USA : adieu, démocratie

Quelles que soient les conséquences géopolitiques et géo-économiques de la spectaculaire dystopie américaine, le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine, dans leurs propres registres légèrement différents, a déjà voté sur la voie à suivre.

 

Voici comment j’ai défini [lien en français] ce qui est au cœur du plan quinquennal chinois 2021-2025, approuvé lors du plénum à Pékin la semaine dernière.

Voici l’interprétation standard d’un groupe de réflexion chinois. [Voir note 1]

Et voici un contexte particulièrement pertinent qui montre à quel point la sinophobie est omniprésente face à un modèle de gouvernance « made in China » extrêmement efficace. Cette étude montre comment l’histoire, la culture et les axiomes civilisationnels complexes de la Chine ne peuvent tout simplement pas s’inscrire dans la vision du monde hégémonique occidentale. [Voir note 2]

Le « secret » pas si caché du plan quinquennal 2021-2025 de la Chine – que le Global Times a décrit comme « l’autonomie économique » – est de fonder le poids géopolitique croissant de l’État-civilisation sur ses percées technologiques.

Il est essentiel que la Chine soit sur une voie « autonome », c’est-à-dire qu’elle ne dépende que très peu, voire pas du tout, d’apports étrangers. Un horizon clair – « pragmatique » – a même été fixé : 2035, à mi-chemin entre aujourd’hui et 2049. D’ici là, la Chine devrait être à égalité, voire dépasser les États-Unis en termes de puissance géopolitique, géo-économique et technologique.

C’est la raison pour laquelle les dirigeants chinois étudient activement la convergence de la physique quantique et des sciences de l’information – ce qui est considéré comme l’épine dorsale de la poussée du Made in China vers la quatrième révolution industrielle.

Le plan quinquennal indique clairement que les deux vecteurs clés sont l’intelligence artificielle et la robotique, domaine dans lesquels la recherche chinoise est déjà très avancée. Les innovations dans ces domaines donneront lieu à une matrice d’applications dans tous les domaines, des transports à la médecine, sans même parler de l’armement.

Huawei est essentiel dans ce processus en cours, car il ne s’agit pas d’un simple mastodonte de données, mais d’un fournisseur de hardware qui crée des plates-formes et l’infrastructure physique nécessaire à une foule d’entreprises pour développer leurs propres versions de villes intelligentes, de villes sûres – ou de médicaments.

Le grand capital – de l’Orient et de l’Occident – est en phase avec la direction que prend tout cela, un processus qui implique également les principaux centres des nouvelles Routes de la soie. En accord avec le scénario de la « terre d’opportunité » du XXIe siècle, le grand capital migrera de plus en plus vers l’Asie de l’Est, la Chine et ses pôles de la Route de la soie.

Cette nouvelle matrice géo-économique s’appuiera principalement sur les retombées de la stratégie « Made in China 2025 ». Un choix clair se présentera à la plus grande partie de la planète : « gagnant-gagnant » ou « jeu à somme nulle ». [3]

Les échecs du néolibéralisme

Après avoir observé le puissant affrontement, renforcé par le Covid-19, entre le paradigme néolibéral et le « socialisme avec des caractéristiques chinoises », le Sud global commence seulement à en tirer les conclusions qui s’imposent.

Aucun tsunami de propagande occidentale ne peut édulcorer ce qui est en fait un effondrement idéologique dévastateur.

L’échec du néolibéralisme dans le traitement du Covid-19 est manifeste dans tout l’Occident.

La dystopie électorale américaine est en train de sceller l’échec de la « démocratie » libérale occidentale : quel genre de « choix » offre Trump-Biden ?

Cela se produit au moment même où le « Parti communiste chinois », ultra-efficace et implacablement diabolisé, déploie sa feuille de route pour les cinq prochaines années. Washington n’est même pas capable de planifier ce qui se passera le jour suivant.

L’idée originale de Trump, suggérée par Henry Kissinger avant l’investiture de janvier 2017, était de jouer – quoi d’autre – au jeu de la division pour régner, en séduisant la Russie contre la Chine.

C’était inconcevable pour l’État profond et ses sbires Démocrates. D’où la diabolisation impitoyable de Trump qui s’en est suivi, notamment avec le Russiagate. Et puis Trump a unilatéralement choisi de sanctionner et de diaboliser la Chine quand même.

