Le FN et la grève : la haine de classe sous le vernis social

En faisant grève, le monde ouvrier se bat pour la défense des droits de tous les salariés. Il utilise le seul moyen légal dont il dispose pour combattre un projet imposé par le dogmatisme libéral de l’Union européenne. Face à cette crise, que fait le Front national ? Il salue le courage de ces compatriotes attachés à un modèle social conquis de haute lutte ? Il soutient le combat difficile de ces ouvriers et de ces employés appauvris par la crise et menacés dans leur emploi ? Il affirme une solidarité sans faille avec des Français qui défendent leurs intérêts contre le rouleau compresseur de la mondialisation capitaliste ?


 

Non, le FN fait chorus avec les chiens de garde de la presse bourgeoise. Il dénonce la CGT. Il réclame qu’on rétablisse l’ordre. « Certains représentants syndicalistes, qui ne représentent qu’eux-mêmes et qui sont toujours aux abonnés absents quand il s’agit de combattre les vrais problèmes portent une lourde responsabilité dans le chaos que connaît aujourd’hui le pays », écrit Marine Le Pen. Et Marion Maréchal-Le Pen en rajoute : « Ces syndicalistes, ultimes adeptes d’une lutte des classes périmée, n’ont aucun scrupule à infliger à leurs concitoyens des difficultés supplémentaires dans leur quotidien. » (pages fb officielles).

Sans vergogne, le FN exige à la fois le retrait du projet gouvernemental et la répression contre ceux qui le combattent. « Que Manuel Valls cesse d’avoir la main qui tremble et assume son autorité en faisant cesser cette stratégie du chaos alors que nous vivons sous état d’urgence », exige Marion Maréchal-Le Pen. Ce parti prétend protéger le peuple français de la jungle libérale ; il se veut la seule alternative au système oligarchique ; il se rêve en ultime recours contre la décadence de la nation. Mais à la première escarmouche avec l’oligarchie financière, le FN détale comme un lapin. Héroïque en paroles contre les diktats de l’Europe libérale, il prend la poudre d’escampette dès il s’agit de passer aux actes.

Ainsi prône-t-il la restauration de la souveraineté nationale, mais il la range au vestiaire lorsque Bruxelles veut liquider le modèle social français. Quand les conquêtes historiques du salariat français sont menacées par la finance, le FN jette le masque et se range du côté du manche. Lorsque les droits des travailleurs sont en cause, il se précipite de l’autre côté de la barricade. Comme si l’abandon des prérogatives nationales était condamnable en matière monétaire et acceptable en matière sociale, le FN joue de l’accordéon. Il fustige le libre-échangisme mondial côté cour, et il crache sur les travailleurs qui le combattent côté jardin. Il est contre l’alignement de la France sur les standards libéraux de l’UE, mais il couvre d’insultes ceux qui s’y opposent en faisant grève.

Au fond, la crise actuelle agit sur le FN comme un révélateur chimique. Elle fait craquer le vernis social d’un parti dont la ligne « anti-système » n’est que poudre aux yeux. En décrétant l’urgence sociale, la grève ouvrière réactive son fonds de commerce réactionnaire. L’inspiration sociale que Florian Philippot prétend incarner ne pèse pas lourd lorsque les vieux réflexes de classe prennent le dessus. Sous l’effet de la mobilisation populaire, l’écran de fumée de la rhétorique frontiste se dissipe. Projetée par les événements au cœur du débat, la question sociale provoque le réalignement du parti sur son ADN.

Grâce aux travailleurs en lutte, le voilà donc dénudé, le roitelet lepéniste : il nous montre ce qu’il a dans le ventre, exhalant mépris de classe et anticommunisme de bas étage. Loin d’être surannée, la lutte des classes est un fil à plomb redoutable. Le conflit en cours rappelle à ceux qui l’auraient oublié ce qu’enseigne l’expérience historique : une barricade n’a que deux côtés, et l’extrême-droite n’a jamais été du côté des travailleurs. Dès demain, elle enfourchera à nouveau son cheval de bataille identitaire à seule fin de les diviser, avec la complicité d’un parti socialiste qui s’est vendu au plus offrant.

 

Normalien, énarque, Bruno Guigue est aujourd’hui professeur de philosophie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Aux origines du conflit israélo-arabe, l’invisible remords de l’Occident (L’Harmattan, 2002).

 

Source: Arrêt sur Info

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