Venezuela : Envoyé spécial ou manipulateur spécial ?

Le « reportage » « Venezuela, naissance d’une dictature ? » est un chef d’œuvre de manipulation : manipulation des mots, manipulation des images, manipulation du son, etc…

 

La manipulation des mots : un titre court censé résumer le contenu du « reportage », en fait, 2 mots essentiels dans ce titre, « Venezuela » et « dictature », le reste (le mot « naissance » et le point d’interrogation) ne sert qu’à instaurer l’idée que ce reportage va être objectif, poser une question, évaluer des arguments, et à atténuer ce que le mot « dictature » pourrait avoir de terrible et de définitif. Il ne s’agit en fait que de clauses de style. Ce que ce « reportage » se propose de nous montrer, c’est que le Venezuela est une dictature. Le mot « dictature », dès le titre, est donc choisi comme le maître mot du « reportage. » Il est répété plusieurs fois.

Le mot « milice » pour qualifier les groupes de citoyens destinés à faire le lien entre population et la police est également loin d’être innocent.

Nous connaissons tous la connotation du mot « milice » en français et ce qu’il traîne avec lui d’exactions, de honte et de trahison envers la Patrie. En espagnol, le mot « milicia » signifie simplement « police »…

 

La manipulation du son : Le doublage des déclarations des chavistes est fait de façon impersonnelle, leur expression est plate, sans relief. Ces déclarations ne sont suivies que de commentaires négatifs. Le doublage des déclarations anti-chavistes est fait de façon expressive, l’indignation se sent dans la façon de parler, les commentaires sont positifs… Le temps de parole des anti-chavistes, que je n’ai pas mesuré précisément, est bien plus important que le temps de parole accordé aux chavistes, toujours présentés comme des gens sans qualification (la journaliste Ester Quiaro d’Union Radio présentée comme « une mère de famille qui parle à la radio » !) Sa radio, dont on nous dit cependant qu’elle est l’une des plus écoutée, n’est même pas nommée.

 

Les sous-entendus : « le fils de Nicolas Maduro, lui aussi député. » Une expression apparemment neutre mais apparemment seulement parce que ce qui est dit, de façon subliminale, c’est que « le fils de Maduro » a eu son siège de député par protection alors qu’il a été démocratiquement élu au cours d’élections que tous les observateurs internationaux ont considérées comme parfaitement correctes…

Il n’est pas dit non plus que si l’ANC est totalement chaviste, c’est parce que l’opposition n’y a présenté aucun candidat. Un choix qu’elle doit maintenant assumer et qui est de sa seule responsabilité.

 

La manipulation des images : Le « reportage » débute par un bilan relativement positif de l’époque Chavez. En quelques images rapides. Mais les louanges d’Hugo Chavez ne sont destinées qu’à mieux démolir Nicolas Maduro, nous allons vite nous en apercevoir.

Les images et les déclarations de Vénézuéliens mécontents, dans les queues pour s’approvisionner par exemple, auront droit à un temps d’antenne beaucoup plus long ainsi que les manifestations anti-chavistes dont on n’ose tout de même pas prétendre qu’elles sont pacifiques mais dont on nous dit que la responsabilité de la violence est partagée.

Pas un mot des personnes brûlées vives parce que « suspectées d’être chavistes ! » ni des armes portées et utilisées par les manifestants contre des forces de l’ordre désarmées. Le nom des journaux pro-gouvernementaux brandis par le général Alcala n’est pas indiqué mais l’image s’arrête complaisamment sur le nom d’un seul journal d’opposition. D’après lui, il n’existe pratiquement plus que des médias pro-gouvernementaux. Or, en 1998 il y avait au Venezuela 304 radios privées FM. En 2017, il y en avait 481. En 1998, il y avait 36 télévisions privées émettant en clair et elles étaient 63 en 2017. Loin de baisser, leur nombre a donc augmenté et, sur les 49 médias prétendument fermés par Maduro, seuls 2 l’ont été réellement pour avoir appelé à une intervention militaire étrangère dans le pays, les autres ayant disparu pour des raisons qui n’ont rien à voir avec une fermeture décidée par le Gouvernement.

 

Le choix des personnes interviewées ou que le « reportage » présente complaisamment : quelques chavistes, interviewés rapidement et des opposants triés sur le volet : le général à la retraite Cliver Alcala, « un chaviste de la première heure que son amitié pour Chavez n’empêche pas de critiquer Maduro, » des proches d’Antonio Ledezma dont on nous présente l’arrestation comme un scandale alors qu’il est responsable d’un nombre certain de morts survenues dans des manifestations violentes organisées sous sa juridiction et avec son plein accord, Leopoldo Lopez, condamné lui aussi pour sa responsabilité dans les violences de l’opposition, Lilian Tintori qui passe son temps à parcourir le monde pour organiser des attaques contre son pays depuis l’étranger, Luisa Ortega Diaz, l’ex-procureure générale corrompue, etc…

 

La manipulation des faits : Les fais défavorables au Gouvernement Bolivarien sont toujours commentés complaisamment, avec force détails biaisés : par exemple, la conversion du salaire d’un Vénézuélien en euros n’a aucun sens car s’y ajoutent un certain nombre d’avantages en nature qui rendent le montant du salaire complètement détaché de la réalité. Bien évidemment, un Français ne vivrait pas avec ça car il n’aurait pas les droits sociaux gratuits, les tickets d’alimentation et l’accès à un certain nombre de services dont on se garde bien de nous parler même si les tickets d’alimentation ont été évoqués très rapidement. Alors que, justement, il aurait fallu s’y attarder…

 

La manipulation de l’interprétation des faits : Les membres des CLAP1 qui présentent avec fierté une réussite de la Révolution Bolivarienne sont présentés comme des propagandistes du Gouvernement et leurs explications à propos de ces distributions pratiquement gratuites d’aliments comme de la propagande.

On ne nous dit pas que le Venezuela a un indice de développement humain plus élevé que le Brésil, le Pérou et la Colombie, des pays qui ne sont pas souvent critiqués sur nos antennes…

Mais on nous dit, par contre, que le président Maduro est l’objet de « soupçons de tortures », on évoque des « soupçons de fraude » à propos des élections que le Parti Socialiste Uni a gagnées haut la main (et auxquelles l’opposition a participé). On ne nous dit surtout pas que Alfred de Zayas, l’expert indépendant de l’Organisation des Nations Unies pour la Promotion d’un Ordre International Démocratique et Equitable, a déclaré lors de son séjour au Venezuela que « ce terme de « crise humanitaire » devient facilement un prétexte pour provoquer une intervention destinée à renverser un Gouvernement élu. »

Les « journalistes » qui ont réalisé ce « reportage » sont d’une mauvaise foi évidente. Alors, la question que je me pose et que je vous pose est : « Ont-ils encore droit au nom de « journalistes » ?

 

Source : Bolivar Infos. Relecture par Investig’Action

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