Une nouvelle étude met en garde : le nombre de décès du Covid-19 est beaucoup plus élevé que rapporté

Selon une nouvelle étude de l’Université de Washington, le nombre de décès du Covid-19 dans le monde s’élève à près de 7 millions. C’est plus du double du nombre déclaré. Ces nouveaux chiffres nous permettent de comprendre la gravité de la pandémie. Au vu des nouveaux variants, ce n’est pas un luxe.

 

Une grave sous-estimation

Mesurer, c’est connaître. Et spécialement en période de pandémie, mesurer correctement est très important. Les chiffres que nous utilisons habituellement pour les décès par Covid-19 sont les chiffres rapportés par les autorités nationales. Mais ces chiffres se révèlent grossièrement sous-estimés par rapport au nombre réel.

Sur la base des chiffres rapportés, l’Université Johns Hopkins et Worldometer arrivent à un total de 3,4 millions de décès dans le monde aujourd’hui. En réalité, le nombre de décès du covid est de 6,9 millions, soit plus du double de ce qui est officiellement enregistré.

Cette conclusion émane de l’Institut de statistiques et d’évaluation de santé publique (IMHE) de l’université de Washington. « De nombreux pays ont fait des efforts extraordinaires pour mesurer le bilan de la pandémie, mais notre analyse montre à quel point il est difficile de suivre avec précision une maladie infectieuse nouvelle et à propagation rapide », a déclaré Christopher Murray, directeur de l’IHME. Cette analyse confirme ce que soupçonnaient de nombreux experts, à savoir que les taux de mortalité officiels étaient souvent une gravement sous-estimés.(1)

Presque toutes les régions du monde font état d’un nombre trop faible de décès dus à la maladie, mais dans certains pays, ce nombre est particulièrement critique. En Biélorussie, il y a 17 fois plus de morts du Covid-19 que de décès déclarés. Au Kazakhstan et en Azerbaïdjan, il est presque 15 fois plus élevé. En Égypte, 13 fois et, fait frappant, au Japon, 10 fois. En Russie, il est sous-estimé cinq fois et en Inde et au Mexique trois fois.

La Belgique déclarait 24.749 décès du Covid le 19 mai. Selon l’IMHE, ce nombre est supérieur de 2040, soit 26.789. En France, il y a 108.040 décès déclarés et 138.567 décès réels selon l’IMHE. Cela représente une différence de 30.527.

Motifs de la sous-évaluation

Quelles sont les raisons de cette sous-estimation ? Tout d’abord, la capacité de test varie fortement d’un pays à l’autre. Si les capacités de dépistage sont faibles, de nombreux décès du Covid ne sont pas inclus dans les chiffres.

En outre, dans de nombreux pays, les décès dus au Covid-19 ne sont signalés que s’ils surviennent dans des hôpitaux ou chez des patients dont l’infection a été confirmée. Les patients qui meurent à domicile ou dont l’infection n’a pas été diagnostiquée ne sont pas comptabilisés. Dans certains pays, ces chiffres sont élevés en raison de la faiblesse des systèmes d’information sanitaire ou de l’accès limité aux soins de santé. Dans beaucoup de pays à revenu élevé, nombre de décès dus au Covid-19 chez des personnes âgées en établissement de soins n’ont pas été enregistrés au cours des premiers mois de la pandémie.

Méthodologie

Selon l’IMHE, le calcul correct du nombre total de décès du Covid-19 est important pour comprendre les causes des épidémies plus ou moins importantes dans les différents pays, afin d’estimer correctement la gravité de l’épidémie et également pour faire de meilleures prévisions concernant la propagation du virus.

L’IHME calcule le nombre total de décès du Covid-19 en comparant le nombre attendu de décès, toutes causes confondues, sur la base des tendances avant la pandémie, avec le nombre réel de décès, toutes causes confondues, pendant la pandémie. Cette surmortalité est corrigée en éliminant les décès qui peuvent être attribués indirectement à la pandémie (par exemple, le report d’interventions urgentes par manque de lits dans les unités de soins intensifs) ou les décès qui sont évités par la pandémie (par exemple, moins de décès dans la circulation routière en raison d’une mobilité réduite) (2).

On obtient ainsi le nombre de décès causés directement causés par le SARS-CoV-2, autrement dit, les décès dus à la Covid-19.

