Accord de Paris: l’arbre Trump cache la forêt de l’inertie politique

Donald Trump l’avait annoncé déjà en 2017, mais le gouvernement US l’a notifié officiellement auprès de l’ONU seulement ce lundi pour des raisons juridiques: les États-Unis se retirent de l’accord de Paris. Dans cet extrait de Quand le dernier arbre aura été a abattu, nous mangerons notre argent, Ludo De Witte analyse les enjeux de ce retrait. La politique menée par Donald Trump est évidemment un coup dur pour la sauvegarde de la planète. Mais l’accord de Paris est loin d’être suffisant pour répondre aux défis du réchauffement climatique. Par ailleurs, Trump apparaît comme un paratonnerre qui cristallise les critiques, laissant croire qu’il suffirait de le remplacer pour se retrouver à nouveau sur la bonne voie. Les faits prouvent le contraire. “Le palmarès des fausses solutions déprimantes proposées par les hommes politiques montre bien que c’est nous, nous-mêmes qui devons passer à l’action”, écrit Ludo De Witte. (IGA)


 

Et alors Donald Trump s’est installé à la Maison-Blanche et il a envoyé en l’air l’accord climatique de Paris (COP21, 2015)[1]. Les discours de Trump à propos du changement climatique sont connus. Début 2014, via Twitter, il envoyait cette information : « Ces canulars à propos du prix très élevé du RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE très onéreux doivent cesser. Notre planète gèle, enregistre des températures basses et nos scientifiques du RC sont figés dans la glace. » Nier ou remettre en question le changement climatique et miser entièrement sur l’exploitation des sources d’énergie fossiles : ce sont des choix qui, si on y donne suite, « équivalent presque à sonner l’arrêt de mort de l’espèce humaine », pour reprendre les mots de Noam Chomsky. Pour Peabody Energy, la victoire de Trump était toutefois une bonne nouvelle. Le plus gros producteur de charbon des États-Unis était au bord de la faillite, mais fut sauvé, après la victoire de Trump, grâce à une augmentation de la valeur de ses actions de 70 %. Le site internet très à droite Breitbart News, de Stephen Bannon, le maître à penser de Trump, titrait après sa victoire : « La gauche vient de perdre la guerre sur le changement climatique. »

Depuis que Trump et son entourage de climatosceptiques ont pris possession de la Maison-Blanche, les « libéraux » américains sont enclins à repenser avec nostalgie à la présidence de Barack Obama. Dans le préambule de la Journée de la Terre (2015), Obama n’avait-il pas dit qu’il n’y avait pas de plus grande menace pour notre planète que le changement climatique ? Pourtant il est certain que le fait de se concentrer unilatéralement sur les faits et gestes du nouveau président américain masque les racines du véritable problème, lequel est très profond. L’homme a des allures de paratonnerre. Dans les médias est suscitée l’impression qu’il suffit de remplacer Trump pour se retrouver à nouveau sur la bonne voie.

Les chefs de gouvernement et commentateurs ont profité de la sortie de Trump de la COP21 pour rejeter sur ses épaules toute la misère écologique et se profiler comme les sauveurs de la planète. Se faire passer pour verts en recourant à l’anti-trumpisme. Dans un discours, le président Macron a parodié le Make America Great Again (Rendons sa grandeur à l’Amérique) de Trump en en faisant un Make Our Planet Great Again (Rendons sa grandeur à notre planète). En des termes peu diplomatiques, Merkel s’est distanciée de la décision de Trump. Quant à notre Charles Michel, il s’est même retrouvé en mode combat et a suggéré de prendre des sanctions contre les États-Unis (mais il a rapidement été rappelé à l’ordre par Merkel).

