La révolution d’Octobre et la russophobie d’Occident

Que nous révèle l’attitude de l’Occident à l’égard de la Russie? Comment la révolution d’Octobre a-t-elle été accueillie? Les relations ont-elle évolué après la chute de l’Union soviétique? Dans son livre Faut-il détester la Russie, le professeur de droit international Robert Charvin analyse ce regard que l’Ouest porte sur l’Est.


 
S’est édifiée au fil de l’Histoire en Occident une représentation de la Russie « éternellement » aux marges de l’Europe« civilisée ». Malgré les affrontements armés ou non qui ont déchiré tous les pays européens jusqu’au XXème siècle, le peuple russe a été maltraité par les Empires occidentaux en des termes presque analogues à ceux utilisés à l’encontre de l’Orient « barbare ».
 
Certes, toute société produit des stéréotypes sur l’autre  et construit cette image inversée ou modifiée d’elle-même. Toute société produit une classification des autres, les excluant en général de sa supériorité autoproclamée. L’accusation de « barbarie » définit la relation de l’accusateur avec l’altérité : ne pas reconnaître la pleine humanité de l’Autre est de nature barbare.
 
L’admission de la problématique « sociétés fermées contre sociétés ouvertes » révèle une autosatisfaction primitive selon laquelle il ne peut rien y avoir de barbare chez « l’auto-satisfait ». Le fait pour le monde occidental de ne jamais se mettre en doute, y compris lorsqu’il use de coercition tout en prétendant le contraire et sans procéder à l’inventaire de rigueur de sa propre histoire, est signe de barbarie.
 
Confiner les autres dans un rôle subalterne, comme l’a fait l’Europe dès lors qu’elle en a eu les moyens, en retirant d’elle-même les sujets perturbateurs, comme les Russes, est un très mauvais symptôme pour toute coexistence. Ce rejet est potentiellement facteur de toutes les « guerres froides ».
 
La Révolution d’Octobre, assimilée à un « coup de force », conduit au dynamitage des rares regards occidentaux favorables à la Russie. En dépit de l’exceptionnelle contribution culturelle des premiers temps soviétiques, avec A. Lounatchevski, Commissaire à l’Éducation et aux Beaux-Arts25, les thèmes antirusses traditionnels sont repris avec plus de vigueur encore que par le passé : c’est l’accusation de « déferlement des incultes » et de « réveil de l’archaïque » dans le cadre d’un populisme et d’une slavophilie inavouée.
 
Le recul imposé des frontières de l’Est (avec les « accords » de Brest- Litovsk et de Riga), l’inexistence de relations diplomatiques normales, la politique hostile du « cordon sanitaire » ne sont pas pris en compte : l’isolement-sanction de la Russie soviétique est globalement approuvé en Occident qui accuse paradoxalement les Russes de xénophobie…
 
L’URSS devient pour l’Occident le seul véritable adversaire : il  est  prêt  à  toutes  les  alliances  pour  combattre le soviétisme qui s’ajoute à la pluriséculaire russophobie. En témoigne, par exemple, le pacte polono-allemand de 1934, approuvé par l’Europe occidentale.
 
La disparition de l’URSS, cinquante ans après la fin de   la Seconde Guerre mondiale, ne provoque pas de modification profonde  du  regard  occidental. Le  phénomène  serait étrange, voire incompréhensible si on ne le rattachait pas à l’exaspération chronique et permanente vis-à-vis d’une nation qui n’a pas cédé à l’ultime « transfiguration » souhaitée, à la « véritable révolution » selon un historien français, faisant de la Russie une « Nation semblable aux autres ».
 
Le monde occidental n’a de déférence qu’à l’égard de lui- même : il se perçoit comme le seul modèle à vocation universelle. À cette prétention politico-culturelle traditionnelle, s’ajoute aujourd’hui « l’insupportable » concurrence que manifestent de plus en plus les puissances émergentes ainsi que la Russie renaissante, malgré les « espérances » cyniques qu’avait entretenues le chaos post-soviétique des premières années 1990.
 
La politique des États occidentaux, vis-à-vis de l’URSS comme vis-à-vis de la Fédération de Russie d’aujourd’hui, est sous-tendue par des conceptions de l’Histoire qui ont « travaillé » la société civile, pervertissant l’image des Russes et fondant une critique hostile communément admise par nombre d’Européens.
 
 
 
 

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Devons-nous « assimiler, coloniser et civiliser » la Russie ? Et même « l’affaiblir par tous les moyens », comme le recommande le stratège US Brzezinski ? Quels intérêts sert la campagne actuelle de diabolisation de la Russie ? D’où vient ce courant de révisionnisme historique qui minimise la contribution de l’URSS à la victoire des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale et qui tend à assimiler le communisme au nazisme ? Pourquoi, Vassili Kononov, un résistant antinazi a-t-il été accusé de « crime de guerre » par la Cour suprême de Lettonie ? Pourquoi a-t-il été envoyé en prison à l’âge de 75 ans, un demi-siècle après les faits ? Ce livre original nous met en garde : une certaine propagande médiatique peut nous mener tout droit vers une nouvelle guerre froide. Pas si froide ? 

 

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