Ukraine: Le chemin vers la guerre inévitable

Malgré des décennies de mises en garde russes au sujet de l’extension de l’OTAN, et en dépit des efforts sincères de certains pays européens, l’OTAN et ses maîtres étasuniens ont persisté sur une voie menant à ce qui allait devenir une guerre inévitable. Peut-on dès lors prendre au sérieux les nombreuses déclarations des Etats-Unis et de l’OTAN selon lesquelles ils “avaient épuisé tous les efforts diplomatiques”? Les faits montrent que non.


Au cours d’un recent entretien avec le magazine allemand Der Spiegel, l’ancienne Chancelière et poids lourd de la politique européenne Angela Merkel a révélé que les accords de Minsk, traité diplomatique exhaustif conclu en 2015 par l’UE, les Etats-Unis, la Russie et Kiev pour mettre fin à la guerre civile dans l’est de l’Ukraine, avait été contourné par les Ukrainiens dans une tentative de gagner du temps afin d’accroître leurs capacités militaires.

Le fait que les Etats-Unis n’aient pas jugé prioritaire d’appliquer ces accords, pourtant unanimement considérés comme une solution vraiment viable au conflit, en dit long sur la sincérité de la position étasunienne. Juste avant les révélations fracassantes de Merkel, l’ex-président ukrainien  Petro Poroshenko, enregistré à son insu, avait lui aussi reconnu que ce processus avait été dévoyé par l’Ukraine et utilisé pour préparer la guerre contre la Russie.

Compte tenu des contacts étroits entre l’OTAN et l’Ukraine pendant cette période, il est difficilement concevable que cette manipulation du processus de paix se soit produite sans que l’OTAN et les Etats-Unis d’Amérique en aient été pleinement informés et l’aient probablement encouragée. Il est désormais parfaitement clair, au moins pour les observateurs objectifs, que les Etats-Unis n’ont jamais eu sérieusement l’intention de prévenir l’actuel conflit en Ukraine. Au contraire, n’importe quelle évaluation même superficielle de leurs ingérences passées et présentes dans la région, qu’elles aient été clandestines ou non, laisse penser qu’ils s’efforcent depuis des dizaines d’années d’utiliser l’Ukraine pour déstabiliser la Russie.

Des faits tels que l’encouragement et l’aide apportée à la mise sur pied d’une armée de 250 000 hommes entrainés et équipés par l’OTAN face à la frontière russe illustre ce qu’était en réalité le projet des Etats-Unis en Ukraine, quoi qu’aient pu dire leurs diplomates.

Malgré des décennies de mises en garde russes au sujet de l’extension de l’OTAN, et en dépit des efforts sincères de certains pays européens, l’OTAN et ses maîtres étasuniens ont persisté sur une voie menant à ce qui allait devenir une guerre inévitable. Peut-on dès lors prendre au sérieux les nombreuses déclarations des Etats-Unis et de l’OTAN selon lesquelles ils “avaient épuisé tous les efforts diplomatiques”? Les faits montrent que non.

Alors que la deuxième phase du conflit va atteindre son premier sanglant anniversaire, la première phase étant la guerre civile post-Maidan qui a éclaté en 2014, la triste réalité, tant sur le plan économique que sur le plan humain, est désormais inscrite en lettres de feu non seulement au sein des populations ukrainienne et russe, mais aussi de l’aristocratie pro-guerre des Etats-Unis d’Amérique et de leurs clients-alliés satellites de l’UE/OTAN.

Ces dernières semaines ont vu émerger des rumeurs de paix issues, de manière inhabituelle, de l’éternelle brigade des faucons partisans de la “victoire absolue” qui sévit à Washington. Il est indéniable que ces tenants de la guerre ont une influence disproportionnée sur le gouvernement de Zelensky, de nombreux analystes dissidents estimant même que ce sont eux qui sont aux manettes du pouvoir au palais présidentiel de Kiev.

