Contre l’ignorance totale de Manuel Valls et de quelques autres. 25 questions-réponses rapides sur les 35 h pour (presque) tout savoir sur les 35 h.
« Oui, nous devrons déverrouiller les 35 heures, qui n’existent déjà plus réellement. Cela doit permettre aux Français, pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, de travailler davantage en gagnant plus, deux heures, trois heures, sans avoir recours forcément aux heures supplémentaires qui ont beaucoup coûté à l’Etat et à l’économie française ». Pour ceux qui n’ont pas de travail, l’allégement du coût du travail, devra relancer l’embauche (…) »
« Le monde a changé depuis 1997 et nous aussi (…).… Est-ce que dans le monde tel qu’il est avec la concurrence que nous connaissons, est ce que nous pouvons nous permettre d’être sur des idées des années 70, 80, 90 ? Non ! il faut donc dépasser la question des 35h au-delà des bénéfices qui ont concerné notamment le temps de vie des salariés, de la flexibilité qui a pu représenter dans les entreprises, Je prône un dépassement des 35 heures, au nom même d’une augmentation des salaires, d’une augmentation du pouvoir d’achat. » (Europe 1 verbatim)
verrouiller, verbe transitif
Sens 1 Fermer en actionnant un verrou. Anglais to bolt
Sens 2 Bloquer, empêcher le passage.
Sens 3 Contrôler quelqu’un ou quelque chose, bloquer une action ou une situation
verrouiller : 2 synonymes : cadenasser, fermer.
1°) Est-ce que les 35 h sont « verrouillées » ?
Il n’y a aucun verrou. D’aucune sorte. Les 35 h ne sont que la durée légale du travail. Elles ne sont que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Le seul verrou existant est la durée maxima qui est de 48 h hebdomadaires. Avec les 35 h il y a place pour 13 h supplémentaires hebdomadaires, davantage qu’avec les 39 h où il ne pouvait y avoir que 9 h supplémentaires par semaine.
2°) Est-ce que les 35 h sont un carcan ?
3°) Est-ce que les 35 h n’existent déjà plus réellement ?
C’est malheureusement ce qui a été, semble t il, dit par Arnaud Montebourg, lui aussi candidat aux primaires socialistes : « Les 35 heures n’existent plus, donc évidemment rouvrir ce débat est inutile ». Ce disant, Arnaud Montebourg n’y connaît rien non plus. Les 35 h existent. Elles s’imposent même à 100 % des salariés, à 100 % des employeurs. C’est une durée légale d’ordre public social valable dans toutes les entreprises, toutes les branches, tous les métiers, tous les statuts.
4°) Est-ce que les 35 h empêchent les Français de travailler davantage ?
Emballé par Valls, Yves Jégo déclare : « N’attendons pas 2012 pour déverrouiller les 35 heures qui plombent la croissance française depuis 10 ans et ouvrons à nouveau le débat du + travailler plus + et du + travailler mieux + comme Jean-François Copé l’a proposé à juste titre, suivi par Manuel Valls ».
C’est aussi stupide : la meilleure année depuis un siècle de la croissance française, de l’emploi en France, c’est l’année 2000, année de la mise en place des 35 h. 350 à 400 000 emplois de plus. C’est la meilleure année sociale de toutes les annales. Moins de précaires, hausse de la masse salariale, toutes les caisses de protection sociales étaient au vert… Ce, avant que la droite, depuis 8 ans, ne mène notre pays à la catastrophe économique et sociale en revenant en arrière.
Mais non bien sûr ! Nous sommes dans la moyenne européenne : la durée hebdomadaire du travail en 2007 de l’ensemble des actifs était de 37 heures en France, pour 37,3 heures en moyenne dans l’Europe des 15. C’est presque une heure de plus qu’en Allemagne (36,2 h), une heure et demie de plus qu’au Danemark (35,5 h) et dans les pays Nordiques, et presque cinq heures de plus qu’en Hollande (32,2 h). Mais bien moins qu’en Grèce, au Portugal… (Cf. « Salariés si vous saviez.. » Ed. La découverte, GF 2008)
Et les plus riches les durées du travail les plus courtes !
Le « Sortir de l’euro où sortir des 35 h » selon Gérard Longuet est donc une autre de ces phrases stupides qui ne veulent rien dire.
Bah oui. Il y a davantage de chômeurs, les records mondiaux sont battus. Le néo-libéralisme et la dictature de la finance tendent à ramener les durées du travail réelles au niveau du XIXe° siècle, avec souffrance, stress, contre la santé et contre l’emploi. Sarkozy est allé chercher le chômage avec les dents : les chiffres de décembre 2010 en France, c’est le plus haut niveau de chômage depuis 15 ans… Il n’y aura pas de réduction du chômage de masse, sans réduction du temps de travail.
8°) Est-ce que les 35 h sont une idée des années 70, 80, 90 ?
