Servilité et soumission dans la politique extérieure latinoaméricaine

On sait aujourd’hui que la démocratie électorale est bonne à quelque chose : les voleurs, les menteurs, les tricheurs et ceux qui violent les droits de l’homme peuvent accéder à la présidence d’un pays à la seule condition d’être des vassaux des Etats-Unis. Les preuves les plus dignes de foi : Temer (Brésil), Juan Orlando Hernández (Honduras) et Piñera (Chili).

 

Dans un acte qui ne se caractérise pas par son respect des pratiques diplomatiques et encore moins par l’éthique qui devrait accompagner le comportement international des Etats, le chancelier chilien Heraldo Muñoz, face à l’autisme habituel de la présidente Michelle Bachelet et en pensant plus à son avenir de fonctionnaire international qu’aux intérêts de son peuple, a profité de la tenue du Forum China-CELAC à Santiago pour rencontrer les pays du groupe de « bons petits chiens couchés sur le tapis de la Maison Blanche » et faire un pas de plus dans l’escalade des agressions contre le Venezuela. 

Muñoz attend aussi désespérément que ses maîtres du nord se fient à lui et récompensent ses services par une charge qui puisse lui faire espérer autre chose de l’avenir que le sauvetage de son organisation politique, le Parti pour la Démocratie (PPD), d’un enterrement de première classe après sa débâcle aux dernières élections. Faisant offense au Gouvernement chinois, Heraldo n’a attendu que quelques heures après le départ du chancelier Wang Yide de Santiago, pour, après une discussion de deux jours sur une soi-disant volonté d’intégration des Gouvernements de droite dans la région, montrer son véritable visage en proposant un nouveau pamphlet interventionniste (qui a été approuvé par ce groupe) pour créer les conditions d’un renversement du Gouvernement du Venezuela.

Non content de cela, et après avoir adressé des louanges débordantes et honteuses à Wang dans le seul but d’attirer les investissements et d’améliorer les échanges commerciaux avec la Chine pour augmenter les bénéfices des grandes entreprises chiliennes, Heraldo a annoncé seulement quelques heures plus tard, (alors que Wang était encore dans l’avion) qu’en mars, serait approuvé ce qu’on appelle le TPP11, c’est à dire l’Accord Trans-pacifique sans les Etats-Unis, une alliance commerciale mise en place par Obama dans le but évident de faire concurrence à la Chine et qui a été laissée sans effet par Trump. Pour cela, Heraldo a organisé un événement à Viña del Mar en mars de l’année dernière lors duquel il s’est « vendu » comme le sauveur du TPP et le leader de l’Alliance du Pacifique. La Chine, invitée à ce forum, a envoyé une délégation de troisième niveau qui s’est permis de dire au héraut chilien dans son propre pays : « libre commerce, oui, TPP non. »

Cependant, la volonté d’Heraldo de servir ses chefs du Parti Démocrate des Etats-Unis a été la plus forte et, en attendant des temps meilleurs, ceux-ci ont mis en fonction tous leurs acolytes latino-américains (le chancelier mexicain Videgaray et d’autres) pour qu’ils fassent son travail après qu’ils aient été chassés de la présidence Américaine.

Pour qu’il n’y ait aucun doute sur le rôle qu’il a joué, Heraldo a affirmé que « cela a été une négociation intense qui s’est achevée à la dernière heure à Tokyo. […] Et j’ai été jusqu’à la dernière heure (du lundi, heure chilienne) en contact avec le ministre du commerce du Canada qui a demandé qu’on soutienne une formule que le Chili soutient (sic)… » C’est à dire que pendant qu’il léchait les bottes au chancelier chinois à Santiago, il léchait aussi les bottes aux Japonais et aux Canadiens à Tokyo.

Heraldo a poursuivi dans l’auto-adulation : « L’idée de continuer à avancer dans le TPP sans les Etats-Unis avec certaines modifications est née à Viña del Mar en mars de l’année dernière quand nous nous sommes réunis, tous les chanceliers et les ministres du commerce qui avons signé à l’origine le TPP.» Il manquait quelque chose à Heraldo : mettre en évidence que c’était son œuvre et qu’aucun Piñera n’allait escamoter sa victoire et il l’a dit clairement : « C’est quelque chose que signera le Gouvernement de la présidente Michelle Bachelet, c’est la partie finale du TPP original que j’ai négocié, du TPP que j’ai négocié entièrement. Nous sommes très satisfaits. »

Les grands patrons, et les Chiliens en général qui ont voté pour Piñera, l’étaient encore plus parce que, malgré toutes ses génuflexions et le fait qu’il leur ait laissé faire le sale boulot pendant un temps, l’oligarchie sait parfaitement la différence qu’il y a entre celui qui la sert en tant que subordonné et celui qui est membre de sa confrérie par l’ancienneté et par son nom. C’est pourquoi elle a laissé gouverner deux fois Bachelet qui a accepté avec plaisir son rôle servile et soumis pour remettre (deux fois également) le Gouvernement à l’extrême-droite et au pinochétisme, dans l’une des actions politiques les plus condamnables de l’histoire républicaine du Chili.

 

Le dictateur Pinochet et Sebastian Pinera

 

Mais Bachelet s’en va (indubitablement, ce qui va venir est pire), c’est ce qu’a voulu la minorité qui vote au Chili. Avec elle s’en va Heraldo. On ne sait pas vers quelle vile mission propre à sa personnalité et à son comportement, l’important est qu’il s’en va. Et ainsi l’histoire oubliera tous les « bons petits chiens ».