Avant de prendre au sérieux ces douteux faucon qui volent pour la paix, les observateurs seraient bien inspirés de s’intéresser à la longue et cynique marche ayant mené à cet inévitable conflit, prédit depuis longtemps par des intellectuels comme Mearsheimer et Chomsky, lesquels avaient à maintes reprises souligné le rôle central des Etats-Unis et de leurs mandataires de l’UE qui s’étaient employés à le rendre inévitable. Les conflits entre grandes puissances n’éclatent généralement pas d’un jour à l’autre, et compte tenu des enjeux considérables de celui-ci, parmi lesquels un basculement potentiel de l’équilibre du pouvoir mondial lui-même, rien ne se passe à moins que cela doive se passer. S’agissant du conflit en Ukraine, le bloc qui en sortira vainqueur est susceptible de dominer un nouvel ordre mondial. En d’autres termes, il s’agit de “jouer le tout pour le tout.”

Ce conflit a pris une tournure sans précédent, car la militarisation des réseaux sociaux et de la culture, ainsi que la révision de l’histoire elle-même, sont devenus des seconds fronts qui jouent un rôle essentiel dans le narratif antirusse et pro-atlantiste au centre de la logique de guerre. Il est crucial que le public occidental, matraqué 24h sur 24 et 7 jours sur 7 par une propagande d’une ampleur jamais vue auparavant, étudie les réalités factuelles et la manière dont ce conflit à été délibérément échafaudé, non pas pendant des mois ou des années, mais pendant des décennies.   

Bien entendu, toute opinion s’éloignant du point de vue occidental obligatoire est qualifiée de dangereuse et de subversive. On qualifie de propagande russe tout avis autre que celui du narratif dominant, qui veut qu’une Russie impérialiste maniaque tente de récupérer un territoire jadis conquis. Cette position institutionnelle autoritaire et dangereuse a valu à des gens tels que l’auteur de ces lignes d’être traité d’avocat de Poutine et de propagandiste stipendié par un Etat autoritaire, génocidaire et haineux.

C’est bien entendu le contraire qui est vrai. Moi-même et beaucoup d’autres sommes essentiellement des avocats anti-guerre qui cherchons sérieusement à contester l’hégémonie libérale alimentée par le profit qui a conduit une Europe aveuglée au bord de la Troisième Guerre mondiale.       

La réalité de ces points de vue anti-impérialistes qui sont depuis longtemps les nôtres se voit rejetée, en même temps que toute tentative d’objectivité, d’indépendance et d’équilibre. Il est désormais incontestable que le culte perpétuel de la guerre pan-atlantiste est devenu omniprésent en ce qui concerne l’Ukraine. En fermant les yeux sur le nazisme, la corruption grossière et les violations des droits de l’homme, on prive allègrement les populations américaines et européennes de leur droit de penser différemment, d’être en désaccord et de mettre en doute la justification de ce terrible conflit. La réalité systématiquement cachée est que le seul vainqueur, s’il y en a un, sera le complexe militaro-industriel, qui profite monstrueusement de la misère humaine qui sévit actuellement dans les ravins et les tranchées de l’Ukraine. 

C’est aux Etats-Unis qu’il appartient de s’interroger sur la véracité et la sincérité de la diplomatie étasunienne, car tous les espoirs initiaux de paix négociée à l’est, où une brutale guerre civile avait éclaté en 2014, ont été douchés par le refus persistant du gouvernement de Petro Poroshenko, l’allié des Etats-Unis, de mettre en œuvre les éléments principaux des accords de Minsk, en particulier la fédéralisation du Donbas au sein de l’Ukraine et la préservation des droits des millions d’habitants d’origine russe de l’est du pays qui avaient rejeté le coup d’état pro-UE de Maidan.

Aujourd’hui, une alliance de plus en plus hargneuse dirigée par l’OTAN/UE/Washington semble déterminée à aggraver ses échecs de politique étrangère en accusant la Russie d’être un “État terroriste.” Il paraît bien que le Département d’État américain a perdu tout sens du paradoxe, alors que des données récemment rendues publiques confirment que les Etats-Unis d’Amérique ont tué plus de 900 000 personnes dans des dizaines de pays rien qu’au cours des vingt dernières années.

