Venezuela: “El Comandante”, vilaine propagande et manipulation à grande échelle

Le 30 janvier, RCN a lancé en Colombie la série “El Comandante”, une fiction prétendument « inspirée » de la vie d’ Hugo Chávez. Partant de l’idée que ses créateurs ne sont ni naïfs ni innocents et qu’il n’y a pas de hasard dans le choix du moment, du mode de réalisation et des intentions des réalisateurs, nous proposons d’analyser en profondeur cette série : vers quoi elle tend et la raison de ce nouveau produit de consommation de masse qui tentera de nous mettre sous le nez et sans que nous nous défendions l’image d’un Chávez corrompu, avide de pouvoir, machiste et individualiste.

 

 

 

 

 

Le contexte

 

Le modèle néolibéral se trouve en crise croissante et permanente depuis presque 10 ans. Ses plus grands défenseurs, qui dirigent l’axe Miami-Bogotá-Madrid ne trouvant pas de solution par les moyens démocratiques, livrent une offensive claire en promouvant les nationalismes extrémistes qui impliquent des positions presque fascistes en ce qui concerne l’intégration régionale, les migrations, la solidarité entre les pays, les accords économiques, etc…

Face à eux, nous gardons intact l’espoir de construire des modèles de pays et de sociétés différents qui donnent la priorité à l’humain sur l’argent, qui revendique les droits sociaux traditionnellement refusés et donne le véritable pouvoir, l’indépendance et la souveraineté aux peuples de Notre Amérique.

 

En ce sens, cette oligarchie mondiale, impérialiste et capitaliste à outrance est en pleine campagne pour discréditer et faire tomber dans la mesure du possible ces alternatives populaires qui trouvent l’un de leurs phares dans le Processus Bolivarien qui se déroule au Venezuela chaviste. Il suffit de regarder, de lire ou d’écouter ce que disent les médias appartenant à ces messieurs pour se rendre compte de leurs intentions : détruire tout ce qui sent le peuple.

A son tour, la réinsertion des FARC-EP dans la vie politique légale grâce à la mise en place des accords de La Havane suppose une capacité politique et une vision stratégique pour donner de la force à ces pouvoirs obscurs qui ont, depuis toujours, pointé leurs canons sur tout ce qui est alternatif, révolutionnaire et bolivarien de crainte de perdre leurs privilèges, leurs richesses et leur pouvoir, au bénéfice du peuple qu’ils ont traditionnellement piétiné, en utilisant même des médias comme la télévision.

Pour le continent et le monde, Hugo Chávez est de plus en plus une référence en tant que vrai dirigeant populaire, sans hypocrisie, démagogie ni cynisme, un véritable fils du peuple qui a incarné les besoins traditionnels et qui, avec le mouvement populaire vénézuélien qui a une longue histoire de lutte, a construit une alternative réelle de pouvoir qui illumine, comme à Cuba, en Bolivie, au Nicaragua, l’espoir de ceux d’entre nous qui sommes conscients de la nécessité de transformer les réalités de nos peuples.

Pour cette bataille idéologique, les « maîtres du monde » décident de faire un pas de plus dans leur offensive médiatique et culturelle contre nous, en imposant leur version de l’histoire de Chávez, pour neutraliser dans l’esprit des gens son héritage et le projet humaniste qu’il incarne.

 

Le discours

 

Comme la série raconte l’histoire d’Hugo Chávez, son principal objectif est évidemment de salir sa mémoire mais en même temps elle cherche à montrer ses partisans, qu’ils soient militaires ou civils, comme des ignorants soumis et manipulés par son génie (que l’on identifie souvent aux pires personnages de l’histoire dans le cadre de leur soi-disant psychose sociale).

De cette façon, on rend invisible le mouvement populaire croissant au Venezuela depuis des décennies, qui a explosé avec « le Caracazo », et dont le réalisateur de la série lui-même a été directement responsable comme nous le verrons plus loin. Ceci posé, nous nous focaliserons sur le traitement de l’image du Comandante.

