Voiture électrique en Europe: la folie des grandeurs

L’électrification en masse du transport routier est un non-sens social et environnemental. Pour satisfaire durablement les besoins de mobilité de l’Europe, il existe une alternative solidaire et moins destructrice.


 

Francfort, quartier des expositions, septembre 2019. Cette 68e édition de l’«Internationale Automobil-Ausstellung» (IAA), principale foire automobile de la planète, n’est pas comme les autres. Pour la première fois dans l’histoire de l’événement, les constructeurs automobiles y affichent en effet leur intention de commercialiser en masse des véhicules électriques à batterie («VEB» dans la suite de ce texte). Il s’agit d’une orientation nouvelle du marché automobile, qui s’est confirmée depuis lors. Alors qu’en pleine crise de coronavirus, les ventes de véhicules en général ont chuté de plus de 20% dans l’Union européenne, celles des VEB y ont en effet augmenté dans le même temps de 142%. Sur l’année écoulée, cela équivaut à 770 000 VEB vendus – un record. Autre fait inédit: ce sont des modèles low cost ou familiaux qui se retrouvent cette année en haut du podium des ventes électriques, et plus seulement des modèles haut de gamme1.

La mission de l’UE néolibérale: réguler l’industrie et lui créer un marché

Pour saisir l’origine et le sens de cette transformation, il faut remonter à une annonce faite par la Commission européenne quelques mois avant l’IAA. En vertu de l’accord de Paris sur le climat, l’un des principaux secteurs auxquels les États du globe doivent s’attaquer pour diminuer les émissions de CO2 mondiales est le transport routier, qui représente 18% de celles-ci et en a constitué avec l’aviation la principale source de croissance récente. À la suite du scandale du dieselgate, la Commission va donc accoucher en avril 2019 d’une nouvelle réglementation à ce sujet. En ce qui concerne les véhicules passagers, les flottes mises en circulation sur les routes européennes à partir de 2021 vont devoir respecter une limite d’émissions moyennes égale à 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. Les exigences s’accentueront ensuite, avec des moyennes de 80 g de CO2/km en 2025 et de 60 g de CO2/km en 2030. Au-delà des limites indiquées, chaque constructeur en infraction sera passible de 95€ d’amende par gramme de dépassement et par véhicule vendu2.

Cette nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans l’industrie automobile européenne. Si on avait appliqué la norme de 2021 au niveau des émissions de 2019, les amendes se seraient élevées cette année-là à 30 milliards d’euros pour l’industrie dans son ensemble3. Conséquence de cette situation, l’unique façon pour les constructeurs automobiles de rester viables sur le marché européen à court terme va consister à opérer une transition technologique rapide afin d’y commercialiser en masse des véhicules «zéro émission». Et parmi les technologies qui existent, la piste la plus efficace et rentable pour ce faire n’est autre, aux yeux des firmes, que celle du véhicule électrique à batterie.

Comme on va le voir, cette décision a bien peu de chances de réduire véritablement l’impact écologique du transport routier. Toutefois, cela n’empêche que lors de cette IAA 2019 baptisée «Driving Tomorrow», le VEB est présenté au grand public comme le moyen de transport du futur. Et entre les lignes, c’est aussi aux pouvoirs publics européens que les constructeurs automobiles adressent ainsi un message. Ils leur disent: «Voyez, techniquement, nous sommes capables de fabriquer des véhicules qui n’émettent pas de CO2. Mais économiquement, nous ne pourrons pas en vendre suffisamment pour éviter vos amendes sur le marché européen actuel… à moins de ne plus honorer toute la demande». En effet, bien que depuis plusieurs années déjà, les ventes de VEB progressent rapidement en Europe, celles-ci ne s’y élèvent en 2019 qu’à 2,3% des ventes totales de l’industrie4. C’est bien moins que les quelque 18% qui permettraient aux firmes de respecter la nouvelle norme à volume de ventes égal5.

Traduction: pour écouler suffisamment de véhicules «propres» d’ici 2021, l’industrie capitaliste a besoin que voie le jour en Europe un marché de masse de la voiture électrique à même d’absorber cette production. Mais ce marché ne peut se développer à court terme sans l’intervention de l’État. Deux conditions en particulier doivent en effet être remplies: d’un côté, il faut construire un vaste réseau de bornes de recharge électriques à travers tout le continent européen6; de l’autre, il faut faire baisser rapidement les prix des nouveaux véhicules par un généreux système de primes à l’achat les rendant plus attractifs que les modèles thermiques traditionnels7. De telles mesures ont malheureusement un coût élevé et, fin 2019, l’austérité rendait leur mise en œuvre par les pouvoirs publics européens impossible.

