L’autoritarisme continue de progresser dans les “démocraties libres” occidentales

Les abus autoritaires sont en augmentation dans ce qu’on désigne toujours comme « nos démocraties libres ». Caitlin Johnstone nous le prouve avec ces trois exemples récents.

 

1. Un reporter de Grayzone détenu par la police antiterroriste britannique pour avoir fait du journalisme.

D’après un article de Max Blumenthal, rédacteur en chef de The Grayzone, lors son retour en Grande-Bretagne le 17 mai, le journaliste Kit Klarenberg a été,arrêté par « six officiers antiterroristes anonymes en civil » qui l’ont « interrogé pendant plus de cinq heures sur ses reportages ».

M. Blumenthal rapporte que M. Klarenberg s’est vu poser de nombreuses questions sur The Grayzone et sur son travail au sein de ce média indépendant. Il précise que la police « a saisi les appareils électroniques et les cartes SD du journaliste, a relevé ses empreintes digitales, effectué des prélèvements d’ADN et l’a photographié de manière frénétique », le menaçant d’arrestation s’il n’obtempérait pas.

M. Blumenthal écrit que l’action de la police était probablement une mesure de représailles pour les reportages de M. Klarenberg, qui a irrité les fonctionnaires britanniques et les personnalités des médias de l’establishment, en publiant des informations gênantes sur leur comportement :

« L’interrogatoire de M. Klarenberg semble être une façon pour Londres de se venger des reportages retentissants du journaliste, lesquels exposent les principales intrigues des services de renseignement britanniques et américains. Rien qu’au cours de l’année écoulée, M. Klarenberg a révélé comment une cabale montée par des conservateurs, pourtant intransigeants en matière de sécurité nationale, avait violé la loi sur les secrets officiels, ceci afin de tirer parti du Brexit et d’installer Boris Johnson au poste de Premier ministre.

En octobre 2022, il a fait les gros titres de la presse internationale en révélant que les Britanniques avaient l’intention de bombarder le pont de Kertch, qui relie la Crimée à la Fédération de Russie. Puis, au mois d’avril, il a publié un rapport sur le recrutement par la CIA de deux pirates de l’air du 11 septembre, un scoop qui est devenu viral sur les réseaux sociaux.

Parmi les révélations les plus importantes de M. Klarenberg, son rapport de juin 2022 a démasqué le journaliste britannique Paul Mason en tant que collaborateur de l’État sécuritaire britannique, lequel est déterminé à détruire The Grayzone et d’autres médias, ainsi que les universitaires et activistes qui critiquent le rôle de l’OTAN en Ukraine. »

Affirmant que la pire abomination commise par Klarenberg n’est autre que « la même pratique journalistique que les journaux les plus importants de l’Occident, du New York Times au Washington Post, utilisent pour annoncer eux-mêmes des nouvelles », M. Blumenthal déclare qu’il semble que « les autorités britanniques n’ont pas détenu Klarenberg pour des infractions légales, mais parce qu’il a rapporté des faits qui ont exposé les propres violations du droit national et international commises par l’État de sécurité nationale, ainsi que les complots malveillants de ses laquais médiatiques. »

Il y a quelques années, Blumenthal a lui-même fait l’objet d’un harcèlement juridique et d’une entreprise d’intimidation aux États-Unis et été arrêté et accusé d’avoir commis une “agression”, alors qu’il rendait compte des efforts de l’Empire visant à chasser le gouvernement vénézuélien de son ambassade à Washington D.C. Les charges contre lui ont par la suite été abandonnées.

Ces dernières années, The Grayzone a réalisé quelques-uns des meilleurs reportages indépendants dans les médias alternatifs, et devrait porter avec fierté son statut désormais évident d’épine dans le pied de l’Empire.

2. L’Australie-Méridionale adopte une loi anti-manifestations draconienne.

En réaction aux récentes manifestations gênantes de militants écologistes, l’État d’Australie-Méridionale vient d’adopter, en toute vitesse et sans consultation citoyenne, une loi qui alourdit de façon exponentielle les peines encourues en cas de manifestation non autorisée. Les manifestants risquent désormais jusqu’à trois mois de prison et 50 000 dollars d’amende s’ils sont jugés coupables du délit extrêmement vague d’ « obstruction d’un lieu public ».

Le Human Rights Law Center exprime ce qui suit : « L’Australie-Méridionale est la dernière juridiction à imposer des sanctions sévères aux personnes qui participent à des manifestations pacifiques, rejoignant ainsi la Nouvelle-Galles du Sud, la Tasmanie, le Victoria et le Queensland qui ont adopté des lois anti-manifestation au cours des cinq dernières années. Les lois anti-manifestation de l’Australie-Méridionale prévoient les sanctions financières les plus sévères d’Australie.