La sortie de Donald Trump de l’accord de Paris est un signal absurde et criminel et les mots font défaut pour l’affirmer. Mais cela plonge-t-il la lutte contre le changement climatique dans une crise directe ? Depuis des décennies, cette lutte connaît déjà une crise profonde. En un certain sens, la décision de Trump est un point d’orgue ridicule dans toute une série de (non‑) décisions catastrophiques des dirigeants mondiaux, de Ronald Reagan à Barack Obama. Trump se retire d’un accord qui, quoi qu’il en soit, était en route vers une augmentation catastrophique de la température[2]. Un accord sans engagements contraignants, avec uniquement des promesses. Oren Cass montre une fois de plus à quel point la boîte parisienne est vide : la Chine s’engage à réduire ses émissions en 2030, « donc à peu près au moment où son développement économique provoquerait la chose de toute façon [ce processus est déjà enclenché actuellement, entre autres sous la pression des activistes de l’environnement dans les grandes villes hyper polluées du pays, NdlR]. L’Inde ne s’est engagée à rien et a seulement progressé sur le plan de l’efficience – à un rythme de moitié moins élevé que ce que le pays a déjà fait au cours des années précédentes. Le comble vient du Pakistan qui s’est engagé entièrement et a rendu une seule feuille avec la proposition de réduire les rejets jusqu’à ce que le maximum soit atteint. Ce n’est donc pas un engagement, mais la définition du mot maximum[3] ».

Depuis Paris, « la farce n’a engendré que d’autres farces encore », déclare Cass : « Une étude de Transport Environment révèle que seuls trois pays d’Europe s’en tiennent aux promesses faites à Paris et que l’un des trois, l’Allemagne, a vu augmenter ses rejets deux années d’affilée. Les Philippines ont tout de suite retiré leur promesse. Une étude de l’American Geophysical Union explique que l’exploitation houillère prévue de l’Inde est incompatible avec les objectifs ». Un document du Foreign Office, découvert fortuitement, révèle que le gouvernement britannique s’engage totalement dans la transformation de richesses naturelles en argent sonnant et trébuchant, et tant pis pour notre biotope : « Le commerce et la croissance sont désormais les priorités de tous les secteurs […] l’engagement pour des causes comme le changement climatique et la préservation de la nature va être ralenti[4]. »

Le bilan de la politique climatique du président Obama nous remet les pieds bien sur terre. Le Clean Power Plan d’Obama est parfaitement en ligne avec l’accord climatique de Paris, qui nous mène tout droit vers un réchauffement catastrophique d’au moins 2,7 °C. Obama a autorisé tellement de production de pétrole et de gaz génératrice de rejet de gaz à effet de serre que, sous ses mandats, pour la première fois depuis quarante ans, l’Amérique saoudite exporte de l’énergie polluante. Il a fait des États-Unis le plus grand producteur de pétrole et de gaz, devant l’Arabie saoudite. Dans la ville pétrolière de Cushing, Obama avait déclaré, en mars 2012 : 

« Ces trois dernières années, j’ai confié à mon gouvernement la mission de libérer des millions d’hectares pour la production de gaz et de pétrole. […] Nous avons multiplié par quatre le nombre de sites de production. Nous avons posé assez de gazoducs et d’oléoducs pour faire le tour de la planète, et même davantage. […] Tant que je serai président, nous continuerons à encourager la production de pétrole[5]. »

Obama a toutefois tiré un trait sur les plans de construction de l’oléoduc Keystone XL, qui aurait dû transporter du pétrole de sable bitumineux du Canada et du pétrole de fracturation de Nord-Dakota au travers des États-Unis. Mais tous les arguments qu’il avait avancés en vue de sa décision étaient de nature économique et géostratégique. Il n’avait pas dit un mot de l’impact écologique du projet monstrueux, bien que l’infrastructure de Keystone XL ait été prévue pour une source d’énergie générant vraiment beaucoup de carbone et censée rester en service durant bon nombre de décennies[6]. Obama n’a pas non plus touché aux accises sur l’essence, qui sont restées inchangées depuis 1993. En 2015, il a donné à la Royal Dutch Shell l’autorisation de prospecter des gisements pétroliers en Alaska…

La décision d’Obama de ne pas accorder d’autorisation pour un oléoduc dans la Réserve des Sioux, à Standing Rock, dans le Nord-Dakota, n’est venue que le 5 décembre 2016, quelques jours après la victoire électorale de Trump… La décision d’Obama fut sans doute motivée par le souhait de tenir ce mégaprojet pétrolier hors de l’héritage de sa présidence. Sans grande gravité pour le monde pétrolier, car Trump allait quand même annuler la décision d’Obama.

