Des protestations népalaises contre l’ingérence de l’Inde et de l’UE au Népal

A Bruxelles des Népalais accusent l’Inde d’une ingérence politique poussée à l’égard du Népal, un pays avoisinant. L’Inde s’approprie un rôle important au Népal, sans aucune concertation de la population népalaise.

 

Une famille devant les ruines de leur maison dans le village de Naglebhare. Deux ans après le tremblement de terre beaucoup de Népalais vivent toujours dans des tentes et des abris improvisés (Asian Development Bank/ Creative Commons).

Le 30 mars l’Union Européenne et l’Inde ont tenu leur 13ième conférence au sommet. Dans l’article 17 de la déclaration finale il est également question du Népal: “L’UE et l’Inde ont convenu qu’au Népal un règlement constitutionnel durable et complet est une nécessité. Ce règlement abordera les questions constitutionnelles restantes dans un délais convenu.

Cette déclaration évoque des souvenirs historiques aux interventions multiples de l’Inde dans un passé lointain et récent. Elle a choqué les Népalais, y compris ceux qui habitent à l’étranger. En réalité cette déclaration d’intention constitue une ingérence sérieuse d’un pays limitrophe puissant dans les affaires intérieures d’un pays souverain.

Le peuple népalais est profondément déçu du fait que cette déclaration est contraire à sa volonté d’établir une paix et un bien-être durables. Évoquons le cadre historique dans lequel cette déclaration récente de l’UE et l’Inde doit être comprise.

La longue lutte pour la démocratie

Le peuple népalais sort d’une longue période de lutte. De 1996 à 2006 une guerre prolongée et persistante a été menée contre la monarchie absolutiste. En avril 2006 un mouvement de masse a provoqué la chute de la monarchie et l’instauration de la République Démocratique Fédérale du Népal. Le 20 septembre 2015, après plusieurs élections, l’assemblée constituante a approuvé la nouvelle constitution.

Nous apprécions les suggestions et les conseils de l’UE et de l’Inde en ce qui concerne la constitution, mais nous nous opposons fermement à l’interférence menaçante et à plusieurs actes illégaux qui n’entrent pas dans le cadre d’une relation correcte, respectueuse et équivalente entre l’UE, l’Inde et le pays souverain du Népal.

Actes illégaux commis par l’Inde

Plus de 60.000 hectares du territoire népalais ont été annexés par l’Inde. Ceci s’est opéré à plus de 54 localités dont Kalapani.Des 3558 bornes frontalières seulement 2358 ont été reconnues officiellement. Des milliers de Népalais ont été victimes d’un déplacement forcé, car cette annexion du territoire par l’Inde a été marquée par la violence, des viols et des pillages.

A plusieurs reprises le Népal a insisté sur la nécessité d’une solution de ce conflit territorial, mais au lieu de faire face aux problèmes, l’Inde a causé encore plus d’instabilité et d’insécurité au Népal. L’UE s’aligne à cette positon en approuvant le point 17 de la conclusion du sommet, dans laquelle l’annexion n’est nullement mentionnée.

L’UE prend parti contre le Népal

L’UE n’est pas assez au courant de l’évolution politique du Népal. Le Népal est un pays démocratique fédéral. Le pays, qui antérieurement était hindou, s’est transformé en état laïc. Mais c’est justement Narendra Modi, premier ministre de l’Inde et intégriste hindou, qui plaide pour un renouveau religieux hindou au Népal.

A cause de traités inéquitables antérieurement imposés par l’Inde, le Népal n’est pas libre de conclure des accords politiques ou commerciaux avec la communauté internationale ou les organisations internationales. Au cours de son histoire, le Népal a toujours souffert de la suprématie indienne. Le gouvernement népalais propose de reconsidérer ces traités dans le cadre des changements politiques. L’Inde s’y oppose catégoriquement, et ne respecte donc pas le désir d’indépendance du peuple népalais.

Une lutte d’émancipation anti-féodale

Il nous faut parler également de la situation sociale et économique au Népal qui est toujours un pays semi-féodal et semi-colonial. Bon nombre de questions litigieuses n’ont pas été résolues par la nouvelle constitution. Une question cruciale entre autres est la réforme rurale révolutionnaire. Les droits de la femme ont été diminués dans la dernière version de la constitution intérimaire.

