USA : Pourquoi ils ne partiront pas de l’Afghanistan

L‘ancien conseiller à la sécurité nationale et psychopathe certifié John Bolton a publié un nouvel article d’opinion dans Foreign Policy intitulé « Bring the Troops Home Is a Dream, Not a Strategy » (« Ramener les troupes à la maison est un rêve, pas une stratégie »), ce qui ne devrait surprendre personne, mais devrait hérisser tout le monde à la fois. Le fait que ce reptile continue d’être accueilli sur des plateformes médiatiques grand public après s’être constamment avéré un menteur sanguinaire est la preuve que nous sommes piégés dans un empire mondial qui se nourrit de cadavres humains.

A chaque fois qu’il l’a pu, John Bolton n’a pas manqué de préconiser des massacres militaires déments. Non seulement il reste l’un des seuls personnages au monde à insister sur le fait que l’invasion de l’Irak était une excellente idée, mais il a même soutenu que la déstabilisation et le chaos causés par l’invasion ne peuvent pas être attribués à la guerre du président George W. Bush, car on ne peut pas prouver que « tout ce qui a suivi la chute de Saddam Hussein a été inévitablement, uniquement et inaltérablement une conséquence de la décision de le renverser ».

Il existe des histoires sur Bolton menaçant, agressant et intimidant toute personne ayant moins de pouvoir que lui, si elle se mettait en travers de son chemin ; il a un jour menacé de s’en prendre aux enfants de l’ancien directeur général de l’OIAC, Jose Bustani, parce que Bustani interférait dans les tentatives américaines de manipuler l’opinion en faveur de la guerre en Irak.

Dans toute civilisation un tant soit peu saine, une telle créature serait chassée de toutes les villes où elle tenterait d’entrer. Au lieu de cela, il bénéficie des feux de la rampe quand il le souhaite, tandis que les anti-impérialistes honnêtes et intelligents sont relégués aux blogs alternatifs et aux podcasts marginaux. Ce ne serait pas le cas si nous ne vivions pas dans un empire dont la cohésion est assurée par la guerre et la propagande de guerre.

Et voilà que je digresse avant même le début de mon article.

 

(Tweet : Le peuple américain est fatigué des engagements militaires à l’étranger. Les universitaires sont d’accord, les Démocrates presque unanimement d’accord, et même certains Républicains sont d’accord.

Mais ils ont tous tort, écrit l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, John Bolton.)

Quoi qu’il en soit, dans son article sur Foreign Policy, Bolton soutient que le retrait des troupes américaines d’Afghanistan serait une erreur, car il conduirait à l’invasion de la nation par Daesh et Al Qaïda.

« Si les Talibans reprennent le pouvoir dans la totalité ou la majeure partie du pays, l’opinion presque consensuelle à Washington aujourd’hui est la quasi-certitude qu’al-Qaïda, l’État islamique et d’autres reprendront l’Afghanistan comme base d’opérations », écrit Bolton.

Le consensus de l’empire américain

Ce sont des mots très étranges à taper, mais John Bolton a raison. Il y a un consensus au sein du centre de l’empire américain selon lequel c’est ce qui va arriver. Cela se voit aisément, parce que c’est ce que les médias de l’empire ont martelé toute l’année.

Dans un article publié en mars par Vox et intitulé « Le meilleur argument contre le retrait des troupes américaines d’Afghanistan », Lisa Curtis, membre du du think tank financé par le complexe militaro-industriel Center for a New American Security, explique que le retrait des troupes peut conduire à une insurrection terroriste désastreuse, avec pour conséquence prévisible un nouveau renvoi de troupes sur place.

« Prenons l’exemple de l’Irak », dit Curtis. « Lorsque les États-Unis ont retiré leurs troupes, Daesh a progressé et pris le contrôle de Mossoul en 2014. Nous avons dû renvoyer des troupes en Irak, et en nombre encore plus important, et nous avons dû redoubler d’efforts pour endiguer la montée de Daesh. »

Un article de Bloomberg de ce mois-ci intitulé « Biden’s Afghan Pullout Is Risky Politics and Geopolitics » (« Le retrait de Biden d’Afghanistan est de la politique et de la géopolitique risquées ») véhicule le même message :

Et une fois que les États-Unis auront quitté l’Afghanistan, au motif qu’ils doivent se concentrer sur d’autres priorités, il deviendra inévitablement plus difficile de convoquer l’attention de haut niveau et la volonté politique nécessaires pour contrôler les menaces émergentes. C’est ce qui s’est passé en Irak en 2013-2014 : Des responsables de niveau intermédiaire avertissaient, publiquement, que Daesh était en marche, mais ce n’est qu’après la chute d’un tiers du pays que la question a été inscrite à l’ordre du jour de l’administration de Barack Obama. »

