Attaque d’Israël contre Gaza : ce que les médias ne disent pas

« Israël n’a fait que riposter aux roquettes tirées depuis Gaza. » La rengaine habituelle des grands médias est connue. Pourtant, elle ne résiste pas à une analyse honnête et factuelle de l’actualité. Retour chronologique sur la récente attaque d’Israël contre Gaza et explications.

Au cours de la dernière vague de violences qui a débuté en mai 2023, les forces israéliennes qui bombardent la bande de Gaza ont tué jusqu’à présent [35] Palestiniens (*), dont de nombreux civils, parmi lesquels trois femmes, six enfants et un éminent médecin. Les Palestiniens ont ensuite tué un Israélien (les noms et âges des victimes, ainsi que les circonstances de leur mort peuvent être consultés ici).

Les titres des médias mainstream donnent généralement une image simple de la situation : Israël se défend contre une « pluie de roquettes » tirées contre son peuple par un redoutable adversaire/groupe terroriste à Gaza.

Quelques exemples :

– Des militants palestiniens tirent des centaines de roquettes depuis Gaza en direction d’Israël (CNN)
– Le Dôme de fer intercepte des roquettes tirées depuis la bande de Gaza (NBC)
– Israël tue de hauts commandants de Gaza alors que des roquettes font un premier mort en Israël (Reuters)

Ces titres ne nous apprennent pratiquement rien sur ce qui se passe réellement – et la raison pour laquelle ces événements se produisent.

La vérité sur les affrontements Israël/Gaza

Ce conflit oppose Israël aux groupes de résistance palestiniens dans la bande de Gaza (bien que la plupart des personnes tuées et blessées par Israël soient toutefois des civils). Israël est l’un des États militaires les plus puissants au monde, qui utilise les armes les plus perfectionnées qui soient. Ses attaques contre Gaza consistent généralement en des frappes aériennes menées par des avions de chasse qui larguent des bombes puissantes, souvent dans des zones résidentielles de cette enclave densément peuplée.

De leur côté, les Palestiniens de Gaza ne disposent pas d’une armée permanente. Plusieurs groupes de résistance armée ripostent comme ils le peuvent avec des armes de contrebande et des roquettes artisanales.

Ce déséquilibre militaire explique en grande partie la disproportion en termes de nombre de victimes qu’on constate entre les deux groupes à la fin de chaque hostilité. Entre septembre 2000 (début de la deuxième Intifada) et aujourd’hui, Israël a tué près de 8.000 Palestiniens dans la seule bande de Gaza. Au cours de la même période, les groupes de résistance de Gaza ont tué moins de 250 Israéliens (depuis 2001, moment où la résistance armée a commencé à lancer des roquettes à partir de Gaza, ces dernières ont causé la mort d’une quarantaine d’Israéliens).

En plus de cela, il ne faut pas non plus oublier qu’Israël contrôle les frontières terrestres et maritimes, ainsi que l’espace aérien de Gaza et que ses habitants en sont désormais à leur seizième année de blocus cruel. Les Gazaouis vivent dans ce que beaucoup désignent comme étant la plus grande prison à ciel ouvert du monde, puisqu’Israël contrôle toutes les entrées et les sorties de la bande de Gaza, bloque l’entrée de nombreux produits de première nécessité (qu’il s’agisse de produits alimentaires, médicaux, éducatifs, ou industriels), impose de sévères restrictions quant à l’accès à l’électricité et à l’eau douce, et décime l’économie. Régulièrement, des enfants se voient empêchés de quitter Gaza pour recevoir des soins médicaux indispensables.

La raison déclarée du blocus : punir collectivement (ce qui constitue un crime de guerre) la population de Gaza qui, lors d’élections libres et équitables tenues en 2007, avait élu comme représentant politique le Hamas, un groupe qu’Israël considère comme terroriste.

À la question « Que se passe-t-il ? », il n’y a qu’une seule réponse : Israël est en train de détruire Gaza.

Une population en mode “survie”

Environ 70 % des deux millions d’habitants de Gaza sont des réfugiés palestiniens et des descendants de réfugiés qui ont été expulsés de leurs terres en 1948, lors de la guerre de nettoyage ethnique qui a permis l’établissement Israël.

Depuis leur expulsion, Israël refuse à ces réfugiés le droit au retour pourtant garanti par la communauté internationale (en 1948 et aux alentours de cette date, 750 000 Palestiniens autochtones – musulmans, chrétiens et autres – ont été contraints à l’exil et le nouvel État juif a dépeuplé et détruit des centaines de villages palestiniens. Aujourd’hui, des millions de personnes vivent dans des camps de réfugiés à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie et au Liban).

