Vent de guerre contre Beyrouth

La stabilité politique au Liban n’a duré qu’une année. Deux jours après le bilan officiel de la première année de présidence de Michel Aoun, le Premier ministre Saad Hariri, surprenant ses propres alliés, a annoncé sa démission à travers un communiqué de presse sur la chaîne Al Arabya, en Arabie saoudite.

 

La motivation officielle invoquée : un climat tendu et similaire à celui qui a conduit à l’homicide de son père, Rafiq Hariri en 2005; mais aussi une situation politique encore plus compliquée à cause de l’hégémonie du Hezbollah. Les motivations réelles, par contre, pourraient être totalement différentes. Selon presque la totalité de la presse libanaise progressiste (dont As-Safir) et conservatrice (dont L’Orient le Jour), le Premier ministre aurait été contraint par le Prince Mohammed Bin Salmane (prince héritier de la maison Saoud) et le ministre des Affaires du Golfe Thamer Sahban à un choix : démission ou détention.

 

Après de nombreuses tentatives, toujours rejetées, pour convaincre l’ex-pion de rentrer dans les stratégies saoudiennes de déstabilisation du Liban, Riyadh a changé de tactique et a décidé de « brûler politiquement » une figure actuellement inutile. Soutenue par Washington, avec des objectifs anti-iraniens et anti-Hezbollah, la politique menée par la diplomatie saoudienne est devenue beaucoup plus agressive. Pour preuve, les contacts pris avec de nombreux représentants politiques irakiens – sunnites, chiites et kurdes – dans la perspective de favoriser les divisions confessionnelles internes. Ou encore, la visite de Thamer Sahban à Raqqa après sa reconquête par l’armée syrienne. La démission de Hariri le 4 novembre est le dernier acte de cette stratégie de déstabilisation régionale.

 

Dans un premier temps, le choix du Premier ministre a causé des inquiétudes dans le pays du cèdre, au point que Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste, a déclaré que « le Liban est un pays trop petit pour pouvoir faire face aux conséquences politiques et économiques d’une telle démission ». Comme cela arrive souvent en périodes d’instabilité, le premier représentant politique à intervenir publiquement sur les propos de Hariri, a été le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le chef du principal parti chiite a atténué le ton et les tensions – après les déclarations menaçantes de Hariri – invitant tous les Libanais « à maintenir le calme et la sérénité par rapport à la stabilité politique et économique du pays ».

Nasrallah a poursuivi son discours en qualifiant les motivations de Hariri de «forcées» et non spontanées, surtout parce qu’elles sont bizarrement arrivées depuis l’Arabie saoudite. Le secrétaire du Hezbollah a analysé trois rumeurs: tout d’abord, le possible attentat contre Hariri, avec une déclaration faite délibérément pour alourdir le climat politique au Liban; la seconde concernant un éventuel prélude à une guerre saoudo-israélienne contre Beyrouth, identifié par Nasrallah, comme la continuation d’une stratégie terroriste menée par Tel Aviv, le principal allié saoudien; la troisième, enfin, concerne la frustration continue de l’Arabie saoudite face aux défaites en Syrie, en Irak et au Yémen.

 

 « Nous savons bien, » a conclu Nasrallah, « ce que pourrait être la stratégie arrogante de Riyadh et de Tel Aviv, mais j’invite tout le monde à attendre le retour de Hariri (si cela arrivera, NDLR) pour comprendre ses motivations et pour trouver des solutions. »

 

Le président Aoun lui-même, par rapport au retour du Premier ministre, a déclaré qu’il n’accepterait pas sa démission tant qu’ « elle ne sera pas présentée personnellement par Hariri en territoire libanais », jugeant très graves les allégations d’un éventuel attentat, catégoriquement démenties par tous les services de sécurité libanais.

 

Dans un éditorial portant sur la démission de Hariri, Abdel Bari Atwan, directeur du journal en ligne Rai Al Youm, a même indiqué la possibilité que le leader libanais, de nationalité saoudienne, soit « emprisonné » après les nombreuses arrestations de ces jours dans le royaume des Saoud. Quant à la possibilité d’un conflit israélo-saoudien contre le Liban, Atwan écrit que « le Hezbollah a complètement changé durant ces années de conflit en Syrie, et l’Iran, qu’il le veuille ou non, est la véritable puissance de la région (….) par conséquent, un conflit contre le Liban aurait-il une chance de victoire pour Riyad et Tel-Aviv?»

 

Source originale: Contropiano

Traduit de l’italien par Stefano Mauro pour Investig’Action

Source: Investig’Action

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