Cette escalade démontre que toute trace de respect mutuel, même forcé, entre les diplomates étasuniens et russes pendant la guerre froide n’est plus qu’un lointain souvenir. Il est bon de rappeler que ces canaux diplomatiques officiels et officieux ont non seulement permis d’éloigner des Etats-Unis le spectre d’une apocalypse nucléaire, mais ont aussi favorisé et même encouragé le pragmatisme des deux côtés, en faisant prévaloir l’idée qu’un accord pouvait et devait être trouvé. Aujourd’hui, en revanche, les relations diplomatiques entre la Russie et les Etats-Uniss sont au plus bas depuis leur établissement en 1933, ce qui est une mauvaise chose pour presque tout le monde.

Lorsqu’on examine ce qui a conduit au conflit actuel, il est important de s’interroger sur l’échec lamentable de la diplomatie occidentale, incapable tout d’abord de désamorcer le conflit dans l’est de l’Ukraine à la suite du coup d’état de 2014, puis plus récemment de sortir de l’impasse qui a abouti à l’intervention militaire russe de février 2022. Comment en est-on arrivé à un tel conflit potentiellement catastrophique entre une Russie de plus en plus coincée et une alliance OTAN/Ukraine belliqueuse ? Les nombreuses voix en faveur du réalisme géopolitique et de la modération ont-elles été entendues?

Si non, peut-être est-ce le cas des mises en garde persistentes et de plus en plus résolues de Moscou concernant les “lignes rouges à ne pas franchir”? Non? Alors les USA et l’OTAN ont-ils au moins respecté la volonté démocratique de 73% de la population ukrainienne ? Après tout elle a voté pour Zelinsky car il avait promis de “mettre fin à la guerre”? Il apparait qu’aucune de ces réalités cruciales n’a été prise en compte par le “vecteur de liberté” en constante expansion qu’est l’OTAN. De plus, ce qui est le plus intéressant, le mandat du peuple ukrainien en faveur de la paix dans l’est du pays a été soigneusement ignoré.

Quand Moscou a déployé ses troupes à la frontière ukrainienne à la fin de 2021, beaucoup de gens (y compris moi-même) ont cru à une rodomontade visant à démontrer combien les Russes prenaient la situation au sérieux; il s’avère, bien entendu, que ce n’était pas le cas. 

Le franchissement de la frontière ukrainienne par l’armée russe le 24 février a non seulement marqué la fin de décennies de mises en garde russes contre l’expansion de l’OTAN vers l’est et ses frontières, mais elle a aussi marqué la fin d’un ordre mondial dominé par les Etats-Unis d’Amérique et leur dollar. Lorsqu’on évalue objectivement l’impact mondial de cette crise et le butin potentiel du vainqueur, il devient de plus en plus probable que les tentatives de dernière minute pour faire la paix, tant vantées, n’aient été que des opérations de relations publiques devant permettre de se dédouaner ultérieurement.

Quand le “projet” étasunien en Ukraine a-t-il commencé ?

Quand les narrateurs occidentaux qui parlent de la crise ajoutent la formule apparemment obligatoire “invasion non-provoquée de l’Ukraine”, il serait utile de souligner le fait indéniable mais pas toujours bien connu que les Etats-Unis d’Amérique se sont efforcés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale d’arracher l’Ukraine à l’influence de la Russie.  

En dépit des réalités démographiques et géopolitiques de la région et malgré les profonds liens sociaux, linguistiques et historiques qui unissent depuis toujours la Russie et l’Ukraine, l’oncle Sam avait les yeux rivés sur Kiev depuis bien longtemps. Dès 1949 la relativement jeune République socialiste soviétique d’Ukraine était une cible prioritaire, d’abord pour l’OSS puis pour la CIA récemment créée, qui cherchaient à exploiter les différences ethniques et historiques complexes de la région pour affaiblir les Soviétiques.

