(Photo by Andy Buchanan / AFP)

Craig Murray, ancien ambassadeur et défenseur d’Assange, interpellé en vertu des lois antiterroristes britanniques.

L’ancien diplomate Graig Murray est non seulement un défenseur de Julian Assange mais en plus du droits des Palestiniens, de quoi lui valoir un traitement de faveur de la part de la police britannique? (I’A)

L’interpellation de l’ancien diplomate n’est que le dernier exemple en date de l’utilisation des lois antiterroristes britanniques pour harceler et intimider les dissidents, en s’immisçant effrontément dans leurs affaires privées.

Le matin du 16 octobre, la police antiterroriste de l’aéroport de Glasgow a interpellé le journaliste, lanceur d’alerte, militant des droits humains et ancien diplomate britannique Craig Murray alors qu’il revenait d’Islande. Après l’avoir longuement interrogé sur ses convictions politiques, les agents ont saisi le téléphone et l’ordinateur portable de M. Murray.

Murray, fier nationaliste écossais, avait repris l’avion pour Glasgow après plusieurs jours passés à Reykjavik où il avait assisté à un événement populaire de solidarité avec la Palestine et rencontré des représentants éminents de la Campagne Assange visant à sensibiliser au sort du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange. Après avoir vérifié ses documents de voyage au contrôle des passeports, l’agent l’informe qu’il sera détenu pour être interrogé. Ils le conduisent ensuite dans une petite salle pour être interrogé par trois agents britanniques non identifiés de l’antiterrorisme.

Murray a déclaré à “The Grayzone” que la police britannique l’avait prévenu que s’il refusait de répondre aux questions, s’il répondait de manière mensongère, s’il dissimulait délibérément des informations ou s’il refusait de fournir les codes d’accès de ses appareils électroniques il commettrait une infraction pénale susceptible de poursuites. Après la saisie de son téléphone et de son ordinateur portable à des fins d’analyse, l’interrogatoire a débuté.

“Ils m’ont d’abord questionné sur la réunion privée de la Campagne Assange”, a expliqué M. Murray à The Grayzone. “Vous pourriez penser qu’ils cherchaient à savoir qui était présent, mais ce ne fut pas le cas”, a-t-il ajouté, “je pense que d’une manière ou d’une autre ils le savaient déjà.”

Au lieu de cela, “toutes les questions ont été d’ordre financier”, explique M. Murray. Selon l’ancien ambassadeur britannique, les agents voulaient savoir “si je recevais de l’argent pour mes contributions à la campagne, si j’étais payé par WikiLeaks, Don’t Extradite Assange, ou même par la famille de Julian”.

“À chaque fois, la réponse a été négative”, explique M. Murray : “Ce qui intéressait particulièrement les agents était mes sources de revenus et l’origine de mon argent”.

Le blog personnel très populaire de l’ancien diplomate a également intéressé les agents, qui auraient demandé à M. Murray de leur dire si quelqu’un d’autre y avait accès ou pouvait publier du contenu sur la plateforme, et si quelqu’un d’autre que lui était l’auteur de certains de ses articles.

Curieusement, a déclaré Mr Murray, il n’a pas été interrogé sur un seul article publié sur son site web. Les questions sur la manifestation de solidarité avec la Palestine à laquelle il a participé sont tout aussi déroutantes.

Les agents voulaient apparemment savoir pourquoi Murray s’était rendu à cette manifestation – “une question étrange à poser à quelqu’un qui participe à une manifestation”, a-t-il déclaré à The Grayzone. Il a néanmoins précisé qu’il s’y était rendu parce qu’il était ami avec l’un des orateurs, un ancien ministre de l’intérieur islandais.

La police aurait également demandé des détails sur le contenu des discours des différents orateurs de la manifestation, informations que Murray dit ne pas pouvoir fournir puisqu’il ne parle pas l’islandais. Lorsqu’on lui a demandé s’il prévoyait d’assister à d’autres manifestations pro-palestiniennes similaires en Grande-Bretagne, il a répondu “probablement”.

“La question la plus étrange a été : “Sur quelle base est-ce que je décide de partager une tribune avec quelqu’un ? explique Murray, qui ajoute : “Je le fais en fonction de l’organisateur de l’événement”.