Le coronavirus rebat les cartes: la fuite en avant dans l’électrification

L’arrivée du coronavirus va changer la donne. Avec son impact dévastateur sur l’industrie , notamment automobile, le virus va faire voler en éclat la doxa austéritaire européenne en l’espace de quelques semaines, puisque des dépenses étatiques massives vont devenir indispensables pour contenir le désastre économique et social. Pour venir en aide au secteur automobile, qui fournit plus de 14 millions d’emplois et compte pour plus de 7% du PIB de l’UE8, la Commission et les États membres, guidés par l’Allemagne, vont mettre des dizaines de milliards d’euros sur la table en cours d’année 2020. Mais cet argent ne va pas être distribué à l’aveuglette. D’après Diederik Samsom, chef de cabinet de Frans Timmermans (le vice-président de la Commission européenne, en charge de l’action pour le climat) : «Nous allons utiliser cette opportunité pour accélérer la transition […] Nous n’allons pas reconstruire le vieux, nous allons le laisser là et reconstruire uniquement des solutions plus vertes.9»

Or, la «solution verte» qui a été choisie en urgence par les firmes automobiles pour rester profitable malgré les nouvelles normes, c’est le VEB. C’est donc dans cette voie que l’UE néolibérale va s’engager à pleine vitesse, en poussant à la création d’un marché européen de la voiture électrique via les plans de relance des États membres. Même si l’ensemble de ces plans ne sont pas encore connus à l’heure où ces lignes sont écrites, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne, la mise en place d’un réseau national de bornes de recharge pour VEB en fait partie. Par ailleurs, dans plusieurs pays européens, les primes à l’achat de VEB ont été augmentées, et dans certains d’entre eux, le montant des primes est d’autant plus généreux que le prix des véhicules et/ou le revenu de l’acheteur sont bas – ce qui favorise ainsi les ménages les moins riches et participe à créer une demande de masse. L’effet de ces mesures ne s’est pas fait attendre: en 2020, la part des VEB est montée de 2,3% à 6,2% dans le total des ventes automobiles européennes10.

La transition électrique de l’industrie automobile européenne a donc pris un coup d’accélérateur. Toutefois, on est en droit de se questionner: s’agit-il là d’une stratégie cohérente pour répondre durablement aux besoins de transport de la population européenne au 21e siècle? Ou bien faut-il voir d’abord dans cette opération un moyen de redonner une piste d’accumulation à long terme à une industrie automobile en crise profonde? Dans l’esprit de nos dirigeants, il s’agit certainement des deux à la fois, mais ne soyons pas dupes: la planète n’a pas besoin que l’on mette encore plus de voitures sur les routes européennes. Ce redémarrage électrique du secteur automobile sert donc avant tout une reconversion des firmes capitalistes, et pas la transformation de la mobilité humaine. Pour mener cette dernière à bien, une voie toute tracée serait au contraire d’investir publiquement de manière massive dans des modes de transports partagés ou collectifs afin de réduire l’usage de la voiture individuelle, tout en planifiant l’activité économique pour réduire nos besoins de mobilité contrainte. La question est de savoir pourquoi l’UE ne s’engage pas dans cette voie.

Le Green Deal, grand pacte technoécologique européen

Pour le comprendre, il faut resituer la relance électrique de l’industrie automobile dans une politique industrielle de plus long terme annoncée par la Commission d’Ursula Von der Leyen en décembre 2019: le «Green Deal». L’objectif affiché du Green Deal, c’est de profiter de l’impératif de transformation structurelle imposé par la crise climatique comme d’une opportunité pour le développement de l’industrie capitaliste européenne. La stratégie globale est de créer en Europe un grand marché «vert» devant remplir une triple fonction: 1) développer les diverses solutions – strictement techniques – grâce auxquelles l’UE pourra selon la Commission devenir climatiquement neutre d’ici 2050; 2) donner le jour à de grands champions capitalistes européens qui deviendront les leaders de l’industrie «verte» sur les marchés mondiaux; 3) accessoirement, créer de l’ «emploi durable» en Europe.

