Venezuela : l’échec de Washington à Cancun

L’assemblée générale de l’Organisation des États américains, OEA, s’est tenue cette année du 19 au 21 juin dernier à Cancun, au Mexique. Au cours de cette réunion, les États-Unis ainsi que d’autres pays aux gouvernements néolibéraux ont signé une résolution dont le point central exigeait que la République bolivarienne du Venezuela reconsidère sa décision de convoquer une Assemblée constituante. Cette proposition n’a pas reçu les 23 votes nécessaires à son adoption et a provoqué un sentiment de frustration parmi les chanceliers en faveur de l’ingérence, exprimée notamment par le nouveau ministre des Affaires étrangères argentin, Jorge Faurie, qui s’est dit déçu de ce résultat.

 

L’échec yankee à l’OEA

 

Cette réunion avait lieu à la suite d’une série de déclarations et de sanctions venant de fonctionnaires des USA à l’encontre du Venezuela. Luis Almagro, le secrétaire général de l’OEA, a été assez peu suivi dans sa volonté d’accélérer l’implantation de la Charte démocratique et d’autres mesures au Venezuela qui avaient pour objectif d’isoler la nation bolivarienne.

Le blocus financier et la guerre économique font partie de ce processus d’épuisement de la population native, et sont utilisés pour alimenter l’argument selon lequel le pays est en proie à une crise humanitaire. Les médias sont venus compléter le tableau grâce à un assaut sur l’information, en menant une campagne de propagande assez violente contre le Venezuela.

Mais malgré la fabrication de ce climat, malgré les intenses manœuvres du gouvernement de Donald Trump pour obtenir les soutiens nécessaires au sein de l’organisme coordonné par l’Uruguayen Luis Almagro ; malgré les menaces à peines voilées que constituaient les exercices militaires (Tradewinds) dirigés par le SOUTHCOM (commandement Sud des États-Unis) jusqu’au 17 juin au large des États insulaires des Caraïbes, ceux-ci se sont retournés contre eux et se sont avérés être le principal obstacle à l’intérieur de l’OEA pour que ces résolutions hostiles soient appliquées. Les velléités interventionnistes n’ont pas obtenu la vague de légitimité espérée au sein de l’organisme américain.

Les États-Unis n’ont pas rempli les objectifs qu’ils s’étaient fixés, puisqu’ils étaient les principaux intéressés par la chute de Nicolás Maduro, leur obsession étant de contrôler les immenses réserves de pétrole souterraines qui se trouvent au Venezuela. Ils souhaitaient également se débarrasser de ce “mauvais exemple” d’un pays souverain qui mobilise ses ressources selon ses propres besoins et priorités et qui ne veille pas aux intérêts des firmes étasuniennes.

D’autre part, ce projet d’ingérence avorté traduit l’échec cuisant de Luis Almagro. Le secrétaire général de L’OEA avait en effet quasiment réduit son administration à la seule question de l’application de la Charte démocratique au Venezuela, ou, à défaut, à obtenir des résolutions qui puissent mettre en difficulté la gestion du président Nicolás Maduro.

 

La “patota” (bande de voyous)

 

Le rôle d’Almagro est si honteusement partial qu’on aurait pu croire, par ses actions et ses déclarations, qu’il était le principal dirigeant de la Mesa de la Unidad Democrática, MUD [Table de l’unité démocratique, NdT], l’alliance des partis s’opposant au gouvernement bolivarien.

À tel point qu’au cours de cette 47ème Assemblée générale de l’OEA, des députés de la MUD, parmi lesquels Luis Florido et William Dávila, ont pu pénétrer à l’intérieur même de la salle où se tenaient les débats pour perturber la séance en criant et en accusant le président Maduro d’assassinat ; Gustavo Tovar Arroyo, un “patoto” (voyou, ndlr) vénézuélien a même réussi à agresser verbalement le nouveau ministre des Affaires étrangères, Samuel Moncada. Cette atmosphère hostile envers le Venezuela n’a pas réussi à intimider le pays, il en est ressorti non seulement victorieux, mais renforcé.

La responsabilité du pays hôte, le Mexique, face à sa permissivité grâce à laquelle les opposants vénézuéliens ont pu proférer des insultes à l’encontre de Moncada, est encore plus scandaleuse au regard du traitement réservé aux familles des 43 étudiants disparus depuis trois ans qui, eux, n’ont pas pu s’approcher à moins d’un kilomètre de l’enceinte où se déroulaient les séances. C’est à dire que le président mexicain Peña Nieto s’est d’un côté bien occupé des activistes qui manifestent pour la vie d’étudiants disparus, tout en étant complice de la stratégie de harcèlement contre la délégation vénézuélienne, facilitant l’entrée des anti-chavistes au sein des installations où s’étaient réunis les diplomates vénézuéliens.

Après avoir dû décliner le projet de résolution qui indiquait au Venezuela ce qu’il devait faire et ne pas faire pour sa politique intérieure, les USA, le Mexique et d’autres délégations ont proposé comme ultime recours la création d’un “groupe de contact pour soi-disant réduire les tensions entre le gouvernement de Maduro et l’opposition.

Face à la perspective de ne pouvoir obtenir aucun résolution contre le Venezuela, le sous-secrétaire étasunien John Sullivan a cherché à faire pression sur ses homologues latino-américains en exprimant son inquiétude quant à l’avenir de l’OEA dans le cas où cette proposition ne connaîtrait pas les avancées escomptées. Mais cette initiative minoritaire n’a elle non plus pas recueilli le soutien requis par l’OEA. Washington est donc reparti les mains vides, malgré le fait que Luis Almagro, dont la posture l’apparente non seulement au chef de la MUD mais à un porte-parole officieux du gouvernement Trump, ait annoncé que la guerre n’était pas terminée et que la question du Venezuela reviendrait sur la table dans un futur proche.

