Relations SUD-SUD. Afrique-Amérique du Sud

Un thème et un invité : de l’important à l’essentiel. Du Venezuela, Investig’Action offre à ses lecteurs une série d’interviews en réponse aux informations manipulées diffusées par certains grands médias. Notre correspondant à Caracas, Jean Araud, parle avec Gerónimo Sánchez sur les relations SUD-SUD dans l’actualité.


 

L’important est la réalité que nous vivons actuellement dans un monde déstabilisé par une pandémie planétaire. Également le fait que dans plusieurs pays, les peuples se manifestent contre leurs dirigeants. Pour sa part, le peuple vénézuélien est victime d’ingérences et de sanctions, en particulier de la part des États-Unis et de l’Union européenne, ce qui se traduit, entre autres, par une hyper spéculation induite qui transforme la vie de ce peuple en survie. Dans d’autres pays, il y a de graves affrontements avec des victimes pour des motifs de croyances et de différences raciales.

Mais l’essentiel qui retient l’attention est qu’au Venezuela, malgré des environnements similaires, règne une certaine paix et tranquillité. Il y a 20 ans, Hugo Chavez, président du Venezuela, a initié une révolution et a lancé un programme baptisé Sud-Sud, pour créer et développer des relations et des échanges entre l’Afrique et l’Amérique du Sud.

Le Venezuela, qui a une population d’origine très diversifiée, semble alors être un exemple de la possibilité de vivre en paix malgré des différences de croyances et de races, sans en arriver à des affrontements violents.

Pour comprendre ce qui semble être une situation contradictoire, un spécialiste et protagoniste a accepté notre interview.

 

Investig’Action: Pouvez-vous nous résumer comment se compose actuellement la population du Venezuela en fonction de ses origines ?

Prof. Gerónimo Sánchez: La population indigène de notre pays est celle du plus faible pourcentage selon le dernier recensement national (2011) ou 52 % de la population vénézuélienne était située dans le segment « Brun (e), Noir (e) et Afro descendant ». Le reste constitue un véritable métissage entre la typologie caucasienne et ce que certains ont dénommé « criollos » (1).

Cependant, dans notre pays, nos groupes ethniques autochtones sont respectés, ils ont des lois qui les protègent et ils sont représentés au sein de notre Assemblée nationale. Nous avons reçu à des temps différents, avec l’hospitalité qui nous caractérise, de grandes migrations d’Européens victimes des deux guerres mondiales qui ont été intégrés à notre population. Nous avons également reçu de nombreux citoyens des Caraïbes, de Colombie, du Chili, d’Uruguay, d’Argentine qui fuyaient des dictatures, des guerres civiles et de la pauvreté. Ils se sont intégrés et sont citoyens vénézuéliens.

Il est juste de mentionner que ces migrants bénéficient de tous les avantages sociaux du pays, beaucoup ont bénéficié des programmes de logement, de services de santé et d’éducation, et leurs enfants nés ici sont automatiquement vénézuéliens. Il est important de noter que dans ce pays, existe une égalité dans la diversité et l’intégration sociale en général.

 

I’A: Au cœur de Caracas, dans un espace de quelques cinq cents mètres se côtoient une église, une mosquée et une synagogue. De ma connaissance, il n’y a jamais eu d’affrontements ni de victimes sur ce site. Pouvez-vous me le confirmer et dans ce cas comment l’expliquez-vous ?

G.S.: Je n’ai jamais connu d’affrontements religieux dans notre pays – le Venezuela – près des temples ou dans tout autre espace. Au contraire, s’observe en général une véritable et respectueuse coexistence entre les différentes religions qui existent dans notre pays, où nous vivons toujours en premier lieu avec joie et solidarité. Nous sommes un peuple qui s’adapte, sympathique et sans arrière-pensées.

 

I’A: Le Venezuela est une ancienne colonie de l’Empire espagnol. Pour obtenir leur indépendance, des indigènes, des esclaves en provenance d’Afrique, et même des Européens se sont alliés. Tous, unis, sont les fondateurs de cette nation. Pouvez-vous nous parler de cette partie historique et comment ils ont réussi à s’unir malgré leurs évidentes différences ?

G.S.: Notre processus d’indépendance a été mené par des « mantuanos » (2) d’origine espagnole, influencés par les idées de la Révolution française et convaincus de la nécessité d’autonomie pour fonder de nouvelles nations. C’est pourquoi les peuples autochtones et tous ceux qui coïncidaient avec ce projet politique se sont incorporés pour fonder une patrie libre de l’empire espagnol. Pour cela ils ont même accordé la liberté aux esclaves d’origine africaine.

Les différences ont été oubliées dans le feu de la bataille contre les impérialistes, pour le succès de la libération tant attendue et la recherche de construire un espace égalitaire. Son grand créateur, le Libérateur Simon Bolívar avait une esclave comme nourrice, et ses camarades de jeu étaient également descendants d`esclaves, de plus il était un visionnaire dont les idées dépassaient la situation dans laquelle il vivait, avec une grande clairvoyance concernant la richesse de cette partie du monde.

 

I’A: Le programme Sud-Sud. Pouvez-vous nous résumer ses réalisations et ses perspectives ?

G.S.: La relation entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, connue sous son nom d’origine comme Abya Yala, comprend un programme stratégique très important, où le phénomène de la diaspora involontaire a eu lieu d’un continent à l’autre à des fins commerciales, qui à son tour a donné naissance à un mélange de cultures, de croyances, de valeurs et d’