Pour mettre en œuvre cette stratégie, la tactique des pouvoirs publics européens procède en deux temps. Dans un premier temps, il s’agit de fixer un nouveau cadre réglementaire strict, qui est vu comme un moyen de contraindre les entreprises européennes à investir rapidement dans des technologies d’avenir même si cela doit perturber un peu leur rentabilité à court terme (d’où la progression à marche forcée de la Commission avec ses normes d’émissions sur route). Cette tactique peut paraître louable, mais elle est inefficace écologiquement. En effet, si les normes mises en place sont à même d’accélérer l’innovation des firmes, elles sont toutefois trop peu ambitieuses pour offrir de véritables solutions environnementales. Dans le cas du secteur automobile par exemple, les normes ne portent que sur une limite (insuffisante) d’émissions de CO2/km, alors que d’autres critères sont essentiels à prendre en compte dans le bilan environnemental de l’automobile (en particulier, la puissance et le nombre des véhicules en circulation). Ces normes trop laxistes ne sont pas le fruit du hasard, mais d’une idéologie libérale à cheval sur deux grands principes. D’une part, les contraintes à la rentabilité doivent être suffisantes pour forcer l’innovation, mais pas au point de condamner durablement les profits de l’industrie(ce qui serait le cas avec des limitations suffisamment ambitieuses, qui viseraient par exemple à limiter le nombre de véhicules sur les routes). D’autre part, si l’État peut fixer un cadre, c’est au marché d’opérer lui-même les choix technologiques en fonction de la demande, et les normes ne peuvent donc pas être étroites au point de l’en empêcher. C’est le principe de la «neutralité technologique de l’État» qui permet au secteur privé de continuer à produire des véhicules émettant des gaz à effet de serre tant qu’une demande existe.

Dans un second temps, la tactique européenne repose aussi sur un volet économique, qui consiste à réaliser des investissements publics permettant d’accompagner et d’accélérer les changements technologiques des entreprises privées, pour un budget européen d’environ 550 milliards d’euros d’ici 202711. À cela s’ajouteront des financements de la BEI12, ainsi que les investissements publics réalisés directement par les États membres. Si cela peut paraître conséquent, rappelons toutefois que d’après des estimations récentes, il faudrait investir environ 3400 milliards d’euros rien que dans la production et le stockage de l’énergie renouvelable pour atteindre la neutralité climatique en Europe13. Puisqu’en plus de ce poste, le budget du Green Deal couvre de multiples autres catégories d’investissements, cela laisse une idée du chemin qu’il reste à accomplir. Malheureusement, ce chemin sera d’autant plus long que le choix des projets éligibles aux aides du Green Deal s’est fait sous l’influence des entreprises privées14 et qu’en conséquence, certaines technologies sélectionnées l’ont été en fonction d’intérêts économiques de court-terme plutôt que d’un véritable potentiel climatique15. Leur développement va donc être financé par de l’argent public alors qu’elles sont contre-productives écologiquement.

Contrôler la chaîne de valeur globale

L’électrification à marche forcée du secteur automobile est donc un axe prioritaire de cette grande stratégie technoécologique européenne. Dans ce contexte, il faut encore mentionner deux projets majeurs qui disposent aussi d’un soutien massif des pouvoirs publics. Leur but commun est l’établissement d’un contrôle maximal sur la chaîne globale de valeur du VEB . Qu’est-ce qu’une chaîne globale de valeur? C’est le nom que l’on donne à l’ensemble des opérations de production d’un bien en vue de sa vente sur le marché. Ces opérations, qui vont de la matière première au produit fini, s’étendent sur plusieurs pays et sont menées par plusieurs acteurs différents, mais elles ne sont pas toutes aussi profitables les unes que les autres. En effet, les entreprises qui maîtrisent des étapes technologiques clés s’accaparent une valeur ajoutée plus importante, surtout si elles en détiennent le monopole.

Dans ce contexte, le premier des deux chantiers soutenus par l’UE est le développement d’une industrie européenne compétitive dans la production de batteries. Aujourd’hui, la quasi-totalité de ces composants-clés des VEB, qui comptent pour 30% de leur prix final, sont en effet importés d’Asie, et en particulier de Chine d’où provient l’essentiel de la production mondiale. Pour faire changer cette situation, une vague de construction de «giga-usines» de batteries est en cours en Europe. Ces usines devraient permettre de faire porter la production européenne de batteries à 17% de l’offre mondiale en 2029, mais cela ne suffira pas pour couvrir la totalité de la demande européenne au vu de son évolution rapide16. Le défi économique est donc colossal, d’autant que l’enjeu n’est pas seulement d’assurer les besoins de l’Europe, mais de créer des champions européens dans le secteur. À l’heure actuelle, les principales firmes productrices sont en effet asiatiques17 et pour l’instant, parmi les usines en construction dans l’UE, la majorité d’entre elles le sont par ces acteurs étrangers (comme le chinois CATL, premier producteur mondial). C’est la raison pour laquelle pouvoirs publics et industriels européens se sont rassemblés dans une «Alliance européenne des Batteries» visant à rattraper le retard technologique.