En voyant les différentes vidéos de promotion de la série, les interviews avec ses réalisateurs et les différentes notes qu’ont publiées les médias alignés, on voit comment va se dérouler le récit, comment va être construit le récit autour du personnage. Le slogan de la série est : « Le pouvoir de la passion et la passion pour le pouvoir », ce qui fixe un trait qui serait essentiel dans le personnage : cette prétendue addiction au pouvoir, comme démontré aussi dans les publicités qui soutiennent que « le pouvoir et l’argent sont comme des drogues, on veut toujours plus » et qu’il « rêvait d’un monde nouveau et le pouvoir l’a consumé. »

Ils vendent la série comme « une histoire de violence, de sexe, d’ambition et d’argent. » Ce pourrait être la description d’un roman sur un para-politique sénateur et ex président mais ce n’est pas cela, ce qui démontre le niveau d’hypocrisie atteint. Ils cherchent à montrer Chávez comme un populiste né, un démagogue sans scrupules, dépendant du pouvoir et coureur de jupons. C’est que la série est une marchandise et, pour la vendre massivement, ils ne lésinent pas sur les moyens.

Ils assurent qu’il s’agit de « la vie secrète d’Hugo Chávez. » En fait, une publicité se concentre sur 3 femmes qui ont soi-disant eu une relation avec lui, mettant en avant de cette façon une vie amoureuse pleine d’infidélités et de machisme. « Hugo Chávez tombe amoureux de beaucoup de femmes mais, à la fin, il préfère l’amour du pouvoir » assurent les réalisateurs.

Il faut mentionner l’apparition, dont nous sentons qu’elle a une certaine importance (la campagne médiatique contre le castro-chavisme nous en donne la piste) de Fidel Castro qui, dans une publicité dit : « Avec Chávez, nous allons causer une petite surprise » sur un ton cynique et malveillant. Sans doute, on va aussi porter un coup à l’image du dirigeant mort récemment sur qui ils préparent déjà une nouvelle série avec les mêmes réalisateurs, comme nous le verrons plus loin.

 

Le réalisateur

 

C’est Moisés Naim, un Vénézuélien, ministre des Gouvernements néolibéraux antérieurs à Chávez. C’est lui qui a imposé le « paquet économique » du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale au peuple vénézuélien en février 1989, alors qu’il était ministre du Développement, de l’Industrie et du Commerce dans le second Gouvernement de Carlos Andrés Pérez, qui a déchaîné le “Caracazo” provoquant la mort de plus de 3,500 personnes si on prend en compte l’application du “Plan Avila” conçu par ses conseillers nord-américains et israéliens pour restaurer l’ordre grâce aux armes de guerre. Cette situation a débouché sur la rébellion militaire de 1992, dirigée par celui qui était alors le Colonel Hugo Chávez.

Il y a une ligne presque directe dans la carte des relations entre Naím et la CIA. Pendant toute sa carrière, il a fait partie de médias et d’entreprises financées par la machinerie de l’Agence et du Congrès des Etats-Unis, tous des mécanismes d’intervention à l’étranger. Son prêche en tant que journaliste, que la droite appelle « analyse » s’insère à la perfection dans les lignes centrales de l’Agence pour ce qui concerne la stratégie d’ingérence et d’influence au niveau mondial et en particulier dans les pays latino-américains.

De plus, il a été un « faucon » de Bush pendant la « guerre contre le terrorisme », il en est un de la Banque Mondiale, de la fondation Rockefeller et du groupe Prisa, patron de plus de 1 200 stations de radio, journaux et chaînes de télévision en Amérique Latine qui se consacrent jour après jour à distiller la haine contre les processus et les dirigeants révolutionnaires.

Il suffit de regarder son profil sur Twitter (@MoisesNaim), essentiellement en anglais, où il ne diffuse que des informations sur les Etats-Unis et l’Europe, c’est à dire, les intérêts des grands capitaux mondiaux. Son compte met en évidence son absence d’intérêt réel pour l’Amérique Latine et fait la promotion de la vision du continent en tant qu’arrière-cour, sous-développée et totalement soumise au néocolonialisme.