La stratégie étasunienne à long terme consistait en actions ouvertes et clandestines destinées à influencer et à financer diverses organisations nationalistes et paramilitaires ukrainiennes. Comme dans toutes les opérations de changement de régime dirigées par la CIA, la moralité ou la persuasion politique des partenaires n’avait guère d’importance. Même si les partenaires en question comptaient des collaborateurs ouvertement nazis des organisations ultranationalistes OUN et UPA dirigées par des tueurs en série comme Stepan Bandera, un personnage largement et ouvertement honoré dans l’Ukraine de Zelensky, qui lui a récemment consacré un jour férié et érigé d’innombrables statues. 

L’examen des activités récentes d’intermédiaires de la CIA tels que “National Endowment for Democracy,” “Freedom House,” “National Democratic Institute,” “International Republican Institute” et “Eurasia Foundation” confirme la persistance profondément établie de la subversion fomentée en Ukraine par les services secrets étasuniens. Ces organisations se plaisent à décrire leur “mission” comme “de l’assistance à la construction de la société civile ukrainienne” mais en réalité leur mission multimillionnaire s’inscrit dans une stratégie étasunienne plus large visant à éliminer les gouvernements “inamicaux” conformément à la marche à suivre de la CIA en matière de changement de régime.

Le coup d’état fomenté et réussi en 2014 par les Etats-Unis contre le gouvernement légitimement élu de Viktor Yanoukovitch est venu couronner ces décennies d’efforts visant à installer un gouvernement pro-occidental, antirusse et pro-UE à Kiev, de la même manière que cela avait été tenté dans de nombreuses autres ex-républiques soviétiques, et notamment en Biélorussie. Il était désormais évident que plutôt que de respecter la démocratie elle-même, qu’ils soutiennent de manière sélective, les Etats-Unis avaient préféré une approche “à la carte” de la démocratie et de la liberté qu’ils prétendent représenter: si elle est pro-étasunienne on la défend, si elle ne l’est pas on la détruit.

“Maidan” , une occasion à ne pas manquer

La profondeur de l’ingérence étasunienne dans les affaires intérieures de l’Ukraine a été proprement sidérante. Elle a aussi été délibérément passée sous silence par les médias de grand chemin et leurs analystes de service lorsqu’il s’est agi d’évaluer l’apparent échec des tentatives visant à prévenir le conflit actuel en Ukraine par la voie diplomatique.

Au lieu d’accepter le mandat démocratique du gouvernement imparfait de Yanoukovitch, les Etats-Unis d’Amérique et leurs alliés de l’UE ont soutenu ouvertement le coup d’état de Maidan. Ils sont allés jusqu’à laisser entendre effrontément que si Yanoukovitch faisait volte-face et acceptait l’accord de rapprochement économique avec l’UE, il lui serait permis de rester au pouvoir.

Inévitablement, les suspects habituels se sont bousculés pour soutenir le mouvement “Euromaidan” naissant. Quand le Sénateur républicain John McCain, grossier et belliqueux comme toujours, est arrivé à Kiev pour “manifester son appui” il n’a pas hésité à festoyer avec les principaux acteurs peu ragoûtants du mouvement Euromaidan. Parmi les nouveaux amis de McCain se trouvait notamment le raciste notoire et ultra-fasciste Oleg Tyagnibok, dirigeant du parti d’extrême-droite Svoboda.

McCain a même estimé que ce serait une bonne idée de se tenir au côtés de Tyagnibok sur une tribune de la place Maidan, et de déclarer aux milliers de protestataires “le monde libre est avec vous, l’Amérique est avec vous, je suis avec vous.” 

De manière incroyable, le sénateur étasunien a prononcé son discours sous les yeux incrédules du gouvernement démocratiquement élu de Yanoukovitch et des millions d’Ukrainiens qui lui avaient légitimement donné leurs voix. Dans le Donbass, des millions d’habitants d’origine russe regardaient avec inquiétude les Etats-Unis allumer la mèche de ce qui allait se terminer par une guerre civile brutale.

Si le numéro théâtral habituel de McCain “héros de guerre épris de liberté” a été perçu comme impudent par le Kremlin, de même semble-t-il que par quelques observateurs étasuniens moins belliqueux, ce fut un modèle de retenue diplomatique comparé au comportement de Victoria Nuland, Secrétaire d’État adjointe chargée des affaires européennes et eurasiatiques et grande prêtresse de la politique étrangère hégémonique néolibérale étasunienne.