Un article du Financial Times paru il y a quelques jours et intitulé « Le retrait risqué de Biden en Afghanistan » dit la même chose :

Biden lui-même est bien conscient des risques. C’est lui, en 2011, qui a pris en charge le retrait définitif d’Irak. En deux ans, les forces américaines ont été aspirées de nouveau dans la région par la propagation rapide de Daesh à travers l’Irak et la Syrie. À l’époque, comme aujourd’hui, la tentation de proclamer la fin des « guerres sans fin » de l’Amérique l’a emporté sur les avantages de conserver une empreinte américaine pour se garantir contre une nouvelle détérioration. »

Nous entendons le même discours, encore et encore, chaque fois qu’il est question de retirer les troupes américaines d’une région, qu’il s’agisse de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Syrie : ce sera de nouveau comme le désastreux retrait d’Irak du président Barack Obama.

 

(Tweet : Le retrait risqué de Biden en Afghanistan)

Obama avait retiré les troupes au début de son mandat, mais en 2014, l’Irak était tellement miné par l’État islamique qu’il a fallu y retourner pour les combattre.

En effet, depuis la montée de Daesh, la doctrine officielle de Washington veut qu’Obama ait eu tort de retirer ses troupes d’Irak, et cette doctrine est devenue officielle à cause de la pression frénétique exercée dès le début pour endoctriner les décideurs politiques de Washington.

Dès que c’est devenu possible, nous avons eu des articles d’opinion de bellicistes malfaisants tels que l’ancien vice-président américain Dick Cheney, selon qui les retraits de troupes sont toujours mauvais et erroné, et qui ont effectivement crié « VOUS VOYEZ ? C’est TOUJOURS une erreur de mettre fin aux guerres ! » pour garantir qu’une présence militaire mondiale réduite ne devienne jamais la nouvelle norme de l’empire américain. Depuis ce jour, le retrait d’Obama de l’Irak a été utilisé pour marteler la fiction selon laquelle retirer des troupes est toujours « risqué » et irresponsable. Les bellicistes ont éprouvé une joie démente, presque orgasmique, à l’idée qu’ils tenaient enfin la preuve que toute réduction de l’expansionnisme militaire américain était une mauvaise chose. [1]

Le problème ? C’est de la foutaise.

Une occupation en cours de privatisation

C’est de la foutaise pour plusieurs raisons, d’abord parce que les États-Unis ne se retirent pas de l’Afghanistan ; ils ne font que privatiser l’occupation. Les mercenaires, les forces spéciales, les agents de la CIA et les frappes aériennes resteront. Et cela, en supposant qu’il y ait même un quelconque retrait des troupes ; à l’heure actuelle, les États-Unis renforcent au contraire leur présence militaire en prévision des représailles des Talibans, qui ne manqueront pas de se produire à la suite de la rupture du traité qui impose le départ des Américains à la date limite convenue du 1er mai, la logique étant, je suppose, la suivante : « Nous devons envoyer plus de forces en Afghanistan avant de quitter l’Afghanistan, parce que nous devons tuer tous les Afghans qui veulent que nous quittions l’Afghanistan au moment où nous avions dit que nous partirions ».

De toute façon, les faucons de guerre ne s’inquiètent pas vraiment de perdre le contrôle de l’Afghanistan, ils ne veulent tout simplement que les gens deviennent trop pacifistes ; ils ont fait les mêmes crises de nerfs lorsque Trump avait demandé des retraits qui ne se sont jamais produits non plus.

Deuxièmement, c’est de la foutaise parce que les faucons de guerre mentent sur la raison pour laquelle les États-Unis sont retournés en Irak en 2014.

 

(Tweet de 2020 : C’est absolument un élément important de l’équation à Bagdad.

Comme me l’a dit un haut fonctionnaire irakien hier soir : « N’oubliez pas que [Soleimani] a été le premier à venir nous aider à combattre Daesh. Sans lui, Bagdad et Erbil auraient pu tomber ».)

Les États-Unis ne sont pas rentrés en Irak en 2014 pour stopper Daesh, les États-Unis sont rentrés en Irak en 2014 pour empêcher Qasem Soleimani de stopper Daesh.

Cela n’a rien d’un secret. En 2014, le commandant de la Force Al-Qods d’Iran aidait déjà à repousser [2] l’État islamique en Irak, et les responsables irakiens ont rappelé au monde entier, après son assassinat l’année dernière aux mains de l’administration Trump, que Soleimani avait joué un rôle clé dans les premières victoires contre l’entité terroriste. Les dirigeants sunnites irakiens avaient déclaré ouvertement qu’ils se tourneraient vers l’Iran pour obtenir de l’aide si les États-Unis ne prenaient pas l’initiative contre Daesh, et l’Iran avait déjà manifesté sa volonté de mettre les forces de combat notoirement efficaces de Soleimani au service de cette entreprise.