De ce premier chantier s’inspire le second, supervisé lui aussi par une grande alliance entre secteurs public et privé. L’«Alliance européenne des Matières Premières», lancée fin septembre 2020, vise quant à elle à assurer une présence européenne dans la partie inférieure de la chaîne de valeur de l’industrie. Il s’agit de l’extraction des divers métaux entrant dans la composition des batteries et des électro-aimants des VEB, et nécessaires aussi à d’autres technologies vertes. Pour les firmes automobiles européennes, il est en effet essentiel de diversifier l’approvisionnement de ces matériaux stratégiques pour pouvoir en maîtriser les coûts et ne pas rester tributaire du pouvoir de monopole de quelques acteurs. En effet, l’Union européenne est aujourd’hui complètement dépendante de la Chine pour ses besoins en terres rares (à 98%) et dépend aussi presque exclusivement de la Turquie et de l’Afrique du Sud pour ses approvisionnements en borate et en platine par exemple. Elle veut donc remédier à cette situation en développant de nouveaux sites d’exploitation, y compris sur son propre sol18.

Fausse solution climatique

Voilà donc le contexte dans lequel prend place l’électrification de l’automobile à la sauce capitaliste. Au bout du compte, la grande promesse de cette stratégie d’auto-mobilité est de remplacer l’ensemble du parc automobile thermique existant (250 millions de véhicules) par des équivalents électriques. Il faut maintenant montrer pourquoi cette stratégie est contre-productive au vu de ces ambitions et de leurs implications systémiques. Celles-ci peuvent être groupées en deux séries de conséquences.

La première, c’est que cette électrification en masse du parc automobile nous mène droit dans le mur climatique et environnemental. En effet, malgré un potentiel bénéfice climatique relativement à la situation présente, le remplacement généralisé des véhicules thermiques actuels par des équivalents électriques à batterie ne va pas diminuer la pression humaine globale sur les écosystèmes, mais au contraire l’accentuer sous de nouvelles formes. Car si l’on veut évaluer correctement l’impact écologique de cette stratégie, il faut distinguer deux catégories de dommages environnementaux. D’un côté, il y a les dégâts climatiques liés aux gaz à effet de serre, que l’utilisation des VEB devrait effectivement permettre de réduire partiellement. Mais de l’autre, il y a aussi tous les dégâts non climatiques, dont on entend moins parler, et que l’adoption de ces nouveaux véhicules va pourtant conduire à multiplier. Pour montrer à quel point le calcul écologique de la Commission européenne est vicié, faisons donc ces deux bilans environnementaux l’un à la suite de l’autre.

D’un point de vue climatique tout d’abord, il faut bien avoir conscience que les plans européens ne sont pas cohérents avec le respect des objectifs climatiques de l’Accord de Paris. En effet, dans la version la plus radicale du plan de mobilité durable de la Commission, qui implique de mettre au moins 30 millions de véhicules «zéro émission» sur les routes d’ici 2030, les émissions du secteur européen des transports ne baisseront que de 18% en 2030 par rapport à 2015. Cette baisse est largement inférieure à la réduction générale de -65% des émissions que l’Europe devrait mettre en œuvre d’ici là pour pouvoir contribuer à une limitation du réchauffement global à 1,5 °C, ce qui signifie qu’en réalité, les vrais efforts européens de réduction des émissions sont repoussés à plus tard. Or, plus tard, ce sera vraisemblablement trop tard pour éviter un emballement climatique.

Un autre problème majeur du plan de la Commission est que, du fait qu’il pousse à une adoption en masse du VEB, de même qu’à la croissance de tous les autres modes de transport, il crée la nécessité, pour opérer le seul domaine du transport, de réserver une capacité de production d’électricité future largement excessive19. Cela mène donc à une hausse de la production d’électricité requise pour le transport, et même si l’idée est bel et bien que cette électricité soit propre, cela entre en contradiction avec tous les plans existants de transition énergétique vraiment ambitieuse. Ceux-ci impliquent toujours en parallèle d’une installation massive d’énergie renouvelable, une diminution de la production globale d’énergie20. La consommation du transport, en particulier du transport routier, devrait donc baisser en proportion, au risque de rentrer en conflit avec d’autres postes de consommation également décisifs pour répondre aux besoins sociaux (notamment au sein de l’industrie).

Mais cela étant dit, creusons un peu, et comparons le «bilan carbone» du VEB avec celui du véhicule thermique. Le principal problème, c’est que les mesures d’émissions qui sont utilisées par la Commission pour quantifier l’impact du VEB sont biaisées, car elles ne prennent en compte que les gaz à effet de serre rejetés directement sur les routes, et pas ceux générés en cours de production et d’alimentation. Cela entretient donc l’illusion que les véhicules électriques émettent «zéro émission», ce qui est pourtant loin d’être le cas dans les conditions de production actuelles, où leurs batteries sont fabriquées avec de l’énergie fossile et ne sont pas forcément alimentées ensuite par de l’électricité verte… Leur bilan carbone peut donc s’avérer très lourd en réalité, ce qui implique qu’aujourd’hui, un remplacement du parc thermique par des véhicules électriques mènerait au résultat paradoxal d’augmenter les émissions mondiales de gaz à effet de serre21.