Kuczynski a décidé avec le fils de l’ex-dictateur la libération de celui-ci pour rester au pouvoir. Cette attitude si minable, égoïste et lâche a fait baisser sa popularité d’au moins 20%.

Et Cartés, au Paraguay, s’en va en essayant désespérément de laisser un poulain qui n’enquête pas sur ses multiples activités qui, selon la presse du pays, sont au bord de l’illégalité.

Au Honduras, Juan Orlando Hernández a dû faire un coup d’Etat et son Gouvernement n’a été reconnu que par les Etats-Unis, Israël, la Colombie et le Guatemala.

Santos s’en va aussi cette année. La droite partisane d’Uribe s’en souviendra comme d’un traître et ses alliés s’en souviendront comme d’un agenouillé. Il utilisera certainement son Prix Nobel pour faire des conférences sur la paix. Paix qu’il n’a pas obtenue en Colombie parce que tout a été une tromperie de son Gouvernement pour ce processus manqué dans la négociation duquel l’oligarchie colombienne a obtenu la victoire qu’elle n’a pas pu obtenir sur les champs de bataille. Santos a dit qu’il ne reconnaîtra pas le résultat des prochaines élections au Venezuela. Y aura-t-il quelqu’un dans le pays à qui la reconnaissance de la Colombie importe ?

Bolívar a-t-il demandé à l’oligarchie si elle était d’accord avec son indépendance ? Non, il l’a fait. Il a engagé la campagne de Nouvelle Grenade qui s’est achevée par la Bataille de Boyacá et a donné une patrie et la liberté sans rien demander en échange. Le Venezuela a dû attendre 34 ans, moyennant une guerre, pour que l’Espagne reconnaisse son indépendance et personne n’en est mort. Santos devrait se préoccuper des dizaines de dirigeants sociaux et d’activistes des droits de l’homme assassinés quotidiennement en Colombie, des milliers d’enfants morts de malnutrition à La Guajira, de l’augmentation des actions des organisations paramilitaires et surtout il devrait s’inquiéter parce qu’aucun de ses poulains ne gagnera les élections pour ne pas enquêter sur les liens avec Odebrecht et d’autres activités pas très « saintes » précisément.

De même, Peña Nieto se prépare à la plus importante fraude de l’histoire du Mexique (ce qui est beaucoup dire) pour empêcher la victoire d’ Andrés Manuel López Obrador. Il n’y a pas d’autre façon de freiner cette réalité qu’annoncent tous les sondages dignes de foi. Peña s’en va beaucoup plus riche que quand il est arrivé au Gouvernement, il laisse un pays plus dangereux pour la vie des citoyens, un record en matière de violations des droits de l’homme qui est une honte pour un pays qui, à une certaine époque, a eu la Constitution la plus avancée de l’Amérique Latine. Il laisse le plus grand nombre de journalistes et de femmes assassinés et, ce qui est pire, un pays soumis à l’humiliation par les Etats-Unis, une chose indigne pour le noble peuple mexicain qui subit avec résignation l’absence de dirigeants qui se rapprochent un tant soit peu de la dignité des grands hommes qui leur ont donné une nation et une patrie.

Temer gouverne avec 5% de popularité, soutenu par l’achat de la plupart des parlementaires qui, évidemment, ont leur prix. En échange, chaque jour, il restreint un peu plus les avancées sociales obtenues par le peuple brésilien après de longues années de lutte tout en remettant le pays aux transnationales en vendant impunément la souveraineté et les richesses de ce pays.

Macri est passé de 60% de popularité en octobre à 51% en décembre et à 37% maintenant, glissant sur une pente abrupte sans réussir à s’arrêter depuis que les Argentins de la classe moyenne se sont rendus compte que les pauvres n’étaient pas les seuls touchés par les politiques impopulaires et répressives du Gouvernement. Maintenant, ils marchent pour cela, ils ont commencé à sentir dans leur bourse la soi-disant stabilité obtenue après « être sortis de Cristina. »

Est-ce que ces individus sont ceux qui jugent le Venezuela? Y aura-t-il quelqu’un qui les prenne au sérieux ? On sait qu’aujourd’hui que la démocratie électorale est bonne à quelque chose : les voleurs, les menteurs, les tricheurs et ceux qui violent les droits de l’homme peuvent accéder à la présidence d’un pays à la seule condition d’être des vassaux des Etats-Unis. Les preuves les plus dignes de foi : Temer, Juan Orlando Hernández et Piñera.

On sait aussi que la démocratie vénézuélienne est à peine en construction et que ce seront les Vénézuéliens qui devront l’améliorer mais que ce sera par le dialogue et la négociation. Les dirigeants de l’opposition – dont aucun n’est allé à la guerre et ne sait ce que cela signifie et jusqu’où peur aller le comportement des hommes à cette occasion – devront assumer la responsabilité historique de chercher des solutions pacifiques ou d’obéir à Trump, Bachelet, Rajoy et Santos qui font pression sur eux pour qu’ils poursuivent le chemin escarpé de la violence et de la guerre. Enfin, les choses se résoudront en interne, ce ne seront pas ces obscurs individus de l’histoire qui n’ont pas grand-chose à montrer dans leurs pays qui viendront donner des leçons de démocratie, de probité et d’honnêteté. Aucun d’entre eux n’achèvera son mandat avec plus de 20% d’approbation.

 

Traduit de l’espagnol par Françoise Lopez pour Bolivar Infos. Relu par Investig’Action

Source  : Resumen Latinoamericano

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