Dans un Michel Midi consacré aux informations sur l’Ukraine, une vidéo de miliciens agressant des civils à un checkpoint était diffusée. Ces miliciens avaient été présentés comme étant ukrainiens, mais le manque de contexte et des informations contradictoires ne permettent pas de confirmer leur identité. Explications. (IGA)
Le 26 février, une vidéo choquante se répand sur les réseaux sociaux : les images montrent une voiture stoppée par un barrage militaire de nuit, et les miliciens tenant le barrage sortent violemment les occupants du véhicule et semblent fouiller et frapper le conducteur ; la vidéo, de qualité médiocre, est vraisemblablement prise à partir de la caméra embarquée du véhicule qui suit celui qui est arrêté ; elle ne permet pas de distinguer les détails ni le sens précis de toute la scène.
De façon intéressante, cette vidéo est reprise et diffusée par les réseaux « pro-russes » et « pro-ukrainiens » en même temps. Elle est suffisamment imprécise pour que l’indignation suscitée par la scène dépende entièrement du titre qu’on lui accole, du commentaire qu’on lui associe.
Ainsi Anton Gerashchenko, ancien vice-ministre de l’Intérieur de l’Ukraine, la présente comme des Russes massacrant des civils ordinaires ; la chaîne commerciale grecque d’où sont tirées les images titre : « Les paramilitaires d’Azov empêchent les civils de fuir à Marioupol ». Les uns et les autres sont d’accord sur un point : la scène se passe aux abords de Marioupol.
La version de Gerashchenko est-elle crédible ? Oui, sans conteste, si on souscrit à l’image du Russe intrinsèquement sauvage, inhumain, visant spécifiquement les civils, sans raison particulière sinon leur barbarie. Cette image globale domine de manière écrasante dans les médias : « La barbarie, socle de la guerre russe », comme titre le Figaro.
Par contre, si on arrive à imaginer que l’ennemi qu’on nous impose puisse faire preuve de froide rationalité, alors il semble curieux que l’envahisseur russe se mette à tirer délibérément sur une population dont il peut légitimement espérer la collaboration, au 2e jour de leur ‘invasion’ : les habitants de Marioupol sont des russophones dont une première révolte avait été violemment écrasée en 2014 par les paramilitaires ukrainiens.
De même si on accorde la même rationalité à nos nouveaux amis surprise, les néo-nazis d’Azov, il semblerait assez logique de chercher à se protéger de bombardements russes en se tenant au milieu de civils pro-russes ; la fuite des civils n’est pas un avantage pour eux, objectivement parlant.
Et en fait d’innombrables témoignages oraux, attestant que les miliciens bandéristes empêchaient les civils de quitter la ville, ou les retenaient contre leur gré. Tel celui de Natalia Usmanova retenue avec des centaines d’autres civils dans le complexe d’Azovstal, et dont les propos ont été pudiquement censurés par nos médias.
Mais : pas d’images, pas de réalité. Et l’UE dans sa grande sagesse a rapidement fermé l’accès aux principaux médias russes, pour s’assurer de garder le plus possible le monopole des images.
Le fait que les propagandistes des deux bords se soient précipités sur cette séquence imprécise illustre bien « la guerre des images » qui a éclaté en même temps que l’opération militaire russe. De fait cette vidéo pourrait bien raconter une tout autre histoire, voire se passer dans un tout autre lieu. Ça n’a pour eux aucune importance : l’essentiel est d’imposer son narratif.
Il faut reconnaître que dans cette guerre-là, ledit « Occident » l’emporte haut la main