 

Ministère des colonies

 

On ne se souvient pas d’un autre événement au cours duquel le gouvernement des États-Unis a été autant repoussé dans ses intentions et aussi sévèrement critiqué au sein d’un organisme comme l’OEA, qui fut créé pour faire office de “ministère des colonies”, selon l’expression du commandant Fidel Castro.

C’est la même OEA qui est restée muette après les innombrables coups d’État en Amérique latine, qui a fait comme si de rien n’était lorsque des mercenaires soutenus par les USA ont débarqué à Playa Girón, qui a ignoré le plan Condor et ses milliers de victimes et qui a détourné les yeux lorsque les Contras et autres para-militaires entraînés par les USA ont égorgé, brûlé et violé des habitants sans défense en Amérique centrale dans les années 80.

Cette OEA qui a gardé le silence en 2002 lorsque le président Hugo Chávez a subi un coup d’État, souhaite aujourd’hui nous faire croire qu’elle est inquiète pour la situation démocratique du Venezuela. Cette fois elle n’y parvient pas, elle n’a pas pu remplir son rôle originel comme elle le faisait autrefois quand tous ses membres, ou la majorité d’entre eux, se pliaient aux exigences du colosse du nord.

 

Les rues de Caracas

 

Le ministre des Affaires étrangères mexicain, Luis Videgaray se demandait qui était perdant à la suite de l’échec des résolutions proposées et encouragées par le pays hôte, les USA et les gouvernements de la droite régionale présents à Cancún. Il a répondu que c’était les personnes qui se trouvaient dans les rues de Caracas qui étaient perdantes.

Ici à Caracas, où j’écris ces lignes, les personnes qui sont dans la rue sont celles qui travaillent, qui vivent et qui rêvent d’un pays libre des foyers de violence des “encagoulés” dont beaucoup sont rémunérés pour vandaliser et qui prétendent imposer un agenda politique qui n’a rien de commun avec les procédés démocratiques.

Ces groupuscules extrémistes adoubés par les médias et par les gouvernements opposés à celui de Caracas, sont présentés comme étant représentatifs de tout le peuple vénézuélien. La réalité ne pourrait pas être plus erronée, les foules qui bloquent les quelques rues au moyen de barricades dans des quartiers où le niveau de vie est aisé, qui agressent des personnes et s’attaquent à des biens publics et privés, ne représentent pas la majorité des gens. Cette dernière tente de poursuivre une vie normale et se détourne des acteurs violents encouragés par la MUD, d’Almagro, de Washington et des gouvernements néolibéraux de la région.

 

La dictature 

 

Le néolibéralisme qui dirige le monde, dans son style cynique de manipulation du discours et de construction de scènes montées de toutes pièces, cherche à fabriquer un consensus selon lequel le Venezuela souffrirait de la dictature ; mais la réalité est que cette accusation sert à occulter le fait qu’il s’agit d’un des rares pays souverains de la région, qui ne place pas la marchandise au centre de son économie et de sa culture.

L’autre raison majeure de cette attaque radicale est que le gouvernement chaviste de Maduro se sert de la rente pétrolière pour s’occuper des besoins de son peuple au lieu de favoriser les affaires des firmes pétrolières étasuniennes. En bref, ce pays défie l’ordre hégémonique mondial qui n’accepte pas les déviances et c’est un comble que cette dictature de marché accuse le Venezuela d’être une dictature.

 

Toujours plus de revers et d’interrogations

 

Le résultat de cette 47ème assemblée de l’OEA, c’est que le front d’opposition de la MUD semble embourbé dans son agenda de violence, mais sans avoir obtenu le soutien international qu’il espérait. Il se retrouve face au dilemme de perdre peu à peu ses soutiens et sa légitimité ou de participer au programme électoral prévu pour cette année au Venezuela. C’est-à-dire les élections pour l’Assemblée constituante le 30 juillet et les élections régionales début décembre. En faisant ce dernier choix, il irait à l’encontre de son discours selon lequel le Venezuela subirait la dictature, et il perdrait ses soutiens venus de l’extrême droite, mais s’il n’optait pas pour cette solution il perdrait sa présence territoriale et politique.

Suite aux limites imposées par l’OEA, l’ambassadrice de la nation nord-américaine à l’ONU, Nikki Haley, a réclamé des actions de la communauté internationale contre le Venezuela, abordant le thème lors du plus important forum international. Mais la réponse à tous ces efforts étasuniens a été la rédaction d’un communiqué signé par 57 pays en soutien au Venezuela et contre l’ingérence dans ses affaires intérieures.

Face aux échecs de leurs ambitions impérialistes, les États-Unis semblent tentés, encouragés par leurs propres extrémistes tels que le sénateur Marco Rubio ou la députée Ileana Ros-Lehtinen, d’adopter des sanctions encore plus dures contre le Venezuela, ce qui accentuerait l’idée que Washington livre une guerre contre le monde entier, en vue de récupérer une hégémonie qui leur glisse entre les doigts.

 

Traduit de l’espagnol par Rémi Gromelle pour Le Journal de Notre Amérique

Source : Le Journal de Notre Amérique : Socialisme du XXIème siècle ou barbarie !

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