COVID 19 : un vaccin détourné par les riches

Il existe une croyance de longue date selon laquelle tout ce qui se passe dans ce monde va à l’encontre des pauvres et des opprimés. Le vaccin contre le Covid 19 ne fait pas exception vu que les pays les plus riches du monde, y compris les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, ont accaparé la grosse partie des approvisionnements, tout en marginalisant les pays pauvres. Ce phénomène qui vise à détourner un remède nouvellement trouvé a précipité une variante malavisée de patriotisme : le nationalisme vaccinal.

 

Selon un reportage de CNN du 9 décembre, les propos histrioniques des chefs d’états étatsunien et britannique indiquent un nationalisme vaccinal croissant dans les pays riches.

Si ces derniers ne comptent que 14 % de la population mondiale, ils ont acheté plus que la moitié des vaccins les plus prometteurs, selon le People’s Vaccine Alliance, une coalition d’organisations sanitaires et humanitaires.                                                                                                                              

Neuf sur dix personnes dans 67 pays à faible revenu n’auront pas de vaccin en 2021, affirme l’Alliance. En effet, les accords conclus par les pays riches impliquent qu’ « ils ont amassé assez de doses pour vacciner leurs populations entières presque 3 fois ».

Le Canada a apparemment acheté assez de doses pour immuniser 5 fois ses citoyens.

Sans changement conséquent, « les milliards de personnes à travers le monde ne vont pas recevoir un vaccin sûr et efficace contre le Covid 19 dans les années à venir » selon Anna Marriott, directrice des politiques de santé d’Oxfam, membre de la coalition.

Le nationalisme vaccinal est aussi une facette des inégalités croissantes entre les pays développés et les pays en voie de développement.

Ben Philips, l’auteur de « How to fight inequality » (Comment combattre les inégalités), a observé que le scandale ne se limite pas à la marginalisation des pays pauvres en matière d’approvisionnement en vaccins. La rareté de l’approvisionnement résulte d’une politique délibérée qui permet aux entreprises d’amasser des licences et des connaissances.

Entre 1996 et 2001, la priorisation de la propriété intellectuelle des entreprises sur la santé des populations a fait que des millions de personnes dans les pays pauvres sont morts du SIDA alors qu’un médicament contre le VIH existait et pouvait être fabriqué à bas coût, mais son prix était maintenu à un trop haut niveau. Il était aussi délibérément produit au compte-goutte suivant la logique d’une politique axée sur le profit. 

Ben Philips déclare  : « C’est extraordinairement mesquin et peu clairvoyant qu’on adopte aujourd’hui la même approche avec le Covid 19 ».

« Les actionnaires des compagnies pharmaceutiques continueraient de toute façon à augmenter leurs bénéfices – un peu moins vite sans doute – même dans le cas d’un partage de licences et de connaissances pour démarrer la production internationale à large échelle », remarque Ben Philips.

« Nous pouvons encore changer de cap. Ainsi, les vies pourraient être épargnées et l’économie globale pourrait redémarrer. Personne ne sera en sécurité tant que tout le monde ne le sera pas et le monde ne pourra pas se remettre tant que tous les pays ne pourront pas se relever. ».

« Mais, rien de tout cela ne sera offert gratuitement par nos dirigeants – cela n’arrivera que si assez de gens les poussent à le faire. Les survivants de Covid 19, appuyés par les survivants du VIH qui savent ce qui est en jeu, mènent une lutte précisément pour cela », a-t-il ajouté. 

Les Nations Unies affirment que la pandémie qui a coûté la vie à 1.6 million de personnes dans le monde depuis le début de l’année « n’est pas simplement la crise sanitaire globale la plus grave depuis la création de l’ONU il y a 75 ans, mais c’est aussi une crise humanitaire, socio-économique, de sécurité et de droits humains ».

Lors de la Session Spéciale sur Covid 19 le 3-4 décembre, le président de l’Assemblée générale, Volkan Bozkir a déclaré :

« Le monde attend de la part des Nations Unies la direction, pour intervenir et agir de manière décisive, pour relever le plus grand défi auquel le monde fait face aujourd’hui. Cette crise nous oblige de bousculer notre manière de faire, d’être courageux, et de restaurer la confiance dans les Nations Unies ».

Le professeur Kunal Sen, Directeur de l’Université des Nations Unies/l’Institut mondiale pour la recherche en économie de développement (UNU-WIDER) a précisé à l’IPS que même s’il demeure compréhensible que les pays riches veulent immuniser leur propres citoyens, surtout les plus vulnérables, le nationalisme vaccinal privera les citoyens des pays à bas revenu des vaccins contre le Covid 19 pendant beaucoup de mois à venir .

« Le monde a besoin d’un vaccin pour les peuples qui peut être fourni universellement ; et il est important pour la communauté internationale de développer un vaccin qui est compatible avec l’accès universel », a-t-il déclaré.

Le New York Times a rapporté le 10 décembre que trois des alliés de Trump les plus proches, qui étaient infectés avec le virus et qui se sont remis rapidement, ont reçu des médicaments qui ne sont pas disponibles pour le restant des citoyens des États-Unis.

En conséquence, le Covid 19 est qualifié d’une maladie des possédants et des non possédants.

Face à une question portant sur les « paroles en l’air » des pays riches au sujet de l’accès équitable au vaccin alors que les inégalités en matière de distribution en Afrique et d’autres pays en voie de développement restent frappantes, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a répondu :                                                                                                    

« C’est vrai que nous sommes témoins d’une avancée rapide de nationalisme vaccinal. Mais le vaccin dont l’Afrique a besoin, et dont nous avons tous besoin, doit être soutenu. Autrement nous ne pourrons lutter nulle part contre la pandémie de manière efficace. »

Le seul moyen évidemment est de garantir que l’initiative COVAX – une coalition de plus de 150 pays, plus l’Organisation mondiale de la Santé, GAVI (l’Alliance pour les vaccins) et CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) – soit soutenue e financièrement.

L’initiative a besoin de 4.2 milliards de dollars US dans les deux prochains mois. Puis il s’agira d’assurer un financement supplémentaire pour être sûr que les vaccins approuvés par l’OMS puissent être distribués en Afrique, aussi rapidement que possible.

Guterres précise  : « C’est mon espoir qu’on pourra le faire avant le deuxième trimestre, mais c’est vrai que ce qu’on voit aujourd’hui est un énorme effort de la part de certains pays pour assurer des vaccins pour leurs propres populations. Et jusqu’ici, il manque toujours le financement nécessaire pour COVA

« Mais l’équipe de COVAX travaille dur », ajoute-t-il., « Il y a plusieurs vaccins dans le ‘pipeline’ pour COVAX et c’est parfaitement possible de tout mettre en œuvre comme prévu, si le financement est garanti. »

Entretemps, le Wall Street Journal a rapporté le 9 décembre qu’un vaccin chinois contre le Covid 19 qui sera accessible pour les pays en voie de développement a démontré une efficacité de 86 % lors des essais de dernière étape, menés la semaine dernière aux Émirats arabes unis.

 

Source originale: Third World Network

Traduit de l’anglais par Alison K. pour Investig’Action

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