Toutefois, dans des conditions techniques optimales, qui impliquent notamment que la batterie du véhicule soit produite puis rechargée avec de l’énergie solaire (ce qui n’est généralement pas le cas aujourd’hui), des chercheurs de l’Université de Trèves soulignent qu’un véhicule électrique permet quand même de réduire de 65% les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie par rapport à un véhicule thermique22. Conclusion: l’électrification de l’automobile peut bel et bien constituer un véritable progrès en matière climatique, mais d’une part, ce progrès demande pour être mis en œuvre des conditions techniques n’étant pas rassemblées aujourd’hui, et d’autre part, il devra pour cela s’accompagner d’une baisse du nombre global de voitures et de changements plus ambitieux dans leur conception et utilisation (voir plus bas).

Vrai désastre environnemental

Si l’on met maintenant le climat de côté, et que l’on se penche sur le reste des dégâts environnementaux engendrés, l’affaire se gâte. En effet, dans leur étude, les chercheurs allemands constatent que la production d’un VEB génère une écotoxicité, un accaparement des terres et une raréfaction des ressources naturelles bien supérieures à celle d’un véhicule thermique. C’est aussi ce que souligne l’Agence européenne pour l’Environnement, d’après qui les conséquences en matière de pollution des sols et des eaux sont doublées, voire triplées23. Si c’est le cas, c’est parce que les métaux (rares et moins rares) qui entrent dans la fabrication des VEB nécessitent des processus d’extraction et de raffinage extrêmement polluants ou intensifs en ressources. Parmi ces minerais, on compte :

  • Le cuivre: présent en quantités quatre fois supérieures dans un VEB, le cuivre se trouve naturellement associé à de nombreux métaux, dont certains sont très toxiques (arsenic, plomb, cadmium). Pour l’exploiter, ces métaux sont dispersés dans l’environnement, terminant leur course dans les sols et les eaux. Le problème, c’est que la surexploitation du cuivre (les réserves ont été divisées par 2 rien qu’entre 1990 et 2008) mène à des teneurs de cuivre aujourd’hui de plus en plus faibles dans les roches. Il faut donc en traiter chimiquement toujours plus pour obtenir les mêmes quantités24.
  • Le lithium: composant essentiel des batteries des VEB, le lithium est majoritairement issu aujourd’hui d’Amérique du Sud, où les techniques utilisées pour l’extraire requièrent deux milliards de litres d’eau par tonne de lithium, ce qui a un impact nocif sur les écosystèmes et les habitants de ces régions déjà très sèches25.
  • L’aluminium: présent en grandes quantités dans les VEB (pour diminuer leur masse), l’aluminium est extrait via la mise en solution de la bauxite avec la soude, ce qui rejette de grandes quantités de polluants chimiques acides dans les sols et les eaux26.
  • Les terres rares: utilisées pour fabriquer les électro-aimants de certains moteurs électriques, les terres rares se trouvent dans la nature en des teneurs très faibles. Pour en obtenir une seule tonne, les entreprises chinoises, qui opèrent la grande majorité de l’extraction mondiale, doivent contaminer plus de deux cents mètres cubes d’eau avec des substances extrêmement toxiques27.

Il ne s’agit là que d’exemples, mais ils constituent déjà des vecteurs importants d’une pollution minière plus générale qui a des répercussions catastrophiques sur les environnements locaux et globaux. Voilà donc qui rend l’équation écologique difficile pour une solution de «mobilité durable» comme le VEB tous azimuts. À supposer que les voitures électriques se démocratisent, il s’agirait en réalité d’une stratégie d’adaptation boiteuse puisqu’elle reposera sur un déplacement de la pollution atmosphérique vers d’autres formes de pollutions.

La voie du chômage industriel en Europe et du chaos géopolitique au Sud

Mais il y a une seconde série de raisons pour laquelle il faut remettre en question cette stratégie industrielle de mobilité basée sur le VEB. Il s’agit des désordres sociaux et politiques auxquels elle risque de mener dans deux endroits: non seulement chez nous, mais aussi ailleurs dans le monde.

En Europe en effet, bien que ce projet nous soit vendu comme un grand pacte vert qui doit sauver le secteur automobile et ses travailleurs, la réalité est toute autre: en passant à la production de masse de VEB, l’industrie risque de connaître de sévères pertes d’emploi. Le problème, c’est non seulement qu’un VEB demande moins de composants à monter, donc moins de travail à exploiter pour les firmes automobiles dans la production directe, mais aussi qu’elle requiert ensuite moins d’entretien, ce qui a un impact négatif sur l’emploi indirect en dehors des firmes.

