Trois questions au syndicaliste Martin Willems sur l’accord de la Vivaldi

Après 16 mois de crise, la Belgique tient enfin son gouvernement. On parle de renouveau au regard du casting ministériel. Mais pour le syndicaliste de la CSC, Martin Willems, il faut surtout analyser les mesures annoncées dans l’accord. Or pour les travailleurs, pas de véritable renouveau à l’horizon. Le fossé des inégalités sociales a peu de chances de se réduire.

 

Parmi les présidents de parti qui ont négocié l’accord du gouvernement fédéral, il y avait pas mal de nouveaux et certains assez jeunes. Dans le casting ministériel également, on découvre beaucoup de nouvelles têtes. Pensez-vous comme de nombreux commentateurs qu’un vent de renouveau souffle sur ce gouvernement?

Selon moi, le profil des personnes est un aspect insignifiant. Ce qui compte, ce sont les faits et le programme. Or, le nouvel accord ne remet pas en cause ce qui a été fait durant la législature précédente. Nous avions pourtant un gouvernement très à droite, plus déséquilibré que d’habitude, qui semble avoir voulu faire passer un maximum de mesures contre les travailleurs en sachant que ça ne durerait pas. En 2017 par exemple, le gouvernement Michel a durci la loi de compétitivité de 1996 avec sa loi salaire. La première mouture imposait déjà un cadre très restrictif aux augmentations salariales, mais il y avait encore la possibilité d’en sortir. La loi de 2017 a cadenassé les négociations sur les augmentations de salaires qui ne peuvent plus dépasser la moyenne des pays voisins. Il n’y a plus de marge de manœuvre. Tout dérapage salarial doit être rattrapé. Et dans la pratique, ce sont très souvent les salaires des grands patrons qui sortent du cadre, et les salaires des travailleurs de base qui compensent le dérapage. C’est donc une loi qui promeut les inégalités, et elle n’est pas remise en cause par le nouveau gouvernement, comme beaucoup d’autres mesures.

Le Parti socialiste parle tout de même d’augmenter les minima sociaux. Et les libéraux du Mouvement réformateur expliquent qu’il n’y aura pas de nouvelles taxes. N’y a-t-il pas une contradiction?

Oui, les inégalités sociales ne font qu’augmenter et des études prouvent qu’elles freinent le développement économique. La fiscalité peut permettre de réduire ces inégalités. Mais on ne sait pas encore très bien où veut en venir le gouvernement quand il affirme qu’il n’y aura pas de nouvelles taxes. Il est clair en tout cas que pour mettre en place des politiques nouvelles, il faut des moyens nouveaux. Le gouvernement compte-t-il élargir l’assiette fiscale sans lever de nouvelles taxes? Ou recourir à l’endettement? Ce n’est pas clair.

Ce qui n’est pas clair non plus, c’est le relèvement de la pension minimum. Pour certains membres du gouvernement, ce sera 1500 euros nets d’ici 2024. Pour d’autres, ce sera 1500 euros bruts.

Oui, c’est assez étonnant. Normalement, on ne parle jamais de net, car ça varie très fort d’une situation personnelle à une autre. Je ne sais pas par ailleurs si cette augmentation est tant un objectif pour le PS que pour le MR, car ceux qui sont connus pour avoir les plus basses pensions, ce sont les indépendants précaires. Je défends ces travailleurs à la CSC. Il faut que leur pension soit revalorisée. Mais il faut aussi pouvoir financer ça. C’est pourquoi nous voulons que les taux de cotisation des indépendants soient déplafonnés et se rapprochent de ceux des salariés.

Enfin, c’est bien de revoir la pension minimum, mais on pourrait parler aussi du salaire minimum. Il est très faible en Belgique et représente à peine plus de 1500 euros bruts par mois. S’il est difficile de vivre avec moins de 1500 euros pour un pensionné, pourquoi ça serait plus facile pour un jeune travailleur par exemple? D’autant plus que ce sont souvent des situations différentes. Beaucoup de retraités sont propriétaires de leur logement. Quand on loue un appartement à Bruxelles, ce n’est pas la même chose. De manière générale, il faudrait donc relever tous les minima sociaux. Ça réduirait les inégalités sociales et ça stimulerait l’économie.

 

Source: Investig’Action

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