Le covid-19 a-t-il provoqué le krach de Wall Street?

Aux États-Unis, les pouvoirs publics ont dû injecter 200 milliards de dollars pour sauver les marchés. À cause du covid-19. Du moins, c’est ce qu’on dit. Pourtant, en Chine, le virus a fait bien plus de victimes sans provoquer d’effondrement de marché. Si le covid-19 a pu avoir un effet déclencheur, il n’est pas à l’origine de la débâcle financière. En réalité, le système est pourri de l’intérieur. (IGA)


 

Le coronavirus COVID-19 est très grave. Mais il n’est pas la cause du krach boursier du 9 mars. Si tous les efforts sont faits pour faire remonter le marché, il n’en reste pas moins que le krach s’est produit et peut se reproduire.

Posons cette question : pourquoi n’y a-t-il pas eu d’effondrement du marché lorsque le COVID-19 s’est répandu en Chine populaire ? Le virus est originaire de ce pays et a causé beaucoup plus de décès en Chine que partout ailleurs – plus de 3 000. Les États-Unis, en revanche, n’ont enregistré que 29 décès dus au COVID-19 à ce jour, alors que l’économie américaine est chancelante.

La Chine a dû arrêter la production dans de nombreuses régions afin de contenir efficacement le virus. Mais cela n’a pas causé de crise économique mondiale.

Ce qui vient de se produire à la Bourse de New York est tout autre chose.

Le week-end des 7 et 8 mars a vu l’émergence d’une crise du système capitaliste lui-même. Et les hommes d’argent l’ont vu venir. Ainsi, dans la nuit de dimanche, la Banque de la Réserve fédérale a injecté au moins 50 milliards de dollars sur le marché boursier dans des “opérations de rachat nocturne”. Puis, lundi, la Fed de New York a annoncé qu’elle augmentait ses injections de liquidités sur le marché pour atteindre au moins 150 milliards de dollars.

Cette injection de la remarquable somme de 200 milliards de dollars – de ce qui est censé être l’argent du peuple – a temporairement stabilisé le marché. Mais elle révèle à quel point les capitalistes craignent qu’une grave contraction ou récession économique ne se profile à l’horizon.

Perte d’emploi et couverture santé

Bien sûr, la propagation du virus ici est une réelle préoccupation pour les travailleurs. Le régime Trump dépensera-t-il près de 200 milliards de dollars pour maintenir à la fois leur rémunération et leur bonne santé pendant l’épidémie ?

La plus grande inquiétude des travailleurs est de savoir ce qui leur arrivera lorsque l’économie capitaliste se contractera. Combien d’emplois seront perdus ? Combien perdront non seulement leur emploi, mais aussi leur couverture santé en même temps ? Et cela implique une couverture pour toutes sortes de maladies, et pas seulement pour le COVID-19.

Pour mettre en perspective ce qui se passe, regardons la dernière fois que ce pays a été confronté à une grave épidémie de grippe. En 1918, vers la fin de la Première Guerre mondiale, il y avait un virus beaucoup plus mortel que l’actuel COVID-19. Il a tué jusqu’à 50 millions de personnes dans le monde.

Mais cette épidémie n’a pas provoqué l’effondrement de la bourse ni une dépression économique. Au contraire, ce qui a suivi a été une décennie de croissance économique capitaliste effrénée – jusqu’à l’énorme krach boursier de 1929.

En ce moment, les scientifiques tentent de comprendre ce nouveau coronavirus afin de créer un vaccin contre lui. C’est important, mais cela pourrait prendre entre 12 à 18 mois. Et ce qu’il faut aussi pour l’instant, c’est comprendre ce qui rend le capitalisme lui-même si mortel, si destructeur que le système passe des dépressions aux guerres pour satisfaire la soif de profit.

S’étendre – ou mourir

Heureusement, il existe une science qui peut expliquer le capitalisme. Elle s’appelle le marxisme. Le marxisme explique pourquoi ce système doit continuer à se développer à tout prix : sans une production accrue, sans de nouveaux marchés pour ses produits, le capitalisme entrera dans une période de crise.

Ce besoin de “s’étendre ou mourir” est ce qui se cache derrière toutes les guerres horriblement destructrices depuis au moins 1898.

En ce moment, le capitalisme américain connaît une surproduction. Le crash n’a pas été causé par le COVID-19, mais le virus l’a probablement précipité. La Chine est devenue un marché important pour les produits américains, tant agricoles qu’industriels. Maintenant que le COVID-19 a mis fin à l’activité économique dans certaines parties de ce pays, la Chine achète moins de pétrole aux États-Unis.

Les États-Unis sont devenus le plus grand producteur de pétrole au monde. Mais une grande partie de ce pétrole provient de la fracturation du schiste bitumineux, qui est coûteuse. Ce pétrole doit se vendre au moins 68 dollars le baril pour atteindre le seuil de rentabilité. (Newsweek, 8 mars)

Les prix du pétrole sur le marché mondial ont maintenant chuté de 30 %, la plus forte baisse depuis janvier 1991. La référence de l’industrie, le Brent Crude (NdT: baril de Brent), se vendait à 67,36 $ le baril au 25 décembre. Il se vend maintenant à seulement 33 $ le baril et devrait même descendre jusqu’à 20 $. C’est presque 40 $ le baril de moins que ce qu’il faut pour produire du pétrole de schiste.

Le ralentissement actuel rappelle le krach boursier de 2007-2008, qui a “anéanti l’épargne et les pensions des travailleurs, entraîné une vague massive de saisies et de licenciements, introduit une austérité punitive, revigoré les attaques contre la capacité des travailleurs à s’organiser et à se battre, et donné naissance à l’économie du gigantisme et à une plus grande insécurité pour de larges pans de la classe ouvrière”. (“Growing signs of deepening global capitalist crisis” par Ben Carroll, WW, 19 juillet 2019)

Symptôme de surproduction

La chute brutale des prix du pétrole est un symptôme clair de la surproduction capitaliste de masse. Le pétrole est le moteur de l’activité économique. Lorsqu’il y a une surabondance de pétrole et que son prix baisse, c’est un signe que la croissance économique ralentit.

Mais le capitalisme doit s’étendre – ou mourir. C’est ainsi que ce système fonctionne.

Bien sûr, l’expansion économique ne signifie pas que tout va mieux pour les travailleurs. Au contraire. La richesse aux États-Unis a énormément augmenté ces dernières années, mais elle s’est toujours concentrée au sommet de la société. Les millionnaires sont devenus milliardaires alors que les salaires des travailleurs ont stagné.

Des millions de jeunes aux États-Unis, dont beaucoup sont victimes de la “GIG economy” (NdT: l’économie des petits boulots précaires), ont réalisé qu’il y a peu d’avenir pour les travailleurs sous le capitalisme. Ils sont maintenant confrontés à la triple épreuve de COVID-19, de l’insécurité économique et de la longue histoire de l’oppression produite par ce système : racisme, sexisme, xénophobie, islamophobie, capacitisme, bigoterie anti-LGBTQ2+, pauvreté et plus encore.

Le temps est venu pour tous les mouvements progressistes de se coaliser dans la lutte contre ce système monstrueux qu’est le capitalisme en lui-même.

 

Source originale: Workers World

Traduit de l’anglais par M-L Lefebvre pour Investig’Action

Source: Investig’Action

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