Dans l’hypothèse d’une victoire des Démocrates, le scénario se tournera vers une diabolisation de la Russie sous stéroïdes, alors même que la guerre hybride hystérique contre la Chine persistera sur tous les fronts – Ouïgours, Tibet, Hong Kong, mer de Chine méridionale, Taïwan.

Comparons maintenant tout ce qui précède avec la feuille de route russe.

Elle a été clairement énoncée dans les interventions du ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov et du président Poutine, lors des récentes discussions du Club Valdai.

Poutine a fait une affirmation clé sur le rôle du Capital, en soulignant la nécessité « d’abandonner la pratique de la consommation effrénée et illimitée – la surconsommation – au profit d’une consommation judicieuse et raisonnable, où on ne vit pas seulement pour aujourd’hui mais qu’on pense aussi à demain ».

Poutine a de nouveau souligné l’importance du rôle de l’État : « L’État est un élément nécessaire, il n’y a pas moyen […] de se passer du soutien de l’État. »

Et, de concert avec les expérimentations chinoises quotidiennes, il a ajouté qu’en fait, il n’y a pas de règles économiques gravées dans le marbre : « Aucun modèle n’est pur ou rigide, ni l’économie de marché ni l’économie planifiée aujourd’hui, mais nous devons simplement déterminer le niveau d’implication de l’État dans l’économie. Sur quoi nous fondons-nous pour prendre cette décision ? L’efficacité. Nous devons éviter d’utiliser des modèles, et jusqu’à présent, nous avons réussi à les éviter ».

Poutine, pragmatique, a défini la manière de déterminer le rôle de l’État comme « une forme d’art ».

Et il a donné l’exemple suivant : « En maintenant l’inflation un peu plus élevée, il sera plus facile pour les consommateurs et les entreprises russes de rembourser leurs emprunts. C’est économiquement plus sain que les politiques déflationnistes des sociétés occidentales ».

Conséquence directe des politiques pragmatiques de Poutine – qui comprennent des programmes sociaux de grande envergure et de vastes projets nationaux – l’Occident ignore que la Russie pourrait bien être en passe de dépasser l’Allemagne en tant que cinquième économie mondiale.

En fin de compte, le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine offre, en particulier aux yeux du Sud global, deux approches radicalement distinctes du dogme néolibéral occidental standard. Et cela, pour l’ensemble de l’establishment américain, est inconcevable.

Ainsi, quel que soit le résultat du « choix » entre Trump-Biden, le conflit entre la puissance hégémonique et les deux principaux pays souverains ne peut que devenir plus incandescent.

 

Source: Entelekheia
Photo Kalhh / Pixabay

Notes de la traduction :

[1] Résumé en quelques mots du ton de l’article du think tank chinois Center for China and Globalization donné en lien : Les USA croient, selon l’auteur, à une superstition primitive selon laquelle un système de libre marché fonde la meilleure forme de gouvernement possible, et la plus morale. Mais cela n’est pas vrai. Quarante ans de réformes en Chine ont démontré que le socialisme avec des caractéristiques chinoises donne de bien meilleurs résultats. Par exemple, selon la Banque mondiale, le PIB par habitant est passé de l’équivalent de 89,5 dollars en 1960 à 10 262 dollars en 2019, soit une multiplication par 115…

[2] Court résumé de l’essai donné en lien : La Chine est une société traditionnelle, dont la pensée et le pragmatisme s’ancrent dans ses millénaires d’histoire. Elle est avant tout préoccupée de synchroniser ses actions avec le « chemin » (tao) de la nature et le « chemin » (tao) de la vie. « Le fait est que la sagesse de son savoir hérité et de son domaine culturel, est ce qui a rendu possible le miracle économique chinois de ces 40 dernières années ».
De sorte qu’elle ne peut en aucun cas se laisser imposer le paradigme libéral occidental, selon elle parce que c’est un modèle perdant.

[3] La stratégie « gagnant-gagnant », à savoir un schéma d’échanges et de commerce où tout le monde gagne, est prônée par Xi Jinping contre le modèle « jeu à somme nulle » des USA, dans lequel ce que l’un gagne, l’autre le perd.

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