Diviser pour régner – la loi éternelle de l’Empire

Aux États-Unis, une manifestation contre l’escalade militaire en Ukraine a rassemblé des gens de gauche et de droite. Certains critiquent le fait que des progressistes aient été associés à des réactionnaires pour exiger la fin de la guerre. Mais l’événement ne portait pas sur le capitalisme, les libertés civiles ou les droits sociaux. Comme l’explique Diana Johnstone, une forte mobilisation sera nécessaire pour arrêter l’escalade militaire et éviter une Troisième Guerre mondiale. Cela implique que des personnes qui sont en désaccord sur un tas de choses puissent exiger ensemble des négociations pour mettre fin aux hostilités en Ukraine. À défaut, ceux qui attendent qu’un mouvement soit suffisamment pur à leurs yeux pour manifester seront sans doute encore derrière leur écran quand le monde basculera vers l’apocalypse nucléaire. Car c’est bien le danger qui guette l’humanité.(IGA)


Un ensemble de personnes qui ne sont pas d’accord entre elles sur beaucoup de choses se sont en fait réunies pour organiser un grand rassemblement contre la guerre à Washington dimanche prochain.  Je dis : « Bravo !  Dans une nation aussi divisée que le sont les États-Unis aujourd’hui, un grand rassemblement de personnes qui sont d’accord entre elles sur tout est difficilement imaginable.  Un rassemblement de personnes qui ne sont pas d’accord entre elles donne l’espoir qu’un mouvement pour arrêter la guerre puisse grandir, et même secouer le système politique paralysé par le complexe militaro-industriel-congressionnel et par la confusion répandue par ses médias serviles.

À l’étranger, les États-Unis ont exploité de profondes inimitiés politiques pour provoquer une guerre en Ukraine destinée à diviser définitivement l’Europe, en coupant totalement la Russie de l’Allemagne et de l’UE, cimentant ainsi le contrôle permanent des États-Unis sur l’Europe occidentale. Cette politique de division est poursuivie de toutes sortes de manières sournoises qui la rendent difficile à expliquer. La guerre en Ukraine crée une division entre ceux qui ont compris ses origines et ceux qui sont mystifiés par le discours dominant.  Un grand mouvement est nécessaire pour engendrer la discussion, la compréhension et l’opposition.

Tout en soutenant la politique étrangère de division pour mieux régner, la classe politique américaine a également attisé les divisions internes extrêmes – certaines sont réelles, d’autres plus ou moins artificielles. Le degré d’animosité interne fait écho à la haine internationale entretenue par le dualisme de Biden.  NOUS sommes les BONS (la démocratie), ILS sont les MAUVAIS (non plus le communisme, mais plutôt l’ « autocratie »).

Chez nous, on dirait que les Démocrates et les Républicains, la gauche et la droite sont deux espèces différentes, une espèce née bonne et l’autre méchante, avec une méchanceté contagieuse. Ainsi il ne faut pas les rencontrer et essayer de les persuader.  Il faut isoler les parias, en renforçant un apartheid politique. Une sorte de racisme moral/politique, créant une division totale entre NOUS et EUX, règne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Dans une telle atmosphère, il n’est pas étonnant que le rassemblement du 19 février « Rage Against the War Machine », ses organisateurs et ses orateurs, soient attaqués pour la diversité de leurs opinions.

Les organisateurs et les orateurs

Les principaux organisateurs annoncés du rassemblement « Rage » sont deux organisations politiques relativement modestes : le Parti populaire et le Parti libertaire.  Leur manque d’envergure devrait être un signal positif. Dans la mesure où ni l’une ni l’autre n’a la force de gérer seul un mouvement anti-guerre réellement significatif, ces sponsors offrent volontairement le mouvement comme un cadeau à tous ceux qui s’en saisissent. Alors, saisissez-le !

Inévitablement, cependant, le rassemblement lui-même est attaqué non sur le principe mais en raison des déficiences politiques des organisateurs. Certains militants expérimentés pourraient-ils être mesquins au point d’être jaloux que quelqu’un d’autre soit arrivé le premier ?  J’espère que non.