D’après l’Organisation internationale du Travail: «Les véhicules électriques ont moins de pièces mobiles et une durée de vie plus longue et nécessitent moins d’heures de fabrication par véhicule et moins d’entretien et de réparation. Selon le cabinet de conseil AlixPartners, les heures nécessaires pour assembler un moteur à combustion interne s’élèvent à 6,2 par véhicule, ce qui […] réduit à 3,7 heures par voiture avec un moteur électrique.28» Si le VEB s’impose en masse sur les marchés européens, comme la Commission l’escompte, le risque est donc de voir d’importantes pertes d’emploi ouvrier s’abattre sur l’Europe. En particulier, une étude réalisée à l’attention du gouvernement allemand évoque une perte d’emplois de 400000 personnes dans l’industrie manufacturière rien qu’en Allemagne en cas d’orientation vers le tout électrique29. Puisque l’Allemagne emploie un tiers des travailleurs du secteur automobile en Europe, cela donne une idée de l’impact global: on peut estimer grossièrement qu’un million d’emplois sont en jeu. Les défenseurs du VEB rappellent certes que de nouveaux postes seront créés dans la production de batteries, mais cela ne permettra pas de compenser les pertes30. Ne s’accompagnant pas d’une vraie réflexion sur l’avenir des travailleurs de l’industrie automobile européenne, l’avènement de la voiture électrique est donc pour eux une perspective très inquiétante.

Dans le reste du monde, ensuite, le risque que nous fait courir le choix de l’électrification en masse de la filière automobile européenne est celui d’une conflictualité accrue attisée par la soif de nouvelles matières premières devenant stratégiques, et ce d’autant plus à mesure qu’elles se raréfieront. En effet, si la production de masse de VEB devient une réalité, la demande de l’industrie automobile pour des métaux déjà rares, tels que le lithium, le cobalt, le nickel ou le manganèse, va littéralement exploser dans les années à venir (jusqu’à +2000% en 2030 pour certains d’entre eux selon l’AIE31). Leur approvisionnement va donc devenir extrêmement sensible, comme en témoigne la mise à jour récente de la liste de matériaux critiques pour l’UE en 2020, qui inclut précisément deux nouveaux métaux entrant en compte dans la production des composants des VEB (le lithium et la bauxite). Bref, des convoitises géopolitiques sur ce type de matières ne peuvent manquer d’émerger, surtout au vu du caractère concentré de leur répartition dans quelques pays.

Cette conflictualité accrue avec l’étranger prendra une double forme. D’une part, l’UE risque d’entrer en conflit indirect avec d’autres grandes puissances (en particulier la Chine et les États-Unis) qui pourraient chercher à se procurer les mêmes métaux rares pour satisfaire les besoins de leur propre industrie. D’autre part, l’Europe risque également d’être portée au conflit avec des nations moins puissantes, mais qui disposent sur leur territoire des ressources stratégiques qui lui sont nécessaires. Dans le cas où elles ne souhaiteraient pas les mettre à disposition, ou pas aux termes voulus par les entreprises capitalistes européennes, le risque est alors celui d’une ingérence potentiellement violente dans les affaires intérieures de nations qui n’ont rien demandé. D’autres puissances impérialistes (pour ne pas citer les États-Unis) ont déjà franchi le pas. En effet, on sait que le coup d’État qui a eu lieu en Bolivie fin 2019 s’insère dans une tentative nord-américaine de mettre la main sur les réserves boliviennes de lithium (les plus importantes au monde) afin d’assurer les besoins en matières premières de l’industrie «verte» états-unienne32. Les premières victimes de cet impérialisme vert sont donc les peuples du Sud.

Une autre voie pour la mobilité et l’industrie automobile

En vérité, au prétexte de remplir leur devoir climatique en répondant à la demande de mobilité, les dirigeants européens préparent donc un avenir que nous, classes travailleuses d’Europe et du reste du monde, avons toutes les raisons de craindre. Le développement tous azimuts du VEB est un non-sens social et environnemental et, si nos décideurs sont incapables de s’en rendre compte, c’est parce qu’ils ne considèrent pas juste l’automobile comme un moyen de transport parmi d’autres, mais comme une marchandise. Dans l’économie capitaliste, celle-ci doit donc être produite dans les plus grands volumes possible. Voilà pourquoi la Commission a accouché d’un plan de mobilité «durable» absurde qui, au lieu de viser plus de sobriété, stipule que tous les moyens de transport, dont la voiture, doivent continuer à croître.

