Trump et l’Amérique Latine

L’Amérique latine continuera d’être au cœur de l’ordre du jour (officiel ou non officiel) de ce pays du Nord avec le Mexique et Cuba comme objectifs immédiats. Pendant les jours qui ont précédé l’investiture de Trump, le bruit a couru qu’il avait rencontré « des experts de l’Amérique latine » et qu’à cette occasion, on a parlé de l’Amérique centrale et du Venezuela. Des experts de l’Amérique latine ou des chefs d’entreprises opportunistes ?

Avant d’approfondir sur le contenu de la réunion, il faudrait faire un commentaire sur les « experts » qui ont parlé avec Trump et qui, plus que « des experts de l’Amérique latine » sont des chefs d’entreprises qui se distinguent par leur pragmatisme et ont un parcours dont la légitimité et la légalité sont douteuses.

Parmi eux se trouve Julio Lagorría, ambassadeur du Guatemala aux États-Unis. C’est un chef d’entreprise qui se consacre au conseil politique grâce à son entreprise « Interimage Latinoamérica » et il est connu pour avoir été impliqué dans une escroquerie envers l’État guatémaltèque avec le groupe d’entreprises Magdalena de la famille Leal Pivaral. Il s’est distingué ces dernières années pour son lobbying en faveur de l’Alliance pour la Prospérité au Congrès états-unien, une alliance signée par les pays du Triangle Nord de l’Amérique centrale pour le « développement » et la sécurité organisée et supervisée par les États-Unis. Lagorría est membre de l’Inter American Dialogue, un think tank qui s’est distingué par son prêche et son action contre les gouvernements progressistes d’Amérique latine, en particulier celui du Venezuela. Cet organisme n’a pas soutenu la candidature de Trump mais maintenant qu’il est président, nous voyons que ses membres n’ont pas trop de problèmes pour négocier avec lui.

L’autre « expert » est Freddy Balsera, un Cubano-États-unien, consultant démocrate qui a conseillé Obama dans les affaires hispaniques mais qui, en même temps, a travaillé au niveau patronal avec Trump. Pendant les dernières élections, Balsera a été membre d’un comité d’action politique (Correct the Record) destiné à réunir des fonds pour Hillary Clinton et il a même été orateur suppléant lors de cette campagne. Mais son « double jeu » était si évident que des membres du parti démocrate à Miami ont demandé à Hillary qu’elle punisse Balsera pour avoir soutenu un congressiste républicain, Carlos Curbelo, qui travaillait avec Trump, en plus d’avoir travaillé lui-même pour Trump dans le passé.

 

Vingt minutes de réunion sur l’Amérique latine

 

Il est important de signaler que la réunion avec Trump a duré seulement vingt minutes. Même pas une demi-heure pour l’Amérique latine. La seule chose qui a été publiée à ce sujet est qu’apparemment Trump serait préoccupé par les migrations en Amérique centrale, un sujet que l’administration Obama a considéré comme des « problèmes de sécurité nationale » : il a battu le record du nombre de déportations de migrants illégaux et prorogé le décret qui qualifie le Venezuela de « menace pour la sécurité des États-Unis. » Dans cette perspective, les menaces de Trump se comprennent comme l’approfondissement de ce que son prédécesseur a commencé.

 

Ce dont il semble qu’on n’a pas parlé mais qui préoccupe Trump

 

Il semblerait qu’on n’ait pas parlé du Mexique, un pays qui a été « au bord du chaos » après le triomphe de Trump, pris entre la dévaluation du peso mexicain, l’inflation et les manifestations concernant les problèmes du gaz. En effet, le Président Peña Nieto a fait des changements dans son équipe de gouvernement : il a nommé l’ex-ministre des Finances Videgaray (qui a organisé une réunion avec Trump en pleine campagne électorale) ministre des Affaires étrangères et a pris Gerónimo Gutiérrez Fernández, un fonctionnaire de la Banque de Développement d’Amérique du Nord dans le cadre du Traité de Libre Commerce avec l’Amérique du Nord (TLCAN) pour « livrer bataille » face aux éventuelles mesures protectionnistes de Trump.

En connaissant le passé des gouvernements du Parti de la Révolution Institutionnelle (PRI, actuellement au gouvernement) et du parti Action Nationale (successeur éventuel), nous savons que la « bataille » consistera à négocier pour diminuer leur impact sur les chefs d’entreprises (la majorité des Mexicains étant hors de l’ordre du jour depuis des décennies). Pendant ce temps, la revue Forbes titre que l’une des filiales de l’entreprise états-unienne General Motors défie Trump au Mexique : « la direction General Motors a écarté le fait de transférer sa production de petites voitures du Mexique aux États-Unis ». Elle avertit, en outre, qu’il « est trop tôt pour spéculer sur l’impact potentiel de l’éventuel impôt frontalier mentionné par Trump. Disons qu’entre ce qu’a dit Trump et ce qu’il fera il y a un monde, et pas seulement avec le gouvernement mexicain (c’est le moins) mais aussi avec les transnationales états-uniennes.

L’autre pays en question est Cuba. Seulement quelques jours avant la fin de son mandat, Obama a abrogé la loi des « pieds secs-pieds mouillés », retirant les privilèges accordés aux Cubains qui arrivaient aux États-Unis, qui seront à présent traités comme le reste des migrants. Ainsi, il réalise l’une des demandes du gouvernement cubain et cela dans le cadre de la menace de Trump de revenir sur les avancées du rapprochement avec Cuba.

Pendant la campagne, Trump a averti qu’il n’admettrait pas « de violations des droits de l’homme » sur l’île. Cependant, il reste un doute si on considère que Trump est avant tout et surtout un chef d’entreprise. Et un chef d’entreprise qui se consacre en particulier au secteur du tourisme, l’un des secteurs qui font le plus pression pour que les relations avec Cuba soient rétablies.

Voici donc les préoccupations de Trump concernant l’Amérique latine. Pour l’heure, tout semble indiquer que son attention est principalement dirigée vers « le nouvel orient géopolitique ». La Russie et la Chine, chacune à sa manière, occupent la plus grande partie de l’ordre du jour extérieur de l’administration Trump.

Cependant, l’Amérique latine continuera – comme cela a toujours été le cas depuis la doctrine Monroe – à être au cœur de l’ordre du jour (officiel ou non officiel) de ce pays du Nord, avec le Mexique et Cuba comme objectifs immédiats. Reste à voir si Trump continuera la stratégie d’Obama de coups d’État « doux » (Honduras, Paraguay et Brésil) ou s’il penchera (ce serait un événement historique) pour respecter la souveraineté de la région.

 

Traduit de l’espagnol par Françoise Lopez pour Bolivar Infos. Relecture par Investig’Action

Source: Celarg

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