Le véritable Martin Luther King qu’ils veulent nous faire oublier

Voilà 50 ans que le Dr Martin Luther King a été assassiné. Ramzy Baroud note que son célèbre discours, I have a Dream, trouve souvent écho dans les médias comme pour rappeler tout le mal du racisme. Un mal ressuscité de manière prononcée dans la société américaine. Mais ce n’est qu’une facette de Martin Luther King. « C’est la facette autorisée entre gens de bonne compagnie, relève Ramzy Baroud. L’autre Martin Luther King, le plus révolutionnaire, radical et global, doit rester caché. »


Exactement un an avant son assassinat, le 4 avril 1968, le Dr King prononça un discours vraiment cinglant qui ne contestait pas seulement l’appareil d’État, mais aussi cette hiérarchie libérale qui se faisait passer pour alliée. Ce discours s’appelait : « Au-delà du Vietnam. »

 

« Nous devons arrêter maintenant », dit-il de sa voix tonnante. « Je parle en tant qu’enfant de Dieu et en tant que frère des pauvres du Vietnam qui souffrent. Je parle pour ceux dont la terre est dévastée, ceux dont les maisons sont détruites, ceux dont la culture est pervertie. »

 

Puis, il a ajouté ces mots, qui ont envoyé un véritable signal d’alarme à tous ceux qui cherchaient à isoler les efforts antiguerre de la lutte menée par King : « Je parle de et pour les pauvres d’Amérique qui paient le double prix, celui des espoirs brisés chez nous, et celui de la mort et de la corruption au Vietnam. »

 

Contrairement à son plus célèbre discours « I Have a Dream » — prononcé en 1963 lors de la Marche sur Washington —, « Au-delà du Vietnam » repoussait les frontières de ce qui était acceptable pour l’Amérique libérale vers de nouvelles contrées. Des contrées où les valeurs de solidarité globales et antiguerre du Dr King étaient sans la moindre hésitation liées au combat contre le racisme et la pauvreté chez nous.

 

Ce jour-là, la lutte américaine pour les droits civiques s’est courageusement affranchie des limites de l’exceptionnalisme américain pour rejoindre un mouvement mondial de lutte contre le racisme, le colonialisme et la guerre.

 

Sans surprise, le discours du Dr King a irrité de nombreux membres des communautés blanches qui étaient directement ou indirectement affiliées à l’establishment de Washington.

 

Seulement trois jours après le discours, le New York Times contre-attaquait dans son éditorial : « Il n’y a pas de réponses simples à la guerre du Vietnam ou à la justice raciale dans ce pays. Relier ces problèmes complexes ne mènera pas à des solutions, mais à une confusion plus profonde. »

 

En fait, il n’y avait pas de « confusion », mais une clarté et une cohérence totales et complètes. Pour être vraiment significatives, les valeurs des droits de l’homme ne peuvent pas être segmentées et isolées les unes des autres.

 

Pourtant, ce qui a alarmé les soi-disant libéraux, c’est la croissance intellectuelle et la conscience du mouvement des droits civiques de l’époque. Ce mouvement a suffisamment mûri pour pousser à une plus grande intégration entre toutes les luttes.

 

Un King plus vif et plus responsable, âgé seulement de 38 ans à l’époque, semblait avoir pleinement compris le lien entre l’oppression des pauvres Noirs américains à domicile et l’oppression des paysans pauvres vietnamiens à l’étranger. Ils étaient tous victimes de ce qu’il a surnommé les « triplés géants du racisme, du matérialisme extrême et du militarisme ».

 

À ce moment-là, King était parvenu à une idée révolutionnaire et terrifiante qui a peut-être contribué à son assassinat un an plus tard. Car beaucoup de ses alliés en dehors des communautés noires ont alors commencé à le renier.

 

Mais ce passage en particulier m’a fait réfléchir, alors que je pensais au sort de millions de réfugiés et de migrants pauvres contraints de quitter leur foyer en Afrique et au Moyen-Orient, poussés par les guerres, la corruption et l’extrême pauvreté. « Une véritable révolution des valeurs nous conduira bientôt à remettre en question l’équité et la justice de bon nombre de nos politiques passées et présentes », a-t-il déclaré. « D’une part, nous sommes appelés à jouer le bon Samaritain sur le bord de la route, mais ce ne serait que l’acte d’ouverture. Tôt ou tard nous devrons réaliser que c’est la route de Jéricho qui doit être changée pour que les hommes et les femmes ne soient plus constamment battus et dépouillés de leurs biens en marchant sur le grand chemin de la vie. »

 

La métaphore de la route — le salut, la liberté, la sécurité — était particulièrement émotive et prémonitoire.

 

Si le Dr King était vivant, il aurait certainement placé les réfugiés comme une priorité absolue dans sa « révolution des valeurs ».

 

L’Afrique, en particulier, est volée. Des dizaines de milliards de dollars sont détournés du continent, tandis que des hommes et des femmes noirs sont vendus comme esclaves, en Libye et ailleurs.

 

La Libye a été anéantie par la guerre de l’OTAN qui a laissé le pays sans gouvernement. La guerre contre la Libye a acheminé d’immenses quantités d’armes vers les pays africains voisins, conduisant à de nouvelles guerres ou à la résurgence d’anciens conflits.

 

Selon les Nations Unies, il y a près de 700 000 réfugiés africains en Libye qui espèrent atteindre l’Europe. Une Europe qui, après avoir alimenté le conflit, n’a pris aucune responsabilité dans cette crise.

 

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a rapporté que 2 550 réfugiés et migrants sont morts en essayant de traverser la côte libyenne en direction de l’Europe au cours des neuf premiers mois de 2017. Une personne sur 50 meurt sur cette tragique « route de Jéricho ».

 

Ils le font tout en connaissant les risques. Mais rester en Libye ou rentrer chez eux pourrait signifier un destin bien pire.

 

Alors que les journaux parlent de « marchés d’esclaves » en Libye, en Israël, le ministère de l’Immigration offre aux civils des emplois lucratifs pour « localiser, détenir et surveiller » les réfugiés africains qui sont tous chassés du pays et jetés dans d’autres régions périlleuses.

 

Aux États-Unis, le gouvernement et les médias exploitent de façon sélective l’héritage du Dr King, mais ils se comportent de manière totalement contraire aux vraies valeurs de cet homme noble.

 

L’armée américaine étend ses opérations en Afrique plus rapidement que dans toute autre partie du monde. Cela signifie plus d’armes, plus d’instabilité politique, des coups d’État, des guerres et finalement des millions d’hommes, de femmes et d’enfants pauvres forcés de fuir, souvent à leur propre perte.

 

L’héritage du Dr King, tel qu’il est présenté dans les médias mainstream, est devenu un outil permettant de disculper un système raciste, militariste et matérialiste, bien que King lui-même défendait l’exact opposé.

 

« Commençons maintenant », concluait-il dans son discours antiguerre. « Réaffirmons-nous maintenant à travers la longue et amère, et néanmoins belle, lutte pour un nouveau monde. »

 

Cinquante ans après son assassinat, il est peut-être temps d’écouter vraiment.

 

Source originale: Dissident Voices

Traduit de l’anglais par Investig’Action

Source: Investig’Action

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