Dans ce cas précis, poursuit M. Murray, “il s’agissait du Comité de solidarité avec la Palestine, donc je l’ai fait en toute confiance”. Cette façon de poser des questions a tout de même semblé étrange à l’ancien ambassadeur.

“Mon avocat n’avait jamais entendu ce genre de question lors d’un interrogatoire”, a déclaré M. Murray, ajoutant qu'”ils supposent que la police a une photo de surveillance de moi à proximité de quelqu’un qu’ils considèrent comme un “terroriste””.

“Je n’ai aucune idée de qui il peut s’agir”, a admis le militant pour les droits humains. Mais, comme il l’a rapidement fait remarquer : “Si vous participez à un rassemblement où 200 000 personnes sont présentes, vous ne pouvez pas connaître tout le monde !”.

Depuis, Murray a consulté des avocats, qui l’ont informé qu’en vertu de l’article 7 de la loi sur le terrorisme datant de 2000 – législation draconienne en vertu de laquelle il a été soumis à un interrogatoire intensif – il aurait légalement eu le droit de consulter un avocat si l’interrogatoire avait duré plus d’une heure.

“Un marteau de forgeron pour casser une noix”

Une fois l’heure d’interrogatoire écoulée, les agents l’ont renvoyé chez lui, mais ne lui ont rendu ni son téléphone ni son ordinateur portable. “Je suis habitué à l’idée que des espions britanniques et américains aient accès à mes ordinateurs”, a déclaré M. Murray.

Lors d’un voyage en Allemagne à la fin de l’année 2022, deux ordinateurs portables appartenant à Murray ont été volés à des endroits différents. Le second ordinateur portable avait été acheté localement pour remplacer le premier. Il pense que les vols ont “probablement” été commis par des “services de sécurité”, une interprétation renforcée par le fait que le premier ordinateur portable était rangé dans un sac contenant une grosse somme d’argent, ainsi que des médicaments vitaux pour le cœur. Les coupables ont inexplicablement emporté le premier et laissé le reste.

Interrogé par la police antiterroriste sur le contenu de son ordinateur portable, Murray affirme qu’il a ouvertement révélé que l’appareil contenait des copies de fuites de courriels privés de Stewart McDonald, membre belliciste du Parti national écossais (Scottish National Party), partisan de la droite et de l’extrême droite, lié à l’État souterrain.

Mais “je ne m’inquiète pas de leur contenu”, explique-t-il, “ce n’est donc pas un problème qu’ils l’aient”.

“J’ai dit aux agents que j’avais pitié du pauvre bougre qui devait fouiller dans les courriels de McDonald’s”, a-t-il plaisanté.

“Il est intéressant de noter que l’un d’entre eux a répondu que le contenu des appareils numériques saisis serait passé au crible électroniquement, plutôt que d’être examiné par une personne.”

“Les algorithmes de recherche par mots-clés font probablement l’essentiel du travail, et tout ce qui en ressort est étudié et partagé avec les différentes agences”, suppose-t-il.

Les avocats de M. Murray se penchent à présent sur l’interpellation, afin de déterminer si les agents lui ont dit la vérité avant le début de l’interrogatoire.

En avril dernier, la police antiterroriste britannique avait arrêté l’éditeur et militant politique français Ernest Moret, qui avait mené de grandes manifestations à Paris contre les réformes néolibérales du président Emmanuel Macron. M. Moret a été détenu en vertu des mêmes dispositions légales que M. Murray, puis arrêté lorsqu’il a refusé de remettre les codes d’accès de ses appareils électroniques. Il a finalement été détenu en Grande-Bretagne pendant près de 24 heures.

En juillet, un rapport accablant de l’organisme britannique d’observation de la législation antiterroriste a conclu que les agents qui avaient détenu M. Moret avaient proféré des menaces “exagérées et démesurées” en affirmant qu’il ne pourrait plus jamais voyager à l’étranger s’il ne divulguait pas des informations, car il serait répertorié comme terroriste dans les bases de données des services de renseignement internationaux. Le rapport indique également que la police l’a interrogé de manière illégitime au sujet de conversations légalement privilégiées qu’il avait eues avec son avocat au cours de l’interrogatoire.