Jeff Mackler, militant socialiste de longue date, a fermement condamné le rassemblement, le qualifiant de « réactionnaire », principalement parce qu’il est soutenu par le Parti Libertarien. Son succès serait une défaite pour tous les ennemis du système capitaliste, a-t-il affirmé.  A un moment donné, il observe:

« L’appel des libertariens à un retour à une société capitaliste où la « libre concurrence » prévaut est une pure fantaisie. »

D’une part, cette politique n’a rien à voir avec les revendications du rassemblement.  D’autre part, si les politiques socio-économiques du parti libertarien sont effectivement de la pure fantaisie, totalement inapplicables dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a pas lieu de s’en inquiéter.  Venez au rassemblement, essayez de trouver un libertarien et discutez. Les libertariens sont contre le fait de dépenser des milliards pour la guerre, c’est un point d’accord qui pourrait entamer une discussion fructueuse.  Les militants de gauche qui croient qu’un homme peut être transformé en femme ne devraient pas avoir de mal à croire qu’un libertarien puisse être transformé en socialiste.  De tels miracles se produisent.

En outre, la présence du Parti populaire montre clairement que les fantaisies de marché libre des libertariens n’ont rien à voir avec le rassemblement.

Le Parti libertarien a rapidement démontré son incapacité à mener le mouvement très loin en ne soutenant pas, contre des attaques ad hominem, un orateur important qui était annoncé au rassemblement – au grand dam, d’ailleurs, de libertariens de premier plan.  Mais le mouvement se poursuit.

Certains détracteurs de la manifestation reprennent le cliché favori de la gauche bien-pensante selon lequel nous devons rester à l’écart de cette manifestation afin de ne pas « légitimer » les participants de droite. Cette menace de « légitimation » n’est que l’autre face de la médaille de la « culpabilité par association ».  Toutes deux sont utilisées pour éluder la discussion de sujets sérieux en traitant les convictions politiques comme s’il s’agissait de maladies contagieuses incurables.

Il est parfaitement puéril de prétendre que quiconque est « légitimé » (ou coupable) par une association temporaire, telle que la participation à une manifestation anti-guerre.

La liste des orateurs du 19 février est très longue, peut-être même trop longue pour le temps imparti. Mais le but est précisément de montrer un éventail de points de vue.  Ces femmes et ces hommes peuvent se tromper sur beaucoup de choses, voire sur tous les autres sujets, il faut se réjouir qu’ils puissent s’unir pour dire non à la course à la troisième guerre mondiale. Lorsque le sujet est la GUERRE, si vous ne pouvez vous y opposer qu’avec des personnes qui sont d’accord avec vous sur tout le reste, vous avez perdu tout sens de l’humanité commune.

La liste des organisateurs est courte, trop courte.  Il serait formidable de voir ANSWER, Black Alliance for Peace, Codepink et d’autres organisations anti-guerre de longue date participer.  Aucune d’entre elles n’est assez forte pour construire seule un grand mouvement de masse – du moins, jusqu’à présent, aucune d’entre elles n’a proposé quelque chose d’aussi prometteur que le 19 février.

L’échec du 19 février ne serait pas leur succès. Ce serait un échec pour tous ceux qui s’opposent à la guerre, montrant que les divisions internes peuvent anéantir tout espoir. Le rassemblement est ouvert. Tout le monde peut partager son succès en s’y auto-invitant, en réveillant ses partisans et ses amis, en transformant le rassemblement en un vaste mouvement de masse ouvert qui peut vraiment commencer à défier la machine de guerre. Le besoin de paix n’est la propriété privée de personne. Partout où vous voyez de la résistance populaire à la guerre commencer à prendre vie, allez-y et faites en sorte qu’elle appartienne à tout le monde.

 

Source originale: Consortium News

Traduit de l’anglais par Arrêt sur Info

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