« Chez nous, c’est chez vous »

Le massacre sur la Rambla ne fera pas oublier aux Barcelonais leur formidable élan de solidarité envers les refugiés d’Afrique et du Moyen Orient : cette année, plus de 200 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Barcelone pour exiger l’ouverture des frontières aux sans papiers : « Bienvenue aux réfugiés, criaient les manifestants, chez nous, c’est chez vous

 

Daech a frappé à Cambrils et Barcelone.

Contre les fous de tous bords qui veulent nous replonger dans la barbarie, oui l’Espoir ! Contre les fascistes de l’« Etat Islamique » et aussi contre nos gouvernants et cet autre fou des USA qui est pourtant le grand gendarme du monde, l’Espoir !  Guerre de civilisation ?  Haine contre islamophobie, Orient contre Occident ?

Non, nous ne les laisserons pas nous imposer cette guerre-là. Non ! No pasaran ! Je voudrais préciser que l’Espagne que nous pleurons aujourd’hui, ce n’est pas un pays, encore moins un état. C’est l’Espoir chanté par Léo Ferré, l’espoir de justice sociale, de beauté et de liberté.  Les sombres nihilistes de l’« Etat Islamique » ne veulent surtout pas que cet espoir se renforce et que des ponts d’humanité et de solidarité se construisent entre les deux berges de la Méditerranée.

Mon père avait combattu les armes à la main en Espagne. Nous sommes dans le Sud nombreux à être des enfants d’exilés. En 1937, alors qu’il avait vingt ans, il avait écrit ces phrases fortes et claires dans le journal «  Fraga Social » :

« (…) Ne voyez-vous pas que la guerre qui s’est engagée en Espagne est une guerre entre le fascisme et ceux qui ont toujours vécu dans l’opulence à nos dépens, contre le prolétariat qui produit toute la richesse et vit pourtant dans l’indigence ? (…)

Soyons lucides une fois pour toutes ! Détournons nous de toutes les rancœurs qui pourraient nous désunir et recherchons ensemble le moyen le plus adéquat et le plus sensé pour que, rassemblés dans un seul bloc,  nous exterminions l’ennemi commun de tous les prolétaires, qui n’est autre que le fascisme international représenté par Hitler et son complice Mussolini, secondés par le criminel et imposteur Franco et son armée de traîtres et d’assassins (…) » 

  Eugenio Perez Castano. Délégué de la compagnie de mitrailleuses du premier bataillon de la 46ème Brigade Mixte, et ouvrier maçon.

 

Pourquoi ce détour par ce passé lointain ? Parce que nous sommes au temps du règne des médias, du zapping, et des Smartphones. La vie n’est plus qu’une succession de moments se chassant les uns les autres. Il n’y a plus de mémoire collective. Or il nous faut revenir à cette mémoire historique. Car l’émotion ne doit pas être détournée par les professionnels de la manipulation.

On va sans doute assister à une avalanche de condoléances hypocrites venant de tous les chefs de gouvernements, Rajoy, Macron, Trump, Netanyahu… Eux aussi veulent alimenter le feu des haines et de la guerre.

Pour ne pas se laisser aveugler, il faut tenter de comprendre les liens entre le présent et le passé. L’histoire est un processus. Sans conscience du chemin qui nous relie au passé, les drames et les erreurs ont toutes les chances de se reproduire. On dit que « l’histoire bégaie ».

Nous sommes des militants de la paix. Mais nous ne sommes pas des rêveurs, plutôt des « combattants de la paix »  car il nous faut lutter contre les forces qui nourrissent  la haine, les violences et l’injustice du monde.  La question religieuse n’est pas la contradiction principale. Le temps des croisades est révolu. Il faut bien sûr combattre les préjugés mais la contradiction fondamentale est ailleurs. C’est celle qui oppose la grande masse des couches populaires aux puissances de l’argent.  Capital recherchant le profit maximum contre aspiration au bien-être des peuples. 

C’est une lutte de classes, l’exploitation de l’homme par l’homme, le talon de fer du néo colonialisme mondialisé. En dernier ressort, la cause de tous les maux, c’est la violence institutionnalisée de ceux qui sont les maîtres et les gendarmes du monde. Dans cette lutte des classes, nous sommes le camp de la paix et de la justice sociale. Nous devrons nous unir avec l’immense majorité des populations, par-delà les tracés des frontières, les religions ou nos couleurs de peau.

En Espagne, depuis les « printemps arabes » et la crise financière, l’unité du peuple se redessine sous des formes nouvelles, mais autour de cette même ligne de classe. Avec le mouvement des Indignés, une vague d’Espoir avait envahi rues et places occupées des villes espagnoles. La vérité sur le passé du fascisme  a commencé à se faire, enfin.  A Barcelone,  l’Estaca, le chant de liberté des Catalans, est aussi chanté en arabe.  Après des années de compromis et de corruption de la fausse gauche, le mouvement des Indignés a ouvert la voie à de grandes marches syndicalistes, celle des mineurs, celle des paysans sans terre d’Andalousie, aux marées sociales des travailleurs et usagers de la santé, à un syndicalisme de lutte des classes et à de multiples luttes et occupations autogérées.

Le massacre sur la Rambla ne fera pas oublier aux Barcelonais leur formidable élan de solidarité envers les refugiés d’Afrique et du Moyen Orient : cette année, plus de 200 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Barcelone pour exiger l’ouverture des frontières aux sans papiers : « Bienvenue aux réfugiés, criaient les manifestants, chez nous, c’est chez vous. »

Les assassins fanatisés de Daesh ne nous feront pas oublier non plus tous ces collectifs de base où les victimes de la crise financière, « los afectados », les « sans travail », « sans logis » et « sans droits », ont fraternisé par delà leurs différences de couleur de peau ou de religion.

Aujourd’hui en Espagne, face à la « crise », hommes et femmes, avec ou sans religion, chrétiens ou musulmans, tous apprennent à lutter ensemble.

 

José Pérez est co-auteur d’une brochure sur les mouvements sociaux et l’histoire du syndicalisme en Palestine qui présente le récit d’une mission de syndicalistes en mai 2016.

Source : Investig’Action

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