Sunak présente un gouvernement britannique d’austérité et de guerre

Le discours du nouveau Premier ministre conservateur Rishi Sunak lors de son entrée à Downing Street a clairement montré que ce quasi-milliardaire agira selon les diktats de l’oligarchie financière qu’il incarne.

«Je suis là en tant que votre nouveau Premier ministre», a-t-il commencé. «En ce moment, notre pays est face à une profonde crise économique. Les séquelles du Covid sont toujours présentes. La guerre de Poutine en Ukraine a déstabilisé les marchés énergétiques et les chaînes d’approvisionnement dans le monde entier».

La Première ministre qu’il a détrônée, Liz Truss, avait fait «quelques erreurs… je placerai la stabilité économique et la confiance au cœur de l’agenda de ce gouvernement. Cela signifie que des décisions difficiles seront prises».

Sunak a présenté comme références le fait qu’il avait, en tant qu’ex-ministre des Finances, renfloué les trusts à hauteur de plusieurs centaines de milliards au début de la pandémie.

Les «décisions difficiles» dont il parle sont le code pour imposer l’austérité la plus brutale à la classe ouvrière, comme l’ont exigé des marchés qui ont démoli Truss parce qu’elle n’était pas prête à lancer une telle offensive immédiatement. L’élite financière a insisté pour que Jeremy Hunt remplace de toute urgence Kwasi Kwarteng comme ministre des Finances afin de mettre en pièces le budget non financé des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et le remplacer par une austérité «effroyablement» brutale.

Sunak a maintenant fait le grand nettoyage et a éloigné onze des ministres de Truss ; mais il a veillé à ce que Hunt soit maintenu aux Finances. Dans moins d’une semaine, le 31  octobre, Hunt présentera – à la demande de l’aristocratie financière mondiale – une déclaration fiscale d’urgence axée sur l’intensification de l’austérité visant la classe ouvrière.

Il n’y aura aucune augmentation des dépenses publiques, tandis qu’on détournera des milliards supplémentaires pour financer la machine de guerre. Sunak a annoncé comme priorité « soutenir nos forces armées » pour faire « une guerre terrible qu’il faudra mener jusqu’à sa conclusion réussie ».

Sur cette base, il a gardé Ben Wallace comme ministre de la Défense. La semaine dernière, alors même que Truss était anéantie, Wallace s’était rendu à Washington pour assurer le gouvernement Biden du soutien total de la Grande-Bretagne à la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Biden a félicité Sunak mardi en tweetant: «J’ai hâte de renforcer notre coopération sur les questions essentielles à la sécurité et à la prospérité mondiales, notamment en continuant à soutenir fermement l’Ukraine».

Alors que Sunak entrait à Downing Street, l’armée britannique déployait près de 3.500  soldats et jusqu’à 800  véhicules en Europe pour son plus grand exercice de combat sur le continent depuis plus de dix ans. Ces troupes font partie de Cerberus  22, un exercice de poste de commandement à grande échelle se déroulant en Allemagne. Une déclaration de l’armée britannique indiquait, en guise de menace envers la Russie, que «cet exercice, qui se déroulait auparavant au Royaume-Uni dans la zone d’entraînement de la plaine de Salisbury» a eu lieu cette fois dans «son nouvel emplacement en Europe centrale pour tester sa capacité à déplacer du personnel et des équipements à grande échelle et à opérer dans un cadre expéditionnaire plutôt que près de chez lui».

Le colonel Owain Luke, chef d’état-major du quartier général de la 3e  division britannique, qui dirige l’exercice, a déclaré: «En plus des brigades britanniques qui participent à l’exercice… nous sommes rejoints par la 3e  brigade de combat de la 1re  division de cavalerie américaine. Cet exercice vise également à renforcer notre interopérabilité avec les forces américaines ainsi qu’à nous aligner sur les procédures de l’OTAN et à travailler sous l’égide du quartier général du Corps allié de réaction rapide».

Si Sunak ne s’est pas encore engagé, comme l’a fait Truss, à porter les dépenses militaires à 3  pour cent du PIB d’ici la fin de la décennie (un financement supplémentaire de 157  milliards de livres), Washington lui dira en termes très clairs de le faire.

Parmi ceux peu nombreux qui ont conservé leur poste au gouvernement il y a le ministre des Affaires étrangères James Cleverly. Cleverly n’est entré au parlement qu’en 2015, mais s’est profilé comme un des principaux ‘faucons’ anti-Chine. Dans le droit fil de la confrontation de l’impérialisme américain avec la Chine et des manœuvres de plus en plus provocantes de la Grande-Bretagne, Cleverly a déclaré cet été, «nous devons effectivement nous pencher sur l’influence de la Chine, non seulement sur la scène mondiale, mais aussi ici, au Royaume-Uni».