L’autonomie, basée sur l’identité ethnique et la classe sociale, ont indirectement été rejetée. Cette autonomie basée sur l’identité est néanmoins nécessaire afin de garantir les droits des peuples indigènes qui ont vécu durant 240 ans dans un état hindou décentralisé. L’autonomie, basée sur la situation sociale est également nécessaire parce que certaines régions, telles que Karnali et Seti Mahakali sont extrêmement sous développées.

Le système des castes

La nouvelle constitution ne parle non plus des droits spécifiques pour les ‘intouchables’ ou dalit (caste inférieure du système des castes formellement supprimé), les musulmans et autres communautés menacées, et les handicapés. Près de quatre millions de jeunes travaillent à l’étranger (L’Inde, le Qatar, les Émirats arabes…) comme esclaves dans des conditions moyenâgeuses. Rien de neuf dans cette constitution pour les motiver à revenir au pays.

Comparée à celle de l’Inde la constitution du Népal est certes plus complète et plus démocratique. En Inde, la démocratie est moins respectée et contrariée par des pratiques ultra-religieuses, un racisme omniprésent, une corruption destructive et une répression fasciste des mouvements révolutionnaires.

L’UE, n’est-elle vraiment pas au courant de ces pratiques?

Blocus économique par l’Inde

Il y a quelques mois l’Inde a imposé un blocus économique inhumain et humiliant au Népal. Suite à cela, il s’est crée une pénurie de produits importants tels que le pétrole. Ce blocus a causé un grand nombre de problèmes de subsistance pour la population népalaise. Cette question n’a toujours pas été résolue.

Nous l’avons déjà mentionné, le Népal héberge des communautés de différentes ethnies avec leur culture et traditions spécifiques. Chacune de ces communautés veut voir ses droits mentionnés dans la nouvelle constitution. Or l’Inde ne soutient que le peuple des Madhesi, situé près de la frontière de l’Inde. Il est clair qu’en réalité l’Inde ne veut pas contribuer à l’amélioration du sort des Madhesi, mais que ses interventions visent surtout à semer la discorde et à diviser le peuple népalais. Cette politique du “diviser pour régner” doit à tout prix être combattue et rejetée.

Le rôle ambigu de l’UE

Face au soutien de l’UE à la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme au Népal, il est évident que la population Népalaise est très sceptique. Elle ne croit pas non plus que l’UE viserait la stabilité au Népal. Au contraire, l’EU soutient l’Inde dans son ambition de devenir une superpuissance en Asie.

Ce fait résulte de nombreux points de l’accord conclu le 30 mars au sommet UE-Inde. L’UE ne soutient donc pas le Népal dans ses aspirations à devenir un état réellement souverain. Le texte de l’accord démontre clairement l’intérêt que porte l’UE à une collaboration étroite avec l’Inde.

L’accord a déjà été critiqué dans un communiqué de presse du ministère des Affaires Étrangères du Népal. La déclaration commune de l’UE et de l’Inde blesse les sentiments des Népalais dans la mesure où elle est contraire aux principes de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays ainsi qu’à la charte de l’ONU et aux règles en vigueur du droit international.

Le gouvernement du Népal a formulé explicitement ses critiques lors d’un conseil de ministres, suivi par presque tous les partis et par les médias, exerçant une pression énorme sur l’Inde et l’UE.

Suite à cette réaction, le représentant de l’UE au Népal a eu un entretien avec le vice-premier et ministre des Affaires Étrangères du Népal. Elle a affirmé que la constitution du Népal a été bien accueilli par l’Europe et qu’il n’y aurait pas de remarques négatives.

Il est donc important et nécessaire de protester contre les intentions cachées de l’Inde et de l’Europe au Népal, qui sont contraires à l’intérêt de liberté et de bien-être du peuple népalais.

 

Bishnu Bhujel est conseiller du Nepalese People’s Progressive Front, une organisation sociale de Népalais progressifs en Belgique, créée en 2001. Son objectif majeur est de contribuer à la solidarité dans la lutte du peuple népalais contre le féodalisme et le semi-colonialisme. Le NPPF veut également contribuer à la lutte mondiale contre l’impérialisme. En Belgique le NPPF s’occupe des droits des immigrants népalais et autres. Le NPPF est également solidaire des victimes de catastrophes naturelles comme celle du 25 avril 2015 au Népal et s’oppose à toute infraction aux droits de l’homme.

 

Traduit du néerlandais par le collectif Investig’Action

Source : DeWereldMorgen

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