Les morts du Covid-19 dans le monde

 L’étude IMHE nous donne un tableau réel de la pandémie dans le monde. Les USA comptent actuellement plus de 900.000 morts du Covid-19 et l’Inde environ 650.000. Au Mexique, au Brésil et en Russie ce chiffre est approximativement de 600.000. Le top 10 comprend deux pays européens : le Royaume Uni et l’Italie.

 

L’Azerbaïdjan a le douteux honneur de la première place en morts du Covid-19 par 100.000 habitants, soit 659. Le Vietnam a le meilleur score avec 0,1 par 100.000 habitants.

De toutes les régions ou grands pays, c’est la Chine qui a le meilleur score de morts du Covid-19 par habitant (3). L’Afrique et l’Asie s’en tirent globalement assez bien pour le moment. En Amérique du Nord et du Sud, en Europe et en Asie centrale on a en moyenne dix fois plus de morts du Covid-19 par habitant qu’en Afrique.

En Europe occidentale le Royaume-Uni est le plus mauvais élève de la classe, suivi de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal et de la Belgique. L’Islande est de loin la meilleure élève, suivi par la Norvège et le Danemark.

L’Asie de l’Est est la région où quelques pays ont su tuer le virus dans l’œuf : Vietnam, Taïwan, Chine, Nouvelle- Zélande, Singapour, Thaïlande, Corée du Sud et Australie. Par comparaison, des pays comme le Japon, l’Inde, l’Indonésie et les Philippines ont fait beaucoup moins bien.

Tout comme l’Asie de l’Est, le continent américain présente des différences remarquables. Les trois plus grand pays, les États-Unis, le Brésil et le Mexique, s’en tirent très mal, de même que le Pérou, l’Équateur et la Bolivie. Par contre les chiffres sont remarquablement bons pour le Nicaragua, Cuba et le Venezuela. C’est d’autant plus surprenant que ces trois pays sont frappés de lourdes sanctions économiques. La qualité des soins de santé ainsi que la mobilisation de la population y sont pour beaucoup.

Perspectives pour la COVID-19

Sur la base des chiffres actuels, l’IHME prévoit 9 à 10 millions de décès dans le monde d’ici le début de l’automne. La grippe ordinaire tue en moyenne 650.000 personnes chaque année. Le bilan de la grippe russe (1889), de la grippe asiatique (1957) et de la grippe de Hong Kong (1968) fut d’environ un million de morts. La grippe porcine (2009) a fait 200 000 victimes.

Les chiffres actuels et provisoires sont encore bien inférieurs à ceux de la grippe espagnole (1918), qui a causé des dizaines de millions de morts. Mais à cette époque, il n’y avait pas de vaccin, les mesures d’hygiène étaient quasi inexistantes et les soins de santé encore très rudimentaires. En tout cas, il est clair que nous n’avons pas affaire à une “grippette“, comme on l’a parfois cru au début de la pandémie.

La bonne nouvelle c’est que les vaccins donnent actuellement de bons résultats en réduisant le nombre de contaminations et d’admissions à l’hôpital (4). Le facteur d’incertitude pour l’avenir est celui des variants. On ignore si et dans quelle mesure les vaccins offrent une protection contre les variants indien et brésilien, par exemple.

Il est donc important que toute la population mondiale, et pas uniquement les pays riches, soit vaccinée le plus rapidement possible. La levée des brevets est une condition préalable absolue pour y parvenir.

 

 

Source originale: De Wereld Morgen

Traduction du néerlandais : Anne Meert pour Investig’action

Photo: Ninian Reid, Flickr / CC BY 2.0

 

Notes

(1) Selon une étude récente de The Economist, ce chiffre est encore plus élevé. Le chiffre se situe entre 7 et 13 millions.

(2) Une description plus détaillée de la méthodologie : ici

(3) Concernant les morts du Covid-19 il n’est pas évident de comparer des pays, parce que des facteurs déterminants tels que la démographie, la densité de la population et la mobilité peuvent varier d’un pays à l’autre. Ce genre de comparaison est pourtant pertinente et intéressante quand il s’agit de pays où les facteurs sont similaires. C’est ainsi qu’on peut comparer le Nicaragua avec l’Équateur et le Pérou. La comparaison est également utile lorsque les différences entre taux de mortalité sont grandes voire très grandes. Les différences entre la Chine et le Japon ou l’Inde, par exemple, sont très frappantes et très significatives.

(4) Là où le taux de vaccination est le plus élevé, les chiffres de la mortalité sont généralement lissés ou réduits. En ce moment il y a au moins huit endroits où on a suffisamment vacciné pour couvrir au moins 40 % de la population.

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