Venezuela: ce qu’on ne verra pas à la télévision

Simon de Beer revient d’un voyage de trois semaines au Venezuela. Un séjour surtout touristique qui l’aura notamment poussé à gravir la terrible montage Roraima. Mais, même en vacances, difficile de ne pas ouvrir grand les yeux et les oreilles pour partir à la rencontre de la population dans un pays en pleine mutation, décrié par les médias et menacé de guerre par Trump. Simon nous livre donc un petit compte-rendu “qui ne colle pas tout à fait à ce qu’on voit en général à la télévision”.


Premier constat : les réalisations de la révolution bolivarienne sont impressionnantes

On en parle très peu et c’est bien dommage. Dans le plus petit village reculé, on trouve une école publique entièrement gratuite (matériel et repas compris pour les enfants). L’analphabétisme a été éradiqué et le Venezuela est actuellement le 5e pays au monde avec le plus haut taux d’universitaires. Partout, la population arbore fièrement son cartable aux couleurs du Venezuela, reçu lors de l’inscription à l’école ou à l’université.

Un système de soin de santé – entièrement gratuit lui aussi – couvre tout le pays. Sur une petite île de 2000 habitants où nous avons passé quelques jours, il y a avait carrément un mini-hôpital, avec dentiste, gynécologue et même un petit laboratoire. « Tous les soins sont gratuits » lisait-on en six langues à l’entrée. Ayant tous les deux attrapé un sale virus, nous avons été reçus un dimanche sans rendez-vous et sans attente, et sans débourser le moindre centime, malgré que nous soyons étrangers. « Au Venezuela, la santé est un droit garanti par la constitution » expliquait fièrement l’infirmière qui nous a pris en charge.

Caracas, la capitale, a un métro moderne et… gratuit (une bonne leçon pour ceux qui prétendent que rendre les transports en commun moins chers à Bruxelles est impossible). Des centaines de milliers de logements sociaux y ont été construits. Des bidons-villes entiers ont littéralement été transformés en logements. Nous avons pu visiter un quartier totalement nouveau inauguré l’année dernière. A l’échelle du pays, on parle de 2 millions de nouveaux logements depuis 2012.

Au niveau démocratique, de grandes avancées ont aussi été réalisées. Le peuple s’est littéralement ré-approprié la politique. Des comités de quartiers ont été mis en place partout pour traiter des questions locales. Les gens sont toujours ravis de discuter politique. « Avant Chavez nous vivions dans une démocratie de façade », m’a expliqué un chauffeur de taxi. Avant d’ajouter : « Mais il faut aussi que tu parles à d’autres personnes, pour te faire ta propre opinion.»

Les indigènes ne sont plus considérés comme des citoyens de seconde zone. « Chavez nous a apportés le droit au travail et le droit à l’éducation », nous a ainsi raconté un membre d’une communauté indigène de la région de Canaima. « Avant, nous n’avions tout simplement aucun droit. »

 

Le peuple vit actuellement une crise très dure

Grâce à la politique sociale du gouvernement, aux magasins sociaux, aux cantines populaires, à la médecine gratuite, etc., le peuple ne vit pas dans la misère et ne meurt pas de faim, comme on lit régulièrement dans nos médias (et comme c’est le cas dans d’autres pays d’Amérique latine). Néanmoins, on ne peut nier que les temps sont durs. Le pouvoir d’achat est considérablement limité. Les prix augmentent sans cesse et la monnaie perd de sa valeur, malgré les augmentations régulières des salaires. Ce qui est un vrai casse-tête au quotidien.

L’origine de ce problème vient des grands groupes privés, qui contrôlent encore l’essentiel de l’économie, et qui mènent une guerre économique très dure contre le Venezuela depuis quatre ans. Un peu comme ce fut le cas en 1973 contre le Chili d’Allende.

C’est aussi dû au fait que l’économie du Venezuela reste trop dépendante du pétrole et peine à développer un secteur productif national et indépendant. C’est évidemment l’un des grands défis du gouvernement.

Résultat, même si l’actuel président Maduro reste très populaire – comme en témoignent encore les dernières élections – une partie du peuple se laisse séduire par le discours de l’opposition de droite, qui surfe sur un certain mécontentement ambiant et espère ainsi revenir au pouvoir.

 

Et l’opposition alors ?

On entend souvent dans nos médias que le Venezuela est une dictature, où l’opposition serait bâillonnée. Quelques heures sur place vous prouvent directement le contraire. 90% des chaînes de télé sont aux mains de l’opposition. On y entend toute la journée des critiques sur le gouvernement. Les gens s’expriment librement (ils adorent d’ailleurs discuter, quelles que soient leurs opinions). Les routes touristiques sont largement dominées par l’opposition. Et ils ne se privent pas de vous dire tout le mal qu’ils pensent de Chavez et Maduro, avec une mauvaise foi parfois déconcertante.

Quelques petits extraits choisis de nos conversations :

« Avant nous vivions dans un quartier avec uniquement des gens convenables, bien éduqués. Mais le gouvernement a construit des logements sociaux et maintenant il y a des pauvres dans le quartier. On n’est plus en sécurité. Si le gouvernement le demande, ils nous attaqueront avec des pierres. Regardez comme ils pendent leur linge aux fenêtres ! Ils ne sont pas civilisés. »

« Avant nous vivions dans un pays avec des valeurs. Il y avait de la méritocratie. Aujourd’hui tout le monde peut aller à l’université et avoir un travail. Résultat ? C’est le nivellement par le bas. »

« Avant Chavez, on vivait bien. On trouvait tout ce que l’on voulait dans les magasins. On pouvait choisir entre 10 marques pour chaque produit. Le pays ne connaissait pas la crise. »
NB : avant Chavez, il y avait une taux de pauvreté de 80%… Ce taux est descendu à 26% en 2014 (avant la crise actuelle).

 

Bref, ce qui se joue au Venezuela, ce n’est pas question de « démocratie », comme on lit dans nos médias. L’immense majorité des gens n’a en fait jamais joui d’autant de liberté qu’aujourd’hui (sur les plans politiques, éducatifs, sociaux-économiques, culturels et autres).

Ce qui se joue au Venezuela, c’est un conflit entre deux catégories sociales opposées : le peuple d’un côté, les riches privilégiés de l’autre côté.

Le peuple qui essaie de redresser la tête après des décennies de misère, en cherchant sa propre voie vers le progrès social. Les riches, soutenus par les multinationales étrangères et les Etats-Unis, qui refusent de voir leurs anciens privilèges s’envoler. Ils ne supportent pas de voir les richesses colossales du Venezuela aller dans des programmes sociaux plutôt que dans leur poche. Et ils sont prêts à tout pour renverser le gouvernement en place.

Pour ma part, sans idéalisation, le Venezuela reste quand même une source d’inspiration face à ceux qui répètent inlassablement qu’on ne peut pas investir dans le logement social, développer les transports en commun ou faire baisser les coûts de l’enseignement et de la médecine. Certes, tout n’est pas parfait, mais le Venezuela nous montre à sa façon que d’autres choix sont possibles. Et rien que pour ça, ce pays mérite le détour.

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