Au fur et à mesure de l’aggravation de la crise politique ukrainienne, Nuland et ses subordonnés sont devenus de plus en plus agressifs en faveur des manifestants contre ​Yanoukovitch. Nuland a déclaré en décembre 2013 dans un discours devant la Fondation Etats-Unis-Ukraine qu’elle s’était rendue trois fois en Ukraine dans la période qui a suivi le début des manifestations de Maidan. Le 5 décembre elle a distribué des biscuits à la foule et redoublé d’efforts pour soutenir leur cause.

Le niveau granulaire des ingérences de l’administration Obama dans les affaires intérieures de l’Ukraine était en effet incroyable. Cela a été confirmé par une conversation téléphonique cruciale interceptée par le service de sécurité russe FSB et qui a été ensuite largement diffusée auprès des agences de presse étrangères. Au cours de cette conversation Nuland et l’ambassadeur étasunien Ukraine Geoff Pyatt discutaient avec force détails de leurs préférences en matière de choix des dirigeants de l’administration post-Yanoukovitch. Les Etats-Unis optaient pour Arseniy Yatsenyuk, qui est en effet devenu Premier ministre une fois le président démocratiquement élu Yanukovych chassé du pouvoir.

Au cours de cette conversation téléphonique étonnante, Nuland déclare avec enthousiasme que “Yats est notre gars qui ferait le meilleur travail”. Le nom de l’actuel maire de Kiev, Vitali Klitschko, est également mentionné dans cette discussion bizarre mais il est rapidement écarté par Nuland.

Un autre élément intéressant de cet entretien téléphonique conspirateur avec Pyatt est la proposition de Nuland que le Vice-président Joe Biden soit envoyé à Kiev pour “faire passer la chose.” Cela témoigne une fois de plus du haut degré de connaissance et de soutien au sein de l’administration Obama pour cette agitation potentiellement illégale contre un gouvernement démocratiquement élu et souverain.

Il est capital de souligner que Nuland et Pyatt, deux hauts responsables du gouvernement étasunien, s’étaient profondément engagés dans un tel plan visant à renverser un gouvernement légitime alors que Yanoukovitch était encore le président légalement élu de l’Ukraine. Il s’agit d’une preuve irréfutable, s’il en était besoin, de ce que le pays qui fait sans cesse la leçon au monde entier sur la nature sacro-sainte de la souveraineté et de la démocratie se moquait une fois encore de l’une et de l’autre. L’utilisation du terme “diplomatie” est pour le moins inapproprié pour décrire le projet secret de changement de régime élaboré par Pyatt et Nuland.

Il importe aussi de se rappeler que tout ce qui est décrit précédemment s’est produit en toute connaissance de cause et avec le plein soutien des plus hauts dirigeants du gouvernement étasunien et de la Maison blanche, parmi lesquels le Vice-président d’alors, Joe Biden, qui est actuellement le President, mais aussi le financier et l’admirateur en chef de Volodymyr Zelensky.

Le comportement des Etats-Unis d’Amérique ne constitue pas seulement une ingérence mais aussi la micro-gestion d’un coup d’Etat antidémocratique, quoi qu’on puisse penser du gouvernement imparfait de Viktor Yanukovych. Il s’agit d’un fait incontournable.

Compte tenu des manipulations et infiltrations largement démontrées de 2014, toutes approuvées au plus haut niveau de l’Etat, ceux qui douteraient encore de l’influence actuelle du gouvernement étasunien sur le régime Zelensky en Ukraine aujourd’hui devraient sérieusement revoir leur point de vue. Si un observateur particulièrement bienveillant pouvait objecter que malgré le niveau d’ingérence décrit plus haut les Etats-Unis n’ont, au moins en apparence, tiré les ficelles de Maidan que de l’extérieur, il est désormais indéniable que c’est de l’intérieur qu’ils pilotent le navire ukrainien aussi bien militairement qu’économiquement. Le conflit a peut-être commencé avec le soutien de l’OTAN à l’Ukraine, mais la triste réalité est qu’aujourd’hui l’Ukraine soutient l’OTAN dans une guerre par procuration contre son voisin doté de l’arme nucléaire.