La faiblesse pathétique de la politique d’Obama s’exprime peut-être encore le mieux dans son Economic Report of the President (Rapport économique du président) pour 2017, dans lequel figure de façon rassurante que l’impact des températures en hausse peut être en partie annulé « grâce à de grands investissements dans le conditionnement d’air ». Le rapport d’Obama proposait d’autres bonnes nouvelles encore : « À court terme, passer plus de temps à l’intérieur et, à plus long terme, déménager peut atténuer les conséquences pour la santé. »

La façon dont les élites occidentales, avec ou sans Trump, perçoivent le changement climatique devient claire à la lecture du fameux Stern Review on the Economics of Climate Change (2007), une gigantesque étude réalisée par une équipe dirigée par le professeur Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale. Le Rapport Stern avait été commandé par le gouvernement britannique et est considéré comme la tentative la plus sérieuse d’un gouvernement occidental d’examiner le changement climatique. L’équipe de chercheurs conclut qu’une action rapide et efficace est nécessaire pour stabiliser dans l’atmosphère le nombre de particules de six gaz à effet de serre à 550 parts per million (parties par million – ppm). Un objectif bizarre, car les chercheurs disent eux-mêmes qu’une stabilisation à 550 ppm aboutira avec une probabilité de 30 à 70 % à un réchauffement de plus de 3 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle[7].

Toujours selon cette étude, un réchauffement de 3 °C peut suffire pour déclencher un changement climatique non pas « lent », mais « rapide ». Une perspective angoissante. Une telle hausse de température aussi rapide ferait se déverser en peu de temps dans les océans de gigantesques quantités d’eau de fonte venant du pôle Nord, ce qui mettrait à l’arrêt le Gulf Stream qui réchauffe l’Europe et pourrait imposer à notre continent non pas un climat plus chaud, mais un climat sibérien modéré. Une telle évolution aurait d’importantes conséquences pour la lutte pour la nourriture et les matières premières[8].

Pourtant, l’étude Stern jette par-dessus bord le principe de prévention. Maintenir un plafond de 550 ppm, c’est jouer à la roulette russe, mais pas avec une balle, mais trois, dans le barillet. À peu près tous les climatologues sont d’accord à ce propos. Même un plafond de 450 ppm, c’est jouer avec le feu, car selon le GIEC, une stabilisation à ce niveau fera « vraisemblablement » – mais pas « presque à coup sûr » – que l’augmentation de température sera limitée à moins de 2 ° C. James Hansen, « la conscience » des climatologues, dit même que, pour jouer la sécurité, nous devons descendre à moins de 350 ppm… Pourquoi le rapport Stern choisit-il un objectif qui comporte des risques énormes pour la planète[9] ? 

L’équipe de Nicholas Stern ne mâche pas ses mots : « Les trajectoires qui veulent très rapidement faire baisser les émissions ne sont sans doute pas viables économiquement » (les italiques sont de LDW). Pour réaliser une stabilisation à 450 ppm, les émissions en 2050 devront avoir diminué de 70 %, par rapport à 2005. Cela requerrait que, dès 2010, la réduction annuelle d’émission s’élève à 7 %[10]. Nicholas Stern estime qu’une réduction de 1 % dès 2015 est toutefois réalisable et qu’elle doit finalement aboutir à une stabilisation à 550 ppm. Les réductions de plus de 1 %, écrivent les auteurs du rapport, « sont difficiles à réaliser, sauf dans un contexte de récession » (les italiques sont également de LDW). En effet : au cours de l’année de crise 2009, les rejets de carbone ont diminué de 1,4 %, mais, en 2010, ont à nouveau augmenté, de 5,9 %.

En 2009, deux ans après la publication du rapport Stern, Nicolas Stern publiait un livre dans lequel il rejetait de nouveau une tentative de stabiliser les rejets de carbone à 450 ppm, car cela provoquerait « une diminution immédiate, importante et incessante de l’économie mondiale ». La conclusion de John Bellamy Foster est cinglante : « Pour maintenir en marche la machine du profit et de la production, le monde doit courir le risque d’un Armageddon écologique[11]. »

Tout aussi cynique que le rapport Stern, il y a le Climate Action Report (2002) du gouvernement américain sous la présidence de George W. Bush. Dans le rapport, il est reconnu que le réchauffement de la planète aura des conséquences très lourdes, mais que celles-ci seraient plutôt limitées pour les États-Unis mêmes. Début 2013, six ans après la publication de son rapport, Nicolas Stern reconnaissait que l’atmosphère contenait plus de gaz à effet de serre et que les conséquences allaient surgir même plus rapidement que l’on ne s’y attendait dans son rapport, et que la terre était en route vers une augmentation de température d’environ 4 ° C[12].