Face à cette stratégie, il existe une alternative. Pour diminuer rapidement l’impact climatique de notre mobilité, nous devrions délaisser autant que possible les voitures individuelles et développer massivement d’autres modes de transport collectifs, partagés et plus légers, tout en réduisant nos besoins de déplacement33. Cela passera par un réaménagement radical du territoire et de l’organisation productive ainsi que par une priorité donnée aux transports publics afin de maximiser le nombre de passagers-kilomètres, tout en minimisant l’impact environnemental par voyageur tout au long du cycle de vie des véhicules (c’est-à-dire, production et recyclage compris). Pour ce faire, il faut garder en tête que le bilan climatique n’est pas le seul à prendre en compte, et que la question de la pollution minière et de la boulimie de ressources engendrées par la production des technologies de transport sans carbone continuera d’exister même dans un cadre non capitaliste.

Dans ce nouveau paysage, il est clair que le paradigme de la voiture individuelle généralisée fera partie du passé, et que l’industrie automobile ne produira plus de la même manière, ni autant qu’avant. Une série de besoins de déplacement continueront certes d’être remplis par des véhicules individuels, mais l’autopartage sera certainement la norme, et l’utilisation de la voiture diminuera relativement aux autres modes. Pour minimiser leur impact environnemental, les voitures qui continueront de circuler seront des voitures électriques moins puissantes et disposant d’une autonomie limitée afin de minimiser la consommation d’énergie et de ressources issue de leurs batteries (ou piles à combustible). Au bout du compte, ce sera toutefois à la classe des travailleurs elle-même de décider comment régler ces problèmes, en choisissant démocratiquement la meilleure façon d’allouer les ressources naturelles (finies) dont nous disposons pour satisfaire les besoins humains de mobilité. Au cours de cette délibération, deux problèmes majeurs se dresseront nécessairement devant elle.

D’une part, dans la production, la transition écologique de la mobilité ne sera acceptable que si elle se préoccupe du sort des travailleurs de l’automobile. Une réorganisation du travail va donc être nécessaire à court-terme au sein de cette industrie, et elle devra se faire en concertation directe avec les travailleurs du secteur en envisageant une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire.. Il s’agira également de leur offrir des perspectives de reconversion dans le reste de l’économie, par exemple dans la production des moyens de transport publics et des infrastructures d’énergie renouvelable. D’autre part, du côté des usagers, la transition vers des modes de transport collectifs et plus légers risque d’être vécue comme punitive si elle ne se fait pas de manière égalitaire. Une minorité privilégiée ne peut donc pas continuer à bénéficier du fait de sa richesse d’une autonomie et d’une vitesse de déplacement supérieure à celle de la majorité des travailleurs.

Dans les deux cas, ces problèmes deviennent beaucoup plus faciles à surmonter dès lors qu’on s’autorise à repenser les liens entre État et économie. Pour planifier la reconversion de l’industrie et garantir que la réduction des déplacements se fasse de manière égalitaire, une solution serait de développer un pôle public d’infrastructures de transport choisies et opérées démocratiquement par le secteur public pour le secteur public, plutôt que par le capital privé ou à son service. Il n’y a que de cette manière que la réflexion sur la mobilité humaine pourra être menée sans subir les injonctions irrationnelles du marché, en proie à la soif du profit et à la folie des grandeurs.

 

Source: Lava Media

 

Notes:

