Les médias pourraient-ils faire preuve d’un peu d’imagination ? Les formules « bateau » encombrent les discours depuis des années et il suffit d’entendre le ton utilisé par un journaliste pour deviner à quelle chaîne il appartient.
Une rumeur « se répand comme une traînée de poudre », les usagers d’un service sont « pris en otages », le pouvoir d’achat « se réduit comme peau de chagrin » quand « les prix explosent », …les auditeurs pourraient compléter eux-mêmes les phrases.
Quant à « rendre un dernier hommage » à un disparu, cela fait des années que la formule m’étonne. Pourquoi « dernier » ? N’est-il pas possible, des années après la disparition d’une personne, de lui rendre hommage encore ? Pourquoi ce « dernier » hommage doit-il être imposé à un moment précis ?
Dès que quelqu’un connaît un ennui, il se retrouve « dans la tourmente », les éléments se déchaînent contre lui, il est balayé comme un « fétu de paille ». Si la tourmente ne suffit pas, une « levée de boucliers » se manifeste ensuite contre lui. A moins qu’il ne monte « au créneau » pour se défendre. Mais ce sera assurément « la croix et la bannière » et le « parcours du combattant ».
Voulons-nous vivre sur cette terre ? Quel monde guerrier ! Poudre, otages, explosion, tourmente, boucliers, créneau, bannière et combattant, qui dit mieux ? Notre société est-elle destinée à s’entretuer ? Sommes-nous condamnés à nous battre jusqu’à la mort ?
A grande échelle, la « tourmente » devient d’ailleurs « apocalypse » et nos chaînes télévisées s’empressent de nous offrir des « images insoutenables ». S’il faut certes être informé, il n’est peut-être pas indispensable de se repaître sans fin des malheurs des autres. Remarquons qu’un malheur en chasse un autre, le plus récent et le plus spectaculaire prend la vedette, celui de peuples opprimés depuis des années n’intéresse que quand il concerne des enjeux politiques.
Tout le monde est « on », même lorsqu’une personne parle d’elle-même. « Ce qu’on a vécu dans l’enfance explique ce qu’on est devenu » confesse l’auteur d’un roman à succès. « Quand on a connu la guerre, on ne peut que souhaiter vivre en paix », proclame un autre. La langue est devenue pauvre, les banalisations se multiplient en tous genres et à tout propos.
Une question : la richesse de la langue pourrait-elle enrichir la pensée ? Voilà de quoi philosopher pendant la journée …
Source : Investig’Action