C’est un progrès historique. L’histoire du code du travail EST l’histoire de la réduction du temps de travail. De 1840 à 1920, il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 h à la journée de 10 h. De 1936 à 2000, il a fallu 70 ans pour passer de 40 h à 35 h : en 70 ans, on a réussi en pratique, dans les faits, dans la vie réelle, (malgré une guerre mondiale et deux guerres coloniales) quatre choses en même temps :
– produire plus
– créer plus d’emplois
– travailler moins longtemps
– gagner plus
Et Valls et Copé voudrait faire tourner la roue de l’histoire à l’envers ? Revenir avec la même logique demain sur les congés payés ? sur la Sécu ? Copé le veut… Valls aussi ?
Les 35 h ne devaient pas se faire à « profit constant » mais comme un moyen de redistribuer emplois et richesses. Mais non, le Medef a « mené la guerre » depuis 13 ans aux 35 h (depuis que le 10 octobre 1997 sur le parvis de Matignon, Jean Gandois du CNPF démissionnait en expliquant qu’il fallait des « tueurs » à sa place et cela donna naissance au Medef) . Le patronat ment en prétendant que « les 35 h ça coûte trop cher » : en fait pour refuser de négocier les salaires. Mais ses profits n’ont jamais été aussi énormes, la France n’a jamais été aussi riche.
Ça coûte à l’état qui prend sur les impôts que paient les salariés : parce que l’état redistribue d’énormes sommes au patronat. L’assistanat dans ce pays, c’est d’abord pour les patrons. Entre 30 et 45 milliards d’exonérations de cotisations sociales de 1 à 1,3 fois le Smic ce qui va en premier dans les poches du CAC 40. Pareille pour la loi TEPA qui enlève les cotisations sociales sur les heures supp’.
Jack Lang :« Les 35 heures ont été déjà partiellement détricotées, réadaptées». Encore une fois ça ne veut rien dire ! les 35 h c’est un chiffre, un repère unique pour la durée légale. Une loi d’ordre public social. Pour 100 % des salariés. Ça ne peut pas se « détricoter »… le code du travail peut se “détricoter” pas “les 35 h”. Ca existe ou non.
Pas les 35 h ! Lionel Jospin (et c’est ce qui lui a fait gagner les élections le 1er juin 1997) a proclamé les 35 H HEBDOMADAIRES PAR LA LOI SANS PERTE DE SALAIRES. Ce sont les patrons qui ont bloqué les salaires et tout tenté pour les flexibiliser
Ce n’était pas par la loi ! Mais par accord. Dans moins de 0,3 % des cas, il y a eu des accords d’annualisation ou de modulation. Ils sont mauvais : car ils reviennent à rendre les heures supplémentaires invisibles et non majorées. Il fallait que des syndicats acceptent de signer ce genre de recul (mais c’est vrai… la loi aurait pu et du les interdire) !
En fait le patronat n’aime pas les usines à gaz où il est contraint de signer des accords avec des syndicats. Il cherche toujours à faire autrement et les heures supp’ c’est ce qu’il y a de plus simple, il y fait recours dans 76 % des cas pour ajuster les horaires…
Mais par définition les 35 h sont inflexibles. La flexibilité s’oppose aux 35 h, elle cherche à moduler la durée légale, la durée maxima, le taux des heures supp’ etc. mais tant qu’il reste un ordre public social avec un chiffre unique de repère, les 35 h sont là.
Non, elle a poussé à des heures supp’ en les faisant payer en partie par l’état (par les impôts de salariés). Cela revient à faire travailler plus ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui n’en ont pas. Ça coûte cher et cela a mal marché : 4 milliards qui vont dans la caisse des patrons et augmentent le nombre de chômeurs non embauchés. En même temps, l’état Sarkozyste versait 300 millions d’euros à 600 000 salariés pour les faire travailler moins, en leur imposant du chômage partiel forcé dans leur entreprise, allez savoir…
Oui, c’est le principal problème.
Malgré l’offre d‘aubaine de la loi TEPA, le patronat dans sa large majorité a préféré continuer à ne pas reconnaître ni payer les heures supp’ qu’il impose à ses salariés. Il y a un milliard d’heures supp ‘ dans ce pays qui ne sont pas déclarées, pas majorées et même pas payées du tout, ce qui est l’équivalent de 600 000 emplois.
C’est le principal gisement, 85 % du travail dissimulé, la principale fraude ; le principal vol que subisse les salariés, la principale source de délinquance patronale. Là, il faudrait sévir et sanctionner dur ces voleurs.
17°) Est-ce que les 35 h n’ont pas d’effet dans les petites entreprises ?