Dans son émission de télévision « L’effet Naím » diffusée par CNN, NTN4 et Globovisión, il répercute avec une fidélité totale les conceptions et les lignes politiques de l’élite mondiale. A cause de cela même et comme il ne pouvait en être autrement, il a aussi reçu quantité de titres, tous correspondant à la tyrannie mondiale.

Tous les médias et toutes les organisations pour lesquels il a travaillé et travaille ont toujours parlé de Chávez comme d’un dictateur, etc… Il a consacré les 20 dernières années de sa vie à soutenir et à faire la promotion de la campagne de manipulations, basée sur des mensonges, contre Chávez et contre le projet politique qu’il a incarné et qui est encore en vigueur.

Ses déclarations sur la série sont même amusantes : « J’avais enquêté sur la vie du dirigeant de la révolution bolivarienne et j’ai trouvé l’idée originale. (…) je me sentais motivé et j’ai commencé à écrire une histoire de 120 pages. Sony l’a achetée et, à partir de ce premier manuscrit, le scénario et les personnages se sont développés. »

Tout s’est fait comme par hasard ! Que la vie est facile pour ces gens-là !

En plus, il produit une série « biographique » sur Fidel Castro, sur le même ton, allant plus loin dans cette claire offensive culturelle et médiatique contre la mémoire des dirigeants populaires les plus connus de notre histoire récente.

 

La production

 

Sony Pictures Television est l’une des plus grandes entreprises de cinéma et de télévision du monde qui fait une part importante à la machinerie de propagande idéologique du capital international. En tant que directeurs responsables de la série, ils se protègent derrière l’idée que « c’est une série de fiction inspirée par Hugo Chávez », ce qu’ils répètent maintes et maintes fois. Une pure formalité, personne ne va le voir ainsi.

En ce sens, ils assurent qu’il « est difficile d’arriver ou même de prétendre changer la vision de quelqu’un. Ceux qui l’admirent continueront à le faire et ceux qui le critiquent aussi. Nous, ce que nous faisons, c’est adapter une partie de la vie d’un dirigeant icône, » comme l’explique Juan Felipe Cano, l’un des 2 directeurs (l’autre est Henry Rivero). Jouer la naïveté a été la façon d’agir de tous ceux qui y sont impliqués.

Ils ont fait 60 chapitres qui sont tous déjà enregistrés. En plus de la Colombie, ils ont diffusé la série aux Etats-Unis sur Telemundo, en Argentine sur Telefé, au Mexique sur Blim et dans tous les pays de la région sur le principal diffuseur de la série, la chaîne payante TNT.

 

L’acteur

 

« Dans la rue, ils me crient : « Pablo ! », raconte celui qui a été choisi pour incarner le Comandante, Andrés Parra. C’est que peu le connaissent par son nom ou par sa longue histoire. Pour la grande majorité des gens, il est Pablo Escobar, de la série Le Patron du Mal. Ce n’est pas un hasard : il s’agit de jouer avec l’imaginaire des gens qui associeront inévitablement les 2 personnages. On reconnaît qu’Escobar fut l’un des personnages les plus néfastes de l’histoire de la Colombie.

Pour les messieurs qui sont derrière cette série, c’est ce qu’Hugo Chávez a été au Venezuela. De cette façon, ils installent l’idée dans l’esprit des gens qui souvent considèrent que ce que dit la télévision doit être la vérité. En même temps, choisir l’acteur le plus populaire et qui jouit du plus fort prestige en Colombie cherche à donner plus de légitimité à la série et à ce qu’elle dit sur son héros.

Pour légitimer le choix de cet acteur, plusieurs médias sont venus l’interviewer et ont fait l’éloge de sa prétendue ressemblance avec Chávez dont ceux qui l’ont vu et entendu se rendront compte qu’elle est pratiquement inexistante. Cela arrive quand le personnage à représenter est très particulier et qu’on exige de l’acteur qu’il en fasse une caricature, pas une interprétation fidèle. Pour se justifier, Parra a assuré qu’il est difficile de représenter quelqu’un qui est meilleur acteur que n’importe qui, soutenant que Chávez interprétait un personnage, niant la véritable façon de communiquer et la personnalité du dirigeant.