Il vaut la peine de se demander si la “diplomatie”, dont les Etats-Unis ont déclaré avant la crise actuelle qu’elle était l’un de leurs piliers centraux d’influence pour la paix en Ukraine, est de même nature que la “diplomatie” qu’ils pratiquaient avant le coup d’état de Maidan? Aucune analyse objective un tant soit peu sérieuse de cette période ne saurait exonérer les Etats-Unis de leur rôle central dans la déstabilisation et le renversement du gouvernement légitime d’un état souverain.

Peut-on considérer comme sincère le narratif largement colporté par les agents des puissances occidentales selon lequel c’est la Russie et pas l’Ouest qui a entravé les efforts diplomatiques pour éviter la guerre en 2022 ? Au vu des machinations machiavéliques des agences de sécurité étasuniennes avant, pendant et après le coup d’état de Maidan, il est très difficile de croire à leur sincérité pendant la 11e heure des négociations visant à prévenir le conflit. La triste réalité de ce conflit terrible et apparemment inévitable est qu’il n’a pas apaisé l’appétit des bellicistes partisans de la guerre éternelle aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Europe. 

Ursula von der Leyen, archétype de la bureaucrate et reine de l’Eurostocratie woke est apparue pour incarner le culte de la victoire totale, qui prêche une “vérité absolue” concernant la Russie. Von der Leyen colporte en permanence un piètre récit théâtral au sujet d’un prétendu désir russe de conquérir l’Europe, d’asservir ses peuples et d’atomiser ceux qui refusent de se soumettre.

Von der Leyen est devenue une caricature d’euro-racisme inversé qui ferme les yeux sur la grossière russophobie, la violence et la révision de l’histoire européenne, en particulier en ce qui concerne le sacrifice incalculable des Soviétiques dans la lutte pour vaincre le nazisme. On assiste également à une tentative renouvelée de minimiser le rôle central que la Russie a joué dans l’économie mondiale et dans l’écosystème culturel. L’UE, et particulièrement ses plus petits Etats-membres, ont jeté aux orties avec enthousiasme nos droits à contester leur récit concernant la Russie, en interdisant des chaînes de télévision, en sanctionnant des journalistes et en devenant de plus en plus autoritaires dans le cadre de leur guerre économique et culturelle infructueuse contre la Russie.

Je voudrais inviter tous ceux qui revendiquent des débats contradictoires, la liberté d’expression et le droit d’être en désaccord à se demander qui a échafaudé le cadre dans lequel cette guerre fait rage désormais? Quel complexe militaro-industriel entend tirer profit de sa perpétuation? Et comment un processus diplomatique mené conjointement avec la création d’une armée de l’OTAN de facto en Ukraine pourrait être jugé sincère? 

Indépendamment de ce qui précède, le risque d’escalade catastrophique reste dangereusement élevé, mais là encore, les profits des principales entreprises énergétiques et de défense étasuniennes le sont également. Compte tenu de la réalité dystopique dans laquelle nous vivons, où la vérité est “à géométrie variable” et où les récits imposés par les médias de grand chemin s’apparentent à des obligations quasi-religieuses, il paraît malheureusement de plus en plus probable que ce conflit se règlera sur le champ de bataille.

Dans cette guerre d’attrition dont l’intensité augmente, tous les observateurs objectifs et ceux qui sont intéressés par une analyse non-alignée de la manière dont ce conflit prendra fin devraient se poser la simple question suivante : laquelle des deux parties qui s’affrontent dans ce conflit en Ukraine peut se permettre de perdre, les Etats-Unis ou la Russie ?

Si on laisse de côté, bien évidemment, les faucons mal avisés de l’UE et du Département d’État, la réponse, à mon humble avis, ne fait guère de doute. 

 

Source originale: Covert Action Magazine

Traduit de l’anglais par Ph. Stroot pour Investig’Action           

Photo: Kremlin – CC 4.0

 

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