Les enjeux du référendum sur la Constitution italienne

Investig’Action : Il y a une semaine, Matteo Renzi, ex-premier ministre d’Italie, a annoncé ses démissions suite à la débâcle dans le référendum italien. Plus du 60% de la population italienne (avec une affluence record de 68%) a rejeté la proposition de Renzi de changer la Constitution, une des plus progressistes d’Europe et du monde entier, fruit de la résistance anti-fasciste italienne. C’est refus populaire clair et net de la dérive ultra-libérale et réactionnaire qu’a pris le gouvernement social-démocrate du Parti Démocratique, en ligne avec les diktats européens. Un vote qui suit le NON au référendum grec de 2015 et le Brexit. Les forces progressistes et de la gauche radicale doivent maintenant se mettre au travail afin de ne pas laisser cet espace de contestation populaire extrêmement hétérogène dans les mains de la droite populiste. Pour la vrai gauche il est de capitale importance saisir le moment pour mettre en avant un discours de classe cohérent qui se démarque de celui des groupes de la droite populiste et de reprendre sa place aux côtés des intérêts populaires des classes subalternes. 

(Le texte qui suit a été écrit avant le référendum afin d’expliquer les enjeux principaux de ceci)

Le 4 décembre les Italiens, y compris ceux résidents à l’étranger, sont appelés aux urnes pour un référendum. Il s’agit de confirmer, ou pas, une réforme de la Constitution proposée par le premier ministre social-démocrate Matteo Renzi. Une large coalition demande aux Italiens de voter non à la réforme. La coalition du « non » craint que la réforme concentre les pouvoir entre les mains du gouvernement. La réforme servirait surtout pour faciliter l’imposition des diktats européens.

Une réforme antidémocratique

Selon Renzi, sa réforme devrait simplifier la décision politique en éliminant l’égalité entre les deux chambres du Parlement – le Sénat d’une part et la Chambre des députés d’autre part. Le Sénat aura moins de compétences et ne sera plus élu directement. Le gouvernement affirme ainsi pouvoir économiser 50 millions d’euros.

Il y a de nombreux doutes sur ces affirmations. Ainsi, beaucoup d’experts s’accordent pour dire que si simplifier la décision politique était le moteur de la réforme, le Sénat aurait été tout simplement aboli, en permettant une économie de 540 millions d’euros et en évitant toute dispute entre les deux Chambres du Parlement.

Les opposants de la réforme pointent alors du doigt que les véritables raisons derrière la réforme pourraient se trouver ailleurs. Plutôt que d’une simplification administrative, il s’agirait d’une concentration des pouvoirs aux mains du gouvernement.

Ainsi, aujourd’hui la loi permet à 50.000 citoyens de proposer une loi au parlement. Renzi veut tripler le nombre de citoyens nécessaires, le portant à 150.000. Les opposants des réformes de Renzi font aussi le lien entre la réforme constitutionnelle et la nouvelle loi électorale. Cette nouvelle loi électorale, que Renzi a développée avec Berlusconi, donne un bonus au plus grand parti. Elle permettrait, dans certains cas, même d’obtenir la majorité des sièges à la Chambre avec uniquement 24 % des voix. Cette majorité donnerait alors à un seul parti le contrôle du parlement, et le pouvoir d’élire les présidents de la République et de la Cour constitutionnelle. Enfin, les italiens résidents à l’étranger verraient réduits remarquablement leurs droits électoraux.

Un vieil espoir de la droite

Cette concentration du pouvoir entre les mains du gouvernement est un vieil espoir de la droite italienne. Cela fait au moins une vingtaine d’années que les hautes sphères de la politique italienne veulent réformer la Constitution italienne. Cette Constitution, née après la deuxième guerre mondiale, comporte de nombreux aspects progressistes grâce à l’influence de la résistance anti-fasciste.

L’ex premier ministre italien Silvio Berlusconi essaya déjà une modification en 2006. Elle fut empêchée par la population à travers d’un référendum. Le gouvernement social-démocrate de Matteo Renzi et son Parti démocratique a maintenant remis sur la table une réforme très semblable à celle de Berlusconi. Certains partisans du « Oui » utilisent même cette similitude pour convaincre l’électorat de droite. La proposition est aussi soutenue par les associations des employeurs, comme la Confindustria, des grandes banques d’affaires, la chancellière allemande Angela Merkel et même l’ambassadeur américain à Rome. L’Union européenne espère qu’elle permettra de faire passer plus facilement des réformes antisociales.

Deux blocs opposés

La réforme de Renzi a été approuvée par une large majorité au parlement, où le débat avec l’opposition a été réduit au minimum. Afin d’éviter toute contestation au sein du Parlement, le Parti démocratique de Renzi a même changé la composition d’une commission parlementaire pour garantir que la réforme soit approuvée rapidement.

Face à eux se lève une large coalition pour le « Non ». En font partie les syndicats de gauche comme la CGIL, les syndicats de base, et des partis à la gauche de la sociale-démocratie comme Rifondazione comunista, Sinistra italiana ou le nouveau parti communiste italien. Le mouvement contestataire des Cinq Etoiles et une partie des démocrates chrétiens de gauche appellent également à voter non. Les partisans du Non mènent leur campagne aussi dans d’autres pays européens. En effet, même les Italiens habitant à l’étranger inscrits à l’Association des Italiens résidents à l’étranger (AIRE) pourront voter par la poste à travers du matériel reçu pendant les deux premières semaines de novembre.

Cette grande coalition espère maintenant pouvoir dérouter la réforme. L’Union européenne de son côté s’inquiète qu’une victoire du « Non » au référendum pourrait signifier la fin du règne de Renzi et porter au pouvoir une coalition plus critique face à l’Union européenne.

Source : Solidaire

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