Venezuela: en 2002 déjà, Washington était derrière la tentative de putsch

La tentative de coup d’Etat de mercredi au Venezuela est appuyée par les Etats-Unis et leurs président Donald Trump. Une fois de plus, Washington prétend soutenir la démocratie et les aspirations du peuple. Les Vénézuéliens en auraient plus qu’assez du désastre dans lequel Maduro les aurait plongés. Mais les Etats-Unis n’en sont pas à leur premier coup d’essai. En 2002 déjà, la tentative de putsch contre Chavez portait le sceau de l’impérialisme US, comme Michel Collon l’analysait dans cet extrait du livre Les 7 péchés d’Hugo Chavez. C’est une constante. Washington considère l’Amérique latine comme son jardin privé et a toujours cherché à se débarrasser des dirigeants qui lui désobéissaient. Quitte à appuyer les pires dictatures. Vous avez dit démocratie ?  


L’affrontement est devenu inévitable. Et il se prépare depuis Washington. Le 25 février 2002, Charles Shapiro est désigné comme nouvel ambassadeur des États-Unis à Caracas. Ce n’est pas n’importe qui. Ca fait vingt-quatre ans qu’il s’occupe de l’Amérique latine. Il était conseiller militaire à l’ambassade US de Santiago du Chili lors du coup d’Etat fasciste contre Allende en 1973. Il a été en poste cinq ans au Salvador au plus fort de la répression militaire dans ce pays.

Au même moment, plusieurs hauts gradés de l’armée vénézuélienne appellent publiquement à se débarrasser de Chavez. Ils sont soutenus par la hiérarchie de l’Eglise catholique, toujours très proche des Etats-Unis et de la haute bourgeoisie locale. Les évêques refusent le dialogue proposé par le gouvernement. En février également, Carlos Ortega, leader du syndicat droitier CTV, rencontre à Washington les dirigeants du syndicat AFL-CIO. Comme il a été démontré par des historiens (1), ce syndicat a souvent servi d’intermédiaire pour transmettre des fonds de la CIA à des organisations d’opposants dans certains pays sensibles. Au Chili, par exemple, l’AFL-CIO a aidé l’administration Nixon et les multinationales US à renverser le gouvernement d’Unité Populaire : transferts de fonds vers les mouvements contre-révolutionaires : plus de huit millions de dollars selon le New York Times du 24 septembre 1974, création de groupes paramilitaires pour terroriser les militants de gauche, assistance à la grève des propriétaires de camions qui paralysa l’économie pour créer le chaos, formations en leadership c’est-à-dire à l’agitation anti-Allende… Henry Kissinger a reconnu que les programmes d’éducation en question avaient été un élément important de la politique US contre le Chili. (2) Bref, au niveau de ces dirigeants, on devrait plutôt parler d’AFL-CIA.

Mais l’élément-clé du complot anti-Chavez est incontestablement Otto Reich… Un fameux passé ! Il a joué un rôle décisif dans la déstabilisation du gouvernement de gauche au Nicaragua dans les années 80. Il est en étroite relation avec Orlando Bosch, un des plus grands terroristes du continent latino-américain, impliqué dans l’attentat contre un avion de ligne cubain en 1976, dans l’assassinat du général chilien Letellier en 1978 et de nombreux autres actes terroristes. C’est à un tel homme que George Bush a confié le poste de vice-ministre US des Affaires étrangères pour l’Amérique latine entre 2002 et 2004. Et, en ce début de l’année 2002, Otto Reich se réunit fréquemment avec les chefs de l’opposition vénézuélienne. Particulièrement avec Pedro Carmona, président de Fedecamaras, la fédération des patrons.

La CIA accusée par ses propres documents

Depuis plusieurs années, la CIA ‘arrose’ toutes sortes d’organisations au Venezuela : les partis politiques de droite, mais aussi un ensemble d’associations présentées comme émanant de la société civile et qui en réalité servent de paravent pour renverser le gouvernement et préparer ‘à la chilienne’ : Consorcio Justicia, Accion Campesina, Assamblea de Educacion, Centro al Servicio de la Accion Popular, Instituto Prensa y Sociedad, Associacion Civil Justicia Alternativa, Fundacion Justicia de Paz… Pour se dissimuler, ces financements de la CIA transitent par diverses fondations-écrans. Dont la principale s’appelle NED : National Endowment for Democracy, un organisme étroitement contrôlé par la présidence et le Congrès des Etats-Unis. Durant les premiers mois de 2002, les montants versés augmentent énormément. Comment le sait-on ? Dans son livre Code Chavez – CIA contre Venezuela, l’avocate new yorkaise Eva Golinger a publié de nombreux documents provenant des administrations US elles-mêmes et prouvant l’implication de la CIA dans le coup d’Etat de 2002 (de même que dans les tentatives suivantes pour renverser Chavez). Les noms des agents, les institutions qui servent de paravents et même les montants versés, tout figure dans ce « mode d’emploi du parfait coup d’Etat ».12 Les documents que Golinger a réussi à obtenir démontrent noir sur blanc que la CIA est au courant de tous les préparatifs du coup d’Etat. Dans un rapport envoyé le 5 mars à Washington, il est écrit : « L’armée aussi est divisée en ce qui concerne lee soutien à Chavez… Il sera difficile d’organiser un coup d’Etat. »

Le 1er avril, puis le 6 avril, des rapports assez largement diffusés parmi les hauts fonctionnaires US sont très précis : « Des factions militaires dissidentes, comportant quelques officiers de haut rang mécontents intensifient leurs efforts pour organiser un coup d’Etat contre le président Chavez, probablement au début de ce mois. Les plans détaillés mentionnent l’arrestation de Chavez  et d’autres hauts responsables. » Bien sûr, les Etats-Unis nieront – comme d’habitude – être impliqués dans le coup d’Etat. Mais leurs propres documents prouvent qu’ils étaient au courant des tous les préparatifs, et n’ont en rien averti le gouvernement légal vénézuélien. Bien plus : ils ont augmenté leurs financements aux organisations putschistes. Le 7 avril, le président Chavez destitue six dirigeants de PDVSA pour mauvaise gestion, malversations financières et application d’une politique contraire à celle de l’Etat. Il en a tout-à-fait le droit puisque la société publique du pétrole est placée sous l’autorité de l’Etat. Le 9 avril, le syndicat CTV et le patronat appellent – ensemble ! – à une grève générale. Le 10, ils la proclament d’une durée indéfinie, c’est-à-dire en fait jusqu’au renversement de Chavez. Les télés privées diffusent l’appel à la rébellion d’un des plus haut responsables militaires, le général Nestor Gonzalez Gonzalez.

 

Notes:

  1. Anthony Carew, The origins of CIA financing of AFL programs, CovertAction Quaterly, été 1999.
  2. Lettre ouverte à John Sweeny, président de l’AFL-CIO, www.globalwomenstrike.net

Source: Investig’Action

 

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