Dominic Raab, qui a servi sous Boris Johnson, revient en tant que vice-premier ministre et secrétaire à la Justice. Durant l’été, avant d’être mis sur la touche par Truss, Raab avait présenté au Parlement une Déclaration des Droits qui devait remplacer et éviscérer les principales dispositions de la Loi sur les Droits de l’homme.

Suella Braverman, politicienne droitière virulente, a démissionné du gouvernement Truss la semaine dernière après avoir enfreint le code ministériel et lancé une attaque contre Truss pour ne pas s’être fermement engagée à des mesures anti-migrants. Sunak l’a renommée ministre de l’Intérieur. On l’accuse d’avoir fait sortir la Grande-Bretagne de la Convention européenne des Droits de l’homme (CEDH), après que les avocats de demandeurs d’asile l’aient utilisée pour stopper un vol d’expulsion vers le Rwanda en vertu de la Loi sur la nationalité et les frontières. En juillet, elle avait écrit dans le magazine Parliament House: «Quitter la CEDH est la seule solution qui résolve le problème», affirmant que cela serait «entièrement conforme au droit international».

Les marchés financiers ont été immédiatement stimulés par les nominations et promesses de Sunak- La livre a atteint son plus haut niveau depuis le mini-budget Truss/Kwarteng. Le coût des emprunts publics est retombé au niveau où il se trouvait avant ce budget.

Ce n’est là que le calme avant la tempête, où l’agenda de Sunak fera naufrage. Il a rendez-vous avec une confrontation directe avec la classe ouvrière. Sunak doit passer à l’offensive dans des conditions où des décennies d’attaques ont forcé les travailleurs à organiser la riposte observée dans la vague de grève de cet été. Alors que des millions de travailleurs craignent même d’allumer le chauffage dû à d’énormes factures annuelles qui devraient dépasser les 4.300  livres en avril prochain, le pays est dirigé par un Premier ministre qui dépensera 14.000  livres rien que pour chauffer une piscine dans l’un de ses quatre manoirs.

Bien que la bureaucratie syndicale fasse tout son possible pour étouffer le mouvement, ces luttes ont jusqu’à présent touché les travailleurs du rail, des postes, des bus, des ports, les éboueurs et les avocats. Des grèves impliquant jusqu’à 2  millions de travailleurs du secteur public sont prévues dans les semaines et mois à venir. Cette semaine, 70.000  professeurs d’université, bibliothécaires et membres du personnel administratif de 150  universités ont voté la grève pour exiger de meilleurs salaires et conditions de travail, et pour défendre leurs droits à la retraite.

Sunak a devant lui une version moderne de douze  travaux que même Hercule rechignerait à entreprendre. Dans un éditorial publié avant la sélection du cabinet, le Financial Times a mis en garde contre «la lutte difficile de Rishi Sunak pour restaurer la stabilité britannique», car «l’ancien ministre des Finances était l’option la moins mauvaise pour être prochain premier ministre conservateur».

Le journal ajoutait: «Le parti a également changé de leader pour la deuxième fois à mi-mandat, par le biais d’un processus profondément antidémocratique qu’il a lui-même conçu… Si Sunak ne peut pas rétablir rapidement la stabilité, une élection sera inévitable».

De plus, il héritait « d’un parti profondément fracturé, qui est confronté à des décisions sur des questions comme les dépenses et l’immigration qui vont exacerber les lignes de fracture. Sunak subit la pression de la droite pour supprimer les règles commerciales post-Brexit avec l’Irlande du Nord, ce qui empoisonne les relations avec l’UE».

L’alternance sordide d’un énième Premier ministre conservateur non élu n’a été possible que grâce au rôle joué par les travaillistes et la bureaucratie syndicale, qui ont maintenu le gouvernement à flot ces sept dernières années dans une crise toujours plus profonde du capitalisme britannique.

Le tweet que le leader du parti Sir Keir Starmer a publié mardi illustre le rôle des travaillistes en tant qu’ennemis acharnés de la classe ouvrière. Il a appelé à des élections générales que les travaillistes, soutenus par des sections de la classe dirigeante, considèrent comme vitales pour le sauvetage du capitalisme britannique. Mais, son premier geste, alors qu’un autre ennemi acharné de la classe ouvrière faisait son entrée à Downing Street, fut de déclarer: «Félicitations, Rishi Sunak, pour être devenu Premier ministre et entrer dans l’histoire comme premier Premier ministre britannique asiatique».

 

Source: WSWS

Photo: Lauren Hurley/No 10 Downing Street/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0

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