L’annexe 7 a une portée large et “doit donc être utilisée avec prudence”, a déclaré l’auteur du rapport, avant de comparer l’utilisation de cette législation par la police pour interroger M. Moret à “un marteau de forgeron pour casser une noix”.

“Les pouvoirs en matière de lutte contre le terrorisme n’ont jamais été destinés à être utilisés dans le cadre d’une enquête pour atteinte à l’ordre public comme ce fut le cas ici”, note le rapport, qui conclut que “les droits à la liberté d’expression et de protestation sont trop importants dans une démocratie pour permettre que des individus fassent l’objet d’une enquête pour terrorisme potentiel simplement parce qu’ils auraient participé à des manifestations qui sont devenues violentes”.

Mais lorsqu’il s’agit de procéder à des détentions politiques, la législation en question n’est pas la seule dans l’arsenal des agents britanniques.

Le rapport ne fait aucune référence à l’annexe 3, section 4 de la loi britannique de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières, qui a été utilisée pour autoriser la détention de ce journaliste à l’aéroport de Luton, à Londres, en mai dernier. Cette disposition accorde aux autorités des pouvoirs étendus pour fouiller dans les affaires personnelles et professionnelles des dissidents. Selon M. Murray, les policiers britanniques chargés de la lutte contre le terrorisme semblent l’avoir approché en utilisant « la même méthode que celle qu’ils ont employée à mon égard ».

En vertu de la loi de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières, qui a été sévèrement critiquée par les Nations Unies, une personne peut être considérée comme étant au service de puissances étrangères “hostiles” sans même le savoir ou en avoir l’intention – ou sans que les puissances en question en soient conscientes. Ce précepte orwellien a été renforcé par la nouvelle loi londonienne sur la sécurité nationale, adoptée en juillet 2023.

Toute personne ayant ébranlé l’état de sécurité nationale britannique et prévoyant de se rendre au Royaume-Uni devrait faire attention à ce qu’elle conserve sur ses appareils. Comme s’en est vanté l’un des agents ayant interrogé Ernest Moret, la Grande-Bretagne est “le seul pays où les autorités peuvent télécharger et conserver indéfiniment des informations provenant d’appareils privés”.

Les tweets de Craig Murray:

18/10 17:25pm La police a téléphoné pour dire qu’elle venait à mon domicile à 19 heures pour me rendre mon ordinateur portable et mon téléphone. Ce qui est inhabituellement rapide et serviable. Ou alors .…
https://twitter.com/CraigMurrayOrg/status/1714663903496380755

18/10 17:56pm C’est très étrange. La police m’a rappelé pour me dire qu’elle n’allait finalement pas me rendre mon ordinateur portable et mon téléphone aujourd’hui.

19/10 17:32pm La police m’a rendu mon ordinateur portable – que je vais faire analyser avant de me résoudre à le jeter à la poubelle – mais a gardé mon téléphone pour un examen plus approfondi.
Ce qui me surprend, car je suis très vieux jeu et je me contente d’utiliser mon téléphone, en fait comme un téléphone.

19/10 11:37am J’ai été “détenu” en vertu de l’article 7 de la loi sur le terrorisme et on m’a dit tout ceci : J’ai été “détenu” en tant que personne potentiellement impliquée dans le terrorisme. Je n’ai donc pas été “arrêté” du coup : Je n’avais pas le droit à un avocat. Je n’avais pas le droit de garder le silence. Refuser de donner une réponse complète à toute question était un délit pénal. Refuser de donner les mots de passe de mes appareils était un délit pénal. Tenter de partir était un délit pénal. La Grande-Bretagne fasciste. Bafouant des siècles de droits durement acquis.

19/10 11:42am La police m’a expressément dit que je n’avais pas droit à un avocat. Ils m’ont relâché au bout de 59 minutes alors qu’apparemment ils auraient dû, en vertu de la loi sur le terrorisme, me dire que j’avais droit à un avocat au bout de 60 minutes.


Source : https://thegrayzone.com/2023/10/17/assange-craig-murray-detained-uk-terror/

Traduction : Maria Lagana (Comité Free Assange Belgium)

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