Si les États-Unis avaient été un pays normal, et non le centre décisionnel d’un empire planétaire déterminé à dominer indéfiniment le monde, le choix évident à ce moment-là aurait été de laisser les habitants de cette partie du monde régler leurs propres affaires de la manière qui leur semblait la meilleure. Parce que les États-Unis sont la plaque tournante d’un empire qui ne peut tolérer l’idée qu’une autre puissance soit dominante dans une région riche en pétrole qu’il cherche à contrôler pour des raisons géostratégiques, il était impensable de permettre à l’Iran et à l’Irak de s’allier aussi étroitement.

Les Occidentaux se sont vus servir un mensonge

Comme d’habitude, le récit que l’on a servi aux Occidentaux sur la présence de troupes américaines au Moyen-Orient pour « combattre les terroristes » était un mensonge. Il s’agissait de contrôle géostratégique du monde et de ses ressources, comme toujours.

La soi-disant « guerre contre le terrorisme » n’a jamais eu pour but de vaincre des factions extrémistes violentes, mais plutôt d’empêcher les nations de la région de compter sur l’Iran et ses alliés pour les vaincre, et de justifier un expansionnisme militaire sans fin dans une région-clé géostratégique. Il s’agissait de s’assurer que l’alliance menée par les USA soit la force militaire dominante au Moyen-Orient, et non l’Iran et d’autres puissances non alignées comme la Russie et la Chine.

Le général Qassem Soleimani était le meilleur argument contre la « guerre contre le terrorisme », et était le leader le plus apte à sécuriser la région contre le danger des factions extrémistes violentes comme Daesh et Al-Qaïda.

C’est pourquoi il est aujourd’hui mort.

 

(Tweet de 2015 : L’Iranien Qassem Soleimani guide des forces irakiennes dans la lutte contre Daesh)

Le monde n’a pas besoin de l’empire américain pour faire sa police. Les gens peuvent régler leurs propres problèmes, si seulement on les laisse faire. L’Irak et ses voisins peuvent régler leurs propres problèmes, tout comme l’Afghanistan et ses voisins. La seule violence qui risque de s’abattre sur l’Amérique et ses frontières si faciles à défendre est le résultat direct de l’agression et de la belligérance incessantes de l’empire américain, qui a déjà tué des millions de personnes et déplacé des dizaines de millions d’autres personnes au cours de ce seul début de siècle. Il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas tous vivre et laisser vivre, coopérer et commercer en paix, et nous passer de toutes ces invasions, occupations et renversements de gouvernements souverains.

Le besoin de l’empire de contrôler les affaires du monde est comme un macrocosme d’un ego humain dénué de limites, [3] qui vit dans la peur que quelque chose de mal lui arrive s’il ne peut pas tout contrôler. Mais le monde ne peut pas être contrôlé, et les tentatives dans ce sens ne peuvent que conduire au désordre et à la souffrance. Notre espèce ne survivra pas si nous n’apprenons pas collectivement à renoncer à l’impulsion de tout contrôler, tant sur le plan individuel que collectif, et à laisser la vie danser à son propre rythme sur cette belle planète bleue.

 

 

Source originale: Consortium News 

Traduction: Entelekheia

 

Notes de la traduction :

[1] Le Secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a répété comme un perroquet le même mantra à propos de la présence des troupes alliées des USA en Afghanistan : « si nous partons, nous risquons de voir le pays redevenir le refuge du terrorisme international».
Le message est passé, la leçon a été bien apprise.

[2] Ce que dit le chapitre sur lequel le lien Wikipedia en anglais donné par l’auteur pointe, traduction :

« Combat contre l’État islamique

Le commandant de la force Al-Qods, le général Qassem Soleimani, a participé à la planification et à l’exécution de l’opération visant à expulser l’État islamique de Tikrit.

En 2014, la force Al-Qods a été déployée en Irak pour mener l’action iranienne contre l’État islamique. L’Iran a envoyé trois bataillons de la Force Quds pour aider le gouvernement irakien à repousser l’offensive de Daesh dans le nord de l’Irak en 2014 [89] Plus de 40 officiers ont participé à la deuxième bataille de Tikrit, dont le commandant de la force, le général Qassem Soleimani qui a joué un rôle de premier plan dans l’opération. »

[3] Un ego infantile, dénué de surmoi (à savoir de limites éthiques), dominé par des fantasmes d’omnipotence – et par conséquent par une volonté paranoïaque de contrôle – est la définition exacte de l’ego d’un psychopathe. C’est très objectivement de cette façon que dans leur ensemble, les membres de ce que l’ancien analyste de la CIA devenu lanceur d’alerte Ray McGovern appelle avec justesse le « MICIMATT » (Complexe militaro-industriel-du Congrès-du renseignement-des médias-des universités-des think tanks américains) se comportent.

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