Un autre droit internationalement reconnu des Palestiniens de Gaza est celui de résister à leur oppresseur et occupant (Israël a beau contrôler Gaza depuis l’extérieur de ses frontières depuis 2005, la plupart des pays du monde considèrent ce territoire comme étant un territoire occupé).

Israël nie également ce droit et assimile toute forme de résistance – en ce compris les protestations pacifiques (qui sont de loin le moyen de résistance le plus utilisé par les Palestiniens) à du “terrorisme”.

Il est important de souligner que les résistants qui utilisent la force pour affronter Israël sont relativement peu nombreux. La plupart des habitants de Gaza tentent simplement de survivre. Selon l’UNRWA, l’agence des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens, 80 % de la population de Gaza dépend de l’aide humanitaire et plus de 40 % se trouvent dans une situation de grave insécurité alimentaire (ce qui signifie que ces personnes passent régulièrement des journées sans rien manger).

En bref, à la question de savoir pourquoi Israël et Gaza s’affrontent encore aujourd’hui, la réponse est que, depuis de nombreuses années, Israël refuse aux habitants de Gaza leurs droits et la satisfaction de leurs besoins les plus élémentaires, ce que les Gazaouis jugent inacceptable.

2023, bientôt l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens ?

Le feu couve depuis longtemps entre Israël et l’ensemble des Palestiniens (pas seulement ceux de Gaza), mais la situation s’est aggravée au cours des derniers mois, avec les raids nocturnes menés par Israël dans plusieurs villes de Cisjordanie contre des groupes de résistance.

Ces raids et d’autres actions violentes ont fait de 2022 l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie (depuis que les Nations unies ont commencé à tenir des registres en 2005). En 2022, au moins 213 Palestiniens – dont 49 enfants -, ainsi que 29 Israéliens – dont un enfant (en août 2022, Israël a lancé une attaque contre Gaza qui a duré trois jours et tué au moins 49 Palestiniens, dont 17 enfants).

L’année 2023 a également été particulièrement sanglante, avec au moins 148 morts palestiniens (dont 27 enfants) et 18 morts israéliens (dont 4 enfants). La brutalité d’Israël et le refus des Palestiniens de capituler ont maintenu la région sur le qui-vive pendant de nombreux mois.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est survenue le 1er mai dernier, avec le décès du prisonnier politique palestinien Khader Adnan après une longue grève de la faim. Israël avait refusé ses différentes requêtes, en ce compris celle d’une intervention médicale, et avait ensuite confisqué son corps.

En réponse à ce crime odieux, le groupe de résistance du Jihad islamique à Gaza a lancé une centaine de roquettes contre Israël, blessant trois travailleurs étrangers.

Quelques jours plus tard, le 3 mai, des avions de combat israéliens ont détruit un certain nombre de cibles à Gaza, y compris des immeubles résidentiels, tuant un civil de 58 ans qui vivait dans un camp de réfugiés.

Le 9 mai, tôt dans la matinée, des avions de combat israéliens ont tué dans leur sommeil treize Palestiniens : trois dirigeants du Jihad islamique, les épouses de deux d’entre eux, trois de leurs enfants et cinq voisins.

Le 10 mai, Israël a tué onze autres Palestiniens, dont trois jeunes et plusieurs chefs de la résistance.

Le 11 mai, huit Palestiniens ont également été tués, ainsi qu’un Israélien (le premier à être tué par une roquette de Gaza depuis deux ans).

Le 12 mai, Israël a encore tué deux Palestiniens.

L’Égypte s’est efforcée de négocier un cessez-le-feu, mais Israël s’y est opposé jusqu’à présent, refusant d’accepter des conditions qui l’obligeraient à se conformer au droit international (NDLR : depuis la rédaction de cet article, une trêve négociée par l’Égypte a finalement été conclue entre Israël et les groupes armés palestiniens. Avant cela, deux Palestiniens ont encore été tués).

La réponse à la question “Pourquoi cette nouvelle série de combats a-t-elle commencé ?” est très courte : le traitement cruel infligé par Israël aux Palestiniens est juste devenu insupportable.

Il reste à voir combien de temps encore ce conflit durera, combien d’innocents devront perdre la vie et combien de temps sera nécessaire à la communauté internationale pour se réveiller face à la brutalité d’Israël.

En attendant, grâce à l’influence du lobby israélien, les politiciens continuent de verser l’argent des contribuables américains à Israël pour un montant qui dépasse les 10 millions de dollars par jour.

 

(*) Dans sa version originale publiée le 13 mai, l’auteure mentionne le nombre de 33 morts. À l’heure où nous publions cette traduction, il s’élève à au moins 35. Pour une liste complète des Palestinien.ne.s et des Israélien.ne.s tué.e.s depuis 2000, vous pouvez consulter la timeline suivante.

 

Source: Israel-Palestine News
Traduit de l’anglais par CV pour Investig’Action

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