Entre-temps, les gouvernements qui se trouvent sur la ligne de front du changement climatique prennent des mesures pour reporter ou édulcorer les conséquences de leur non-politique catastrophique. Dans les petites îles de l’océan Pacifique vivent dix millions de personnes. Des experts des Nations unies attendent une montée du niveau de l’océan de 58 centimètres et des tempêtes et cyclones de plus en plus violents en 2050, ce qui mettra lourdement à l’épreuve la vie dans ces îles… jusqu’à ce qu’elles disparaissent finalement dans l’océan[13]. Kiribati est un archipel de l’océan Pacifique qui dépasse à peine le niveau de la mer. Quelque 110 000 personnes y vivent. Dans quelques décennies, l’archipel sera sous eau. Le gouvernement de Kiribati a déjà acheté 20 km2 de terre sur Fidji, ce qui doit être le premier plan d’évacuation climatique au monde[14]. Les autorités des Maldives, un groupe d’îles coralliennes de l’océan Indien, préfèrent aussi, de leur côté, prévenir que guérir. L’État a créé un fonds immobilier afin d’acheter ailleurs de quoi reloger ses 400 000 habitants[15]. Aujourd’hui déjà, les rues de Miami, en Floride, sont régulièrement sous eau de mer. La ville investit 400 millions de dollars dans le relèvement des rues et l’installation de pompes à eau. « Ceux qui ne croient pas au changement climatique doivent venir faire un tour ici[16] », explique le maire de la ville.

Plus près de chez nous aussi, où le besoin est moins urgent, des plans défensifs sont élaborés. Les Pays-Bas marchent en tête. C’est logique : depuis des générations déjà, le pays se bat contre l’eau. 29 % de son territoire se trouve en dessous du niveau de la mer. D’énormes digues et travaux d’infrastructure protègent le pays contre les inondations. Nos voisins du nord veulent même expérimenter des « villes flottantes ». La Haye a déjà mis en fonctionnement un « moteur de sable » : le vent, les vagues et le courant étalent des quantités gigantesques de sable sur les côtes néerlandaises, ce qui consolide les dunes et doit créer des presqu’îles. 

Le gouvernement flamand est tout aussi actif. Il renforce le littoral belge, avec des murs anti-tempêtes à Blankenberge et un barrage anti-tempête à Nieuport. Depuis 2011, quelque 6 millions de m3 de sable ont déjà été déversés pour renforcer les dunes[17]. Les Français aussi se préparent. Le Conservatoire français du littoral estime qu’actuellement, un cinquième des côtes françaises sont endommagées par l’érosion suite à la montée du niveau de l’eau. On « cultive » des récifs artificiels grâce auxquels, entre-temps, quelque mille kilomètres de côtes ont été renforcés.

 

***

 

La foi aveugle dans des solutions conformes au marché, le cynisme et l’absentéisme coupable des hommes politiques, les inégalités croissantes dans le monde qui sont présentées comme normales, inévitables et même bénéfiques… tout cela ne fait-il pas penser à la vie et l’œuvre de Donald Trump ? L’homme n’est pas tombé soudainement du ciel. Ces dernières décennies, les élites politiques aux États-Unis et en Europe se sont de plus en plus tournées vers la grande bourgeoisie pour la solution des problèmes de la société. De petits Trump ont précédé l’actuel Trump. Pensez au vice-président de Bush, Dick Cheney, lié au géant Halliburton et cerveau de la guerre contre l’Irak. Ou à John Kerry, ministre des Affaires étrangères sous Obama : sa femme possède Heinz Inc, agrandi entre-temps en Kraft-Heinz Co. L’Europe ne fait pas mieux : Miguel Arias Cañete, commissaire européen au Climat et à l’Énergie, est un ancien magnat du pétrole.

Ils constituent les MC Governments, et leurs recettes favorisent le démantèlement de la protection sociale et l’austérité pour la vaste masse, et les législations sur mesure, l’évasion fiscale et les réductions d’impôts pour les riches. Si le capitalisme est le remède miracle contre tous les maux de la société, dans ce cas, il vaut mieux que la société soit dirigée comme une grande entreprise. Les fondations des super riches doivent se charger de ceux qui tombent du bateau et, de même, des secteurs pour lesquels il n’y a pas assez d’argent, comme la culture ou la gestion de l’environnement, par exemple, doivent pouvoir compter sur eux.

Dans un tel environnement, Trump, aussi grotesque que soit le personnage, n’a rien d’une aberration. Trump est un miroir que l’on tient devant nous. Dans un monde dominé par des marques comme Apple, Facebook et Mercedes, le nom de marque Trump se trouve également au firmament. Trump est l’entrepreneur à succès qui peut rendre sa grandeur aux États-Unis, comme Bill Gates doit sauver l’Afrique, Jamie Oliver libérer le monde de l’obésité et Richard Branson la planète du changement climatique. Trump personnalise l’accomplissement de cette longue évolution vers un monde dans lequel la soif illimitée de profit, les inégalités économiques criantes, le racisme et le sexisme à l’état brut ainsi que l’impunité pour les riches et les puissants sont la norme. Naomi Klein le dit en ces termes : « Si notre système peut produire quelqu’un comme Donald Trump, c’est qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le système. Partons de là. Et il importe comment nous appelons ce système. It’s not called Donald Trump, it’s called capitalism (Il ne s’appelle pas Donald Trump, il s’appelle capitalisme)[18]. »

Conclusion. Avec ou sans Obama, avec ou sans Trump, avec ou sans Paris : cela ne change rien, essentiellement. Qu’importe l’aile de la classe possédante qui tient les rênes du pouvoir : le moloch économique continue sans encombre à ravager la planète. Après nous le déluge, tel est le leitmotiv non exprimé des hommes politiques. En tant que chargés d’affaires des entreprises asservies aux carburants fossiles, ils dirigent le pays et, en qualité de voyageurs de commerce, ils tentent lors de voyages à l’étranger de vendre leurs produits à une clientèle. Dans les quatre coins du monde, on prospecte le gaz de schiste et le pétrole de sables bitumineux, dont l’exploitation est très polluante. Les gisements de pétrole du pôle Nord sont la nouvelle frontière. En 2013, au niveau mondial, les gouvernements ont dépensé 550 milliards de dollars en subsides directs pour la consommation d’énergie fossile qui, selon certains calculs, représenterait 36 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre. Les subsides pour l’énergie renouvelable s’élevaient à 121 milliards de dollars, soit moins d’un quart, par conséquent[19].

Des méthodes d’exploitation extrêmement polluantes, comme la fracturation hydraulique (fracking), le déplacement de sommet (mountain top removal) et le forage en mer profonde (deep ocean drilling), sont de plus en plus fréquentes. Et non sans danger, comme cela s’est avéré lorsque, en 2010, une plate-forme de forage de BP a eu des fuites dans le golfe du Mexique. Des millions de litres de pétrole se sont retrouvés dans la mer. Le professeur Jan Mees de l’Institut flamand de la Mer est convaincu que la question n’est pas de savoir si la catastrophe va se reproduire, mais bien quand elle va se reproduire. La ruée vers les carburants fossiles se poursuit bel et bien avec une force sans précédent, dans ce que l’expert en énergie Michael Klare dénonce comme « la chasse à ce qui nous reste encore[20] ».

Pour une approche humaine et efficiente du changement climatique, nous ne pouvons pas compter sur le complexe politico-industriel, qui refuse obstinément d’envisager l’automne de l’économie de marché. Le palmarès des fausses solutions déprimantes proposées par les hommes politiques montre bien que c’est nous, nous-mêmes qui devons passer à l’action. Qu’il ne faut compter ni sur Merkel, ni sur Macron, ni sur un nouvel Obama qui fera oublier Trump ! Car ils sont tous tributaires et soumis à la grande entreprise qui entend stimuler plus encore le moteur de l’économie et réaliser encore plus rapidement l’écocide.

 

 

Source: Investig’Action

Extrait du livre Quand le dernier arbre aura été abattu, nous mangerons notre argent, disponible sur notre boutique en ligne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:

[1] Toutes infos et citations de ce paragraphe, dans J.B. Foster, « Trump and Climate Catastrophe », Monthly Review, février 2017.

[2] M. Almaci, « Trumps besluit is ronduit gevaarlijk voor het voortbestaan van de planeet », De Morgen, 1er juin 2017.

[3] O. Cass, « Goodbye to Paris », 31 mai 2017, commentarymagazine.com. Voir aussi « Only 3 EU Countries Pursuing Policies In Line With Paris Climate Agreement », 12 avril 2017, cleantechnica.com.

[4] Note de Tim Hitchens, Foreign and Commonwealth Office (FCO), dans « UK to scale down climate change », The Independent, 9 avril 2017.

[5] Obama, 18 avril 2015, deredactie.be/cm/vrtnieuws/buitenland/1.2308427 ; Obama, Discours à Cushing, 22 mars 2012, cité dans C.L. Spash, « The political economy of the Paris Agreement on human induced climate change : a brief guide », Real-World Economics Review, 27 juin 2016, pp. 67-75, paecon.net.

[6] Décision Obama concernant le Keystone XL Pipeline, 6 novembre 2015, whitehouse. gov.

[7] Les élites en tiennent compte, voir notamment « Climate Risks in the 2019 Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community », 29 janvier 2019, https://climateandsecurity.org, ou le rapport du Pentagone, « Abrupt Climate Change and Its Implications for United States National Security (2003) », futurebrief. com/dod-climate.pdf. R. Keucheyan fait remarquer que les militaires perçoivent mieux le changement climatique que les hommes politiques (qui sont concentrés sur les toutes prochaines élections) : « C’est à partir du sens commun qu’on fait de la politique », revue-ballast.fr. Selon D. Wallace-Wells, le Pentagone est « obsédé » par le changement climatique : « The Uninhabitable Earth », New York Times, 9 juillet 2017.

[8] Nicholas Stern dirige des équipes de climatologues à la London School of Economics (LSE) et à l’Université de Leeds. Sur The Stern Review, voir J.B. Foster, The Ecological Revolution, pp. 57-60.

[9] Les émissions restent longtemps suspendues dans l’atmosphère, ce qui explique pourquoi une réduction draconienne d’au moins 7 % par an est nécessaire pour atteindre le but.

[10] J. Hansen, Storms of My Grandchildren, pp. 288-290.

[11] J.B. Foster, The Ecological Revolution, p. 60, et J.B. Foster et B. Clark, « The Planetary Emergency », Monthly Review, décembre 2012 ; N. Stern, A Blueprint for a Safer Planet, p. 39.

[12] Climate Action Report, dans J.B. Foster, The Ecological Revolution, p. 207 ; N. Stern, dans « I got it wrong on climate change – it’s far, far worse », The Guardian, 27 janvier 2013.

[13] « Le changement climatique dans le Pacifique : l’eau », 18 août 2015, undp.org.

[14] « Verhuisplannen op Kiribati », nrl.nl, 3 juillet 2014.

[15] S. Knight, « The human tsunami », Financial Times, 20 juin 2009.

[16] Le maire de Miami, dans le documentaire de L. DiCaprio, Before the Flood (Avant le déluge) (2016).

[17] Voir à ce propos « De zee moet gered van de zon », 15 avril 2015, apache.be, et Parlement flamand, réunion plénière du 30 novembre 2016, réponse du ministre Ben Weyts à une question d’actualité de Mercedes Van Volcem.

[18] N. Klein, lors de la présentation de son nouveau livre No Is Not Enough, Chicago, 9 mai 2017, haymarketbooks.org. Voir également No Is Not Enough, pp. 112-119.

[19] « Seize the Day », The Economist, 17 janvier 2015, et IISD, « The Impact of Fossil-Fuel Subsidies on Renewable Electricity Generation », décembre 2014, iisd. org. Le FMI estime que les subsides indirects et directs mondiaux alloués pour l’énergie aux producteurs, au commerce intermédiaire et aux consommateurs dans la seule année 2015, représentent le montant colossal de 5 300 milliards de dollars. (Tout cet argent n’est pas seulement mal utilisé : il est utilisé pour la prospection de nouveaux gisements pétroliers, mais par exemple aussi pour la réduction des coûts des transports publics dans les pays plus pauvres.) Estimation dans K. Anderson, « The hidden agenda: how veiled techno-utopias shore up the Paris Agreement », 6 janvier 2016, kevinanderson. info/blog.

[20] Jan Mees, dans A. De Walsche, « 20.000 mijnen onder zee », Mo*, printemps 2015 ; Michael Klare, The Race for What’s Left : The Global Scramble for the World’s Last Resources, 2012.

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