Le projet de loi est excessif et aura un effet dissuasif sur le droit de manifester en Australie-Méridionale. Le projet de loi est également potentiellement inconstitutionnel et en violation flagrante des principes bien établis du droit international en matière de droits de l’homme. »

Le premier ministre d’Australie-Méridionale, Peter Malinauskas, s’est montré choqué et offensé que l’on puisse penser que des peines privatives de liberté pour des actions de protestation vaguement définies puissent avoir un effet sur la tenue de telles actions, déclarant ceci : « L’une des choses que j’ai trouvées plutôt déconcertantes dans certains commentaires sur ce texte de loi, c’est que, d’une certaine manière, il réduit ou diminue le droit des gens à manifester, ce qui est tout simplement faux. »

Hilarant.

C’est sans doute le moment de rappeler que l’Australie est la seule soi-disant démocratie au monde à ne pas avoir de charte nationale ou de déclaration des droits. L’autoritarisme du gouvernement australien a fait l’objet de beaucoup d’attention lorsque les mesures strictes anti-Covid ont été mises en place, mais le fait est que ce pays avait déjà plongé tête baissée dans la tyrannie bien avant le Covid, et continue de le faire maintenant que les périodes de “lockdown” sont terminées depuis longtemps. Il n’y a tout simplement pas assez de freins et de contrepoids en place pour empêcher que cela ne se produise, et pas assez de volonté de la part du public pour se battre pour ceux-ci pendant qu’il en est encore temps.

3. Le Département d’Etat rejette les questions concernant l’emprisonnement d’un citoyen américain en Ukraine pour délit d’opinion.

La semaine dernière, lors d’une conférence de presse, le nouveau porte-parole du Département d’Etat, Matthew Miller, a balayé d’un revers de main les questions concernant l’action du gouvernement américain face à l’arrestation et à l’inculpation du commentateur Gonzalo Lira par le gouvernement ukrainien, pour ce qui s’apparente à un délit d’opinion.

Voici la transcription de l’échange par le département d’État :

QUESTION : Merci. Liam Cosgrove, du Epoch Times. C’était il y a quelques semaines, mais je n’ai pas vu de déclaration officielle à ce sujet. Un citoyen américain résidant en Ukraine a été arrêté. Il est né en Californie, a collaboré par le passé à Business Insider et avait une chaîne YouTube. Il critiquait ouvertement le régime de Zelensky. Le SBU ukrainien a publié un communiqué de presse indiquant qu’il avait été arrêté pour avoir exprimé des justifications à l’invasion de Poutine. En fin de compte, il s’agit donc de simples propos. Je me suis entretenu avec le député démocrate Ted Lieu, qui a déclaré qu’il demandait instamment au département d’État d’engager les autorités ukrainiennes à négocier sa libération. Êtes-vous au courant de cela ? Que pensons-nous du fait que nos alliés détiennent des citoyens américains pour des propos tenus à l’étranger ?

M. MILLER : De manière générale, je dirais que nous sommes au courant du rapport. Nous soutenons évidemment l’exercice de la liberté d’expression partout dans le monde, et je m’en tiendrai là.

QUESTION : Vous ne travaillez donc pas à sa libération ?

M. MILLER : Je vais laisser mes commentaires là où je les ai laissés.

Ce n’est pas tous les jours qu’un porte-parole américain se voit poser une question si gênante qu’il refuse ouvertement d’y répondre, sans même faire semblant de fournir une explication.

Selon le SBU, Lira, citoyen américain, risque de cinq à huit ans de prison pour avoir « justifié publiquement l’agression armée de la Fédération de Russie ».

Les Américains acceptent-ils que leur gouvernement prennent le risque d’une troisième guerre mondiale qui pourrait se déclencher rapidement et se révéler hautement radioactive pour défendre la liberté et la démocratie d’une nation qui emprisonne des citoyens américains pour des délits d’opinion ? Je suppose que nous ne le saurons jamais, car personne ne leur pose la question.

Si les gouvernements occidentaux doivent continuer à renforcer la censure, la propagande et la persécution des journalistes pour défendre la liberté et la démocratie occidentales, s’agit-il vraiment de liberté et de démocratie ? Et cela vaut-il la peine d’être défendu ?

Source: caitlinjohnstone.com
Traduit de l’anglais par CV pour Investig’Action

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