L’acteur assure que, pour connaître Chávez, Sony lui a fourni un « accompagnement », c’est-à-dire des conversations avec des journalistes et des historiens vénézuéliens qui l’ont « imprégné du phénomène du Venezuela, de la guerre d’indépendance, du culte de Bolívar… comme pour que nous comprenions où nous nous arrêtons ». Nous pouvons imaginer de quelle humeur étaient ces sages de la réalité vénézuélienne et la vision de Chávez qu’ils ont mis dans la tête d’Andrés Parra.

 

Les médias

 

Comme nous le disions, le principal diffuseur dans la région sera la chaîne payante TNT qui va amener la série dans tous les coins du continent. C’est l’une des principales chaînes de cinéma de la télévision par câble qui fait une grande part à la machinerie de propagande capitalisme en diffusant, par exemple, des séries de criminologie, des films de guerre ou le gala de Miss Univers, tous, des produits dans lesquels les secteurs sociaux, les peuples et les femmes sont stéréotypés.

En Colombie, elle sera diffusée par RCN, un média appartenant à Ardila Lulle, patron d’une grande partie du marché des boissons dans le pays et du football national. Son patrimoine, pour 2016, était de 5 000 millions de dollars, le plaçant parmi les hommes les plus riches du monde. Ce média, avec Caracol, est celui qui a le plus de portée et d’influence sur l’opinion publique nationale.

Evidents ennemis de la paix (ils ont fait et font une campagne active contre le processus de paix entre le gouvernement colombien et les FARC-EP) et des alternatives politiques, ils stigmatisent la lutte sociale et ses organisations et rendent systématiquement invisibles les violations des droits de l’homme (y compris les assassinats de dirigeants sociaux et de défenseurs des droits de l’homme) que commettent les paramilitaires et même l’Etat colombien.

Pour RCN, “El Comandante” sera la principale série de l’année, sera diffusé à une heure de grande écoute et la campagne de lancement a augmenté il y a quelques mois. C’est un média qui n’a aucune vocation de paix, qui n’encourage pas le dialogue ni la réconciliation, c’est à dire, la démocratie.

 

Nos conclusions

 

La conformité réalisateur+production+acteur+médias donne un ensemble ultra-conservateur de tendance fasciste qui cherche à imposer une vision obtuse et tendancieuse d’une réalité qu’ils veulent salir et rendre invisible : les réussites de la Révolution Bolivarienne, l’alternative politique réelle qu’impliquent le chavisme et la mémoire historique d’Hugo Chávez. Ils cherchent à manipuler les esprits de ceux qui n’ont pas une vraie vision de qui a été Chávez, du processus bolivarien au Venezuela et du Socialisme du Siècle pour le continent et le monde.

En montrant un personnage autoritaire, despote, machiste et individualiste, ils dévalorisent le caractère social et ce que ce dirigeant a rendu à son peuple par amour. Ils exposent Chávez à la raillerie du monde et continueront leur campagne pour faire du processus bolivarien la référence de ce que « nous ne voulons pas être », un imaginaire construit par les mêmes médias et leurs porte-paroles politiques, craignant, comme nous l’avons déjà dit, que justice soit faite de leurs privilèges et de leurs richesses.

Sans doute, cette production peut être considérée comme de l’ingérence directe dans l’histoire et dans le présent du Venezuela, dans les sentiments d’un peuple, d’un courant d’unité sur le continent, d’un système alternatif de démocratie et de pouvoir populaire face au modèle néolibéral faiblissant, oppresseur et injuste.

Au Venezuela, le rejet de cette série s’est déjà fait entendre. Il faudra attendre pour voir si le Gouvernement et la famille de Chávez engagent des actions légales contre la production ou contre qui ils veulent. Il reste aussi à voir la réaction du mouvement populaire de Notre Amérique, du chavisme international et vénézuélien et de tous ceux qui travaillent tous les jours pour construire un continent de paix, de mémoire et de justice sociale.

 

Traduction de l’espagnol par Françoise Lopez pour Bolivar Infos. Relecture par Investig’Action

Source  : Agence Presse Alternative Cauca

 

 

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