  1. «Europe December 2020», EV Sales Blog.
  2. Depuis décembre 2020, on parle même de moins de 50 g/km en 2030. Diederik Samson, Webinaire ACEA «Putting the EU auto industry back on track post-covid», 20 octobre 2020.
  3. Tommaso Pardi, «Perspectives, conséquences et contradictions de l’électrification de l’industrie automobile européenne», Journées d’études du GERPISA, 255, octobre 2020.
  4. «Europe Full Year 2019»,EV Sales Blog.
  5. Calculs de l’auteur sur base de Tommaso Pardi, op. cit.
  6. Sans ce réseau de recharge, impossible d’avoir la certitude de pouvoir se déplacer sans tomber en panne, ce qui freine encore beaucoup de consommateurs. Pour soutenir un marché de masse, l’Europe devrait compter un minimum de 3 millions de points de recharge. Cela représente un chantier colossal, mais pour lequel il n’y a pas de demande privée. Il doit donc être pris en charge par les pouvoirs publics.
  7. Le problème des véhicules électriques, c’est qu’à l’exception du haut de gamme, les modèles produits à l’heure actuelle ont des coûts de production supérieurs d’environ 10 000€ à ceux des modèles thermiques de gamme équivalente. Si l’on veut faire en sorte que la grande masse des consommateurs puisse se permettre d’en acquérir, des primes étatiques à l’achat sont donc nécessaires pour faire baisser les prix relatifs. Voir: «Making electric vehicles profitable», McKinsey & Company, 8 mars 2019; «Paving the way to carbon-neutral transport: 10 point-plan to help implement the European Green Deal», ACEA, 22 janvier 2020.
  8. Webinaire ACEA du 20 octobre 2020, op. cit.
  9. Webinaire ACEA du 20 octobre 2020.
  10. «Europe November 2020», EV Sales Blog.
  11. Cela correspond à 30% des dépenses publiques réalisées dans le cadre du plan de relance européen ainsi que du nouveau budget pluriannuel de l’UE, qui devront être consacrées à des investissements en faveur d’objectifs climatiques.
  12. Banque européenne d’Investissement. 50% de son financement devra aller à des projets visant l’action climatique dès 2025.
  13. Agriculture mise à part. Source: Karlo Hainsch & al, «Make the European Green Deal real : Combining climate neutrality and economic recovery»,DIW Berlin, Politikberatung kompakt 153, 2020.
  14. Voir notamment: Olivier Petitjean, «Lobbying: l’épidémie cachée», Rapport pour l’Observatoire des multinationales & Les Amis de la Terre France, 3 juin 2020.
  15. Dans le secteur de la production énergétique en particulier, les industriels sont parvenus à force de lobbying à rendre éligibles comme investissements verts du Green Deal des technologies basées en fait sur le recours à l’énergie fossile, comme le gaz naturel. Source: «A grey deal ? Fossil fuel fingerprints on the European Green Deal»,Corporate Europe Observatory, 7 juillet 2020.
  16. Xavier Boivinet, «Batteries lithium-ion: une vague de gigafactories déferle sur l’Europe», Industrie-Techno, 23 septembre 2020.
  17. En 2019, le chinois Contemporary Amperex Technology (CATL) couvrait 23% de l’offre mondiale, le japonais Panasonic (22%), le chinois BYD (13%), les sud-coréens LG-Chem (10%) et Samsung-SDI (5,5%). Source: Center for Automotive Research.
  18. Les sols européens contiendraient en effet plusieurs métaux rares comme du cobalt, du bauxite, du béryllium, du bismuth, du gallium, etc. C’est aussi le cas du lithium, qui serait même disponible en quantités suffisantes pour d’assurer au continent un approvisionnement autonome d’ici 2025. Source: «New EU alliance aims for ‘strategic autonomy’ on key materials», EurActiv, 30 septembre 2020.
  19. La consommation totale d’énergie du secteur des transports ne baisserait que de 5% en 2030 d’après la Commission.
  20. Pour des exemples récents, voir notamment: Wendel Trio & Patrick ten Brink, «Paris Agreement Compatible Scenario», Climate Action Network & European Environmental Bureau, juin 2020.; Karlo Hainsch & al, op. cit.
  21. Runsen Zhang & Shinichiro Fujimori , «The role of transport electrification in global climate change scenarios», Environmental Research Letters, 3, 2020.
  22. L’étude se base sur l’électrification en laboratoire de deux modèles thermiques : une Volkswagen Caddy et une Mercedes Smart. Ce scénario optimal implique aussi que la batterie dispose d’une seconde vie sous forme de stockage d’énergie domestique après son utilisation pour alimenter le véhicule. Source: Helmers Eckard & al, «Sensitivity Analysis in the Life-Cycle Assessment of Electric VS. Combustion Engine Cars under Approximate Real-World Conditions»,Sustainability, 12(3), 2020.
  23. «Electric vehicles from life cycle and circular economy perspectives», EEA Report 13/2018.
  24. Cécile Izoard, «La voiture électrique cause une énorme pollution minière», Reporterre, 2 septembre 2020.
  25. «Le coût environnemental de notre dépendance aux batteries au lithium», Enviro2B, 9 janvier 2019.
  26. Cécile Izoard, op. cit.
  27. Oscar Allendorf, «Dwindling supplies of rare earth metals hinder China’s shift from coal», TrendinTech, 7 septembre 2016.
  28. ILO, «The Future of work in the automotive industry; The need to invest in people’s capabilities and decent and sutainable work», Issue paper for the Technical Meeting on the Future of Work in the Automotive Industry, mai 2020, p. 28.
  29. ILO, op. cit., p.19.
  30. «Impact of electrically chargeable vehicles on jobs and growth in the EU»,FTI Consulting, 5 mai 2018.
  31.  IEA, «EV Global Outlook 2020», Technology Report, juin 2020.
  32. «Evo Morales: Lithium was the reason for the coup in Bolivia», Monthly Review Online, 13 novembre 2020.
  33. «A radical transformation of mobility in Europe: Exploring the decarbonisation of the transport sector by 2040», Climact & NewClimate Institute, septembre 2020.

 

Pour creuser le sujet, voir aussi le livre de Ludo De Witte sur notre boutique en ligne

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.