d’ouverture au capital étranger. Absente de leurs préoccupations, la question essentielle du développement national, de son contenu socio-économique, des conditions politiques et des modalités concrètes de sa relance, comme celle de la défense des droits démocratiques et syndicaux des travailleurs.

Depuis le 22 février 2019, cette coalition s’est appliquée avec obstination et sans nuance aucune, à dissocier les viles pratiques mafieuses d’un système  politique  corrupteur, prédateur et parasitaire, de son fondement structurel, l’ordre économique et social qui l’a sécrété et nourri et les choix doctrinaux qui l’ont légitimé. Pour empêcher que l’immense et puissant rejet populaire du  système politicopolicier Toufiqo-Bouteflikien ne débouche sur la remise en cause  du cours capitaliste ruineux  imposé au pays  depuis plus de trois décennies  et conforme  aux impératifs de  la mondialisation capitaliste, occidentale ou sous tutelle khalidji.

Leurs calculs et leurs paris sur une montée en cadence insurrectionnelle du mouvement,- qu’illustrent leurs tentatives incessantes de déstabilisation de l’armée  des le début du hirak II jusqu’à  tout récemment- , jusqu’au renversement du pouvoir, par le chaos, au besoin, et l’instauration d’une «deuxième république» reconduisant les choix de classe capitalistes, avec un système politique,  à façade ravalée, aux normes  des démocraties occidentales, ont été différés sinon rendus forclos par la nouvelle donne épidémiologique.

Cette conjoncture de reflux provisoire de la rue  libéralo-réactionnaire peut et   doit être mise à profit pour aider  le mouvement populaire à s’émanciper avec force et résolution de l’emprise idéologique et politique de l’arc des forces sociales du libéralisme et de leurs mots d’ordre aventuristes, pour mettre en avant ses propres revendications politiques et socio démocratiques et  pour déployer ses potentialités de transformation sociale révolutionnaires. Notre ligne  de démarcation ferme et invariable doit rester, plus que jamais, l’impératif de la  préservation des acquis historiques de notre peuple et de l’indépendance de notre pays.

Les termes et les enjeux fondamentaux de la lutte de classes n’ont pas changé, ils se sont même durcis, avec des exigences et des objectifs de lutte qui naissent aujourd’hui, dans la lutte pour la santé, la vie, la survie au quotidien

Quels enseignements tirer, d’ores et déjà, de cette crise ? Le contexte actuel confirme fondamentalement, notre analyse des conséquences des choix de classe antisociaux et anti-populaires ruineux, instaurés pas à pas dès la désignation de Chadli Bendjedid chef de l’Etat, en 1979, et dans les années 1980, puis imposés par la terreur, la ruse et le mensonge, dans les années 1990 et 2000. Plus que jamais s’impose l’impératif de la construction  d’une base productive et d’une politique de développement industriel national au profit des besoins de notre peuple et de la préservation de l’indépendance de notre pays, politique fondée sur la mise en valeur de notre potentiel de qualifications ouvrières, scientifiques et technologiques, de notre riche expérience et de nos ressources matérielles.

Les problèmes concrets de la base productive dans l’état de destruction avancé extrême dans lequel, l’ont réduite trois décennies de réformes libérales, ne peuvent être abordés, aujourd’hui, sans la rupture  avec la démarche économique libérale et ses pratiques mafieuses et de corruption, en cours depuis une trentaine d’années. L’enjeu essentiel est de passer  d’une économie dominée par un secteur extraverti, technologiquement enclavé, tributaire, de surcroît,  des fluctuations de  la conjoncture pétrolière internationale, coexistant avec des activités faiblement productives, où les possibilités d’évolution technologique et de gains de valeur ajoutée sont limitées, vers une économie enracinée, entrainée par des activités fortement productives,  offrant de meilleures perspectives d’absorption  productive d’une main d’ouvre instruite et qualifiée, nombreuse  et de plus en plus féminine et des  possibilités d ’innovation et d’accroissement de la valeur ajoutée. Une économie basée sur  l’effort endogène d’innovation technique, économique, managériale, institutionnelle, sociale.

La vérité, souvent oubliée, comme le relevait déjà pertinemment le Rapport de l’ONUDI 1990/1991, est que « le développement économique est un processus à long terme qui n’a jamais été mené à bien en une seule génération».

Aujourd’hui, le traitement de la situation concrète  inédite créée par cette épidémie meurtrière galopante, exige des  politiques conséquentes  à la hauteur de la menace et des défis immenses  qu’elle impose. Il ne s’agit pas, en effet, d’imaginer une démarche sous la forme d’une myriade de décisions de court terme, qui ne s’attaquerait qu’à des aspects partiels, voire isolés. La réorientation d’envergure requise et nécessaire, ne peut pas aller sans les ruptures fondamentales à opérer et  ne peut passer à côté de la question des choix stratégiques à adopter. Il devient incontournable de  démanteler  les  mécanismes et les institutions des  politiques anti nationales  qui ont  sacrifié les services publics  aux appétits des classes parasitaires et prédatrices et érigé le tag 3ala mene tag capitaliste en règle d’or des rapports sociaux.. C’est un impératif de salut national, car leur maintien et leur  reconduction, dans le contexte de la pandémie va,  inéluctablement, enfoncer le pays dans une nouvelle crise aux conséquences politiques, économiques et sociales incalculables. Il devient plus que jamais urgent de  renouer avec l’ambition nationale   de développement de grandes  capacités  industrielles, scientifiques et technologiques et de redonner à l’Etat national  ses instruments de planification, de régulation et  d’intervention. Le marché est incapable de   penser l’industrie de son propre mouvement de lui-même et de le penser dans une perspective d’émancipation nationale. La volonté politique est nécessaire.

Planification à long terme,  politiques de développement qui  se définissent d’abord au niveau national et où l’Etat y a un rôle essentiel à jouer, investissements publics, croissance et développement durables, renforcement des entreprises publiques  doivent  être remis à l’honneur.

Les travailleurs, les jeunes, les femmes, et d’une manière générale, les plus larges couches populaires, doivent faire de cette revendication du « retour à une politique de développement national et de progrès social », l’axe stratégique de leur luttes démocratique, sociale et politique. C’est cela qui constitue le critère d’appréciation fondamental de la politique du pouvoir de Abdelmadjid Tebboune qui, dans son discours d’investiture, a promis, entre autres, la relance du développement national libéré de la dépendance de l’étranger et des hydrocarbures, la protection du pouvoir d’achat des travailleurs, des retraités et des plus démunis, l’accès au logement pour ceux qui sont dans des habitats précaires, moins d’impôts pour les plus défavorisés, la relance de l’agriculture, l’aide aux jeunes pour créer des start up, la satisfaction prioritaire des besoins nationaux avant l’exportation… Et au plan international, il promet d’œuvrer à la préservation de la paix avec les pays voisins et de reconquérir la place de l’Algérie dans la région. Plus que jamais, dans ce contexte de pandémie, lourd de dangers et d’hypothèques de toutes sortes, ces promesses doivent être appliquées.

Les travailleurs et les couches populaires jugeront sur pièces.

ALGER le 19 Avril 2020-04-19

 

Source: Investig’Action

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