Mais si ! Elles s’imposent à toutes les petites, moyennes et grandes entreprises. Même Alain Vidalies ne rend pas compte de la vérité quand il écrit : « Par exemple, Valls met en garde [les socialistes] contre une généralisation des 35 heures aux PME. Mais c’est François Fillon, en 2003, qui l’a mise en place. » Non, ca ne s’est pas passé ainsi !
b) Mais selon la gauche, à partir du 1er janvier 2003, la majoration devait finir par augmenter aussi dans les moins de 20 de 10 % à 25 % pour les heures comprises en 36 et 40 h.
c) C’est la droite (Fillon en 2002) qui a repoussé cette date. Donc 5 millions de salariés des moins de 20, de ce fait, ont continué de 2003 à 2007 à faire des heures supp’ qui n’étaient majorées que de 10 % au lieu de 25 % ailleurs : c’est la droite qui faisait travailler plus en gagnant moins.
d) Puis la loi TEPA a encore modifié cela à partir du 1er octobre 2007 : toutes les heures, même dans les moins de 20, sont devenues majorées à 25 % (Mais défiscalisées et subventionnées).
e) Puis la droite incohérente (silence total des médias), en août 2008, par la loi Bertrand a permis de passer outre à… la majoration de 25 % et d’en revenir à 10 % « par accord » (elle a failli préciser 0% ). Elle a même voté que tout ce qu’il y avait d’écrit sur le taux des heures supp’ dans les accords et conventions collectives devait être annulé et renégocié (énorme – la loi annulait tous les contrats sur ce point ! sic) : c’est le Conseil constitutionnel in extremis qui a censuré ce vote et heureusement maintenu le contenu des 185 conventions collectives de ce pays qui reprenaient les 25 % de majoration.
Oui, depuis la loi Bertrand, par « accord » avec des syndicats représentant une majorité des salariés concernés.
En fait c’est ce que Copé et Valls voudraient imposer à tout le pays : l’accord initial de Continental.
Oui, il y a eu certains textes pour faciliter les « forfaits » sans contrôle et avec moins de jour de RTT parmi les cadres notamment, avec parfois une définition extensive et contestable du statut de « cadre ». Cela a été repris dans des conventions collectives et autres (mauvais) accords sous la pression du patronat.
Mais cela n’existe pas par la loi mais dans des accords dérogatoires (loi Fillon du 4 mai 2004 et de Bertrand d’août 2008) si ces accords sont signés par des syndicats majoritaires (il faut pour cela qu’ils capitulent devant les employeurs), cela reste donc l’exception.
Les cadres sont aux 35 h, de droit commun comme tous les salariés. En fait, nul ne peut les faire travailler plus de 10 h par jour, ni plus de 48 h par semaine ! Les « forfaits » doivent être contrôlés, ils ne sauraient être implicites, ils doivent être écrits explicitement de façon détaillée avec calendrier si modulation et RTT, signés par des syndicats majoritaires (! la définition de ces syndicats majoritaires a évolué entre la loi Fillon du 4 mai 2004 et la loi Bertrand d’août 2008), et ils ne peuvent servir à ne pas payer les heures supplémentaires. En cas d’annualisation, les heures supp’ dépassant le « forfait » doivent être comptabilisées et payées majorées.
Non, elles sont étendues. Les 35 h art 1 de la loi Aubry sont une loi magnifique, la plus avancée au monde.
Mais on pourrait prendre des mesures pour rapprocher la durée réelle du travail de la durée légale
– Abaisser la durée maxima du travail de 48 h à 44 h.
– Rendre les heures supp’ plus coûteuses que l’embauche en les majorant à 50 % dés la première heure
– Abaisser le contingent annuel et en revenir à une limite de 120 h (10 h par mois)
– Imposer deux jours de repos consécutifs incluant le dimanche
– Soumettre les heures supp’ à un « avis conforme » des IRP (CE ou DP, CHSCT)
Faire machine arrière toute 70 ans en arrière, cela ne reviendrait qu’à une seule chose : abaisser les salaires
Car des millions de salariés perdraient la majoration de 25 % pour les heures entre 36 et 40.
ET il y aurait un million de chômeurs de plus au bas mot.
Ça les baisserait automatiquement pour ceux qui feraient des heures supp’. Et pour tous les autres qui auraient encore moins de travail à se répartir.
Il est déjà énorme et parfois heureusement inatteignable. Les Britanniques en effet pratiquent l’opt out. (Article 18 de la directive 93-104) Sarkozy a tenté de faire passer la semaine de 65 et de 72 heures quand il présidait l’Europe en décembre 2008 : il a été battu heureusement par le Parlement européen. Mais la directive sur le temps de travail est toujours sur la table en Europe… Danger !
C’est le rêve absolu du Medef. Il ne cesse de revendiquer cette « solution » … finale. Cela casserait tout repère, aussi bien pour la durée que pour les salaires. Plus de Smic à 151 h 66. Plus de « grilles de salaires « conventionnelles.Faire fluctuer, rendre confus, pour mieux couler tout le droit du travail.
Balladur et les 5 millions de chômeurs 1993
les 35 h oui, la flexibilité non 1997 et 1999
Négocier les 35 h dans l’intérêt des salariés, 2000
Carnets d’un inspecteur du travail 2004 et 2010
La vie, la santé l amour sont précaires pourquoi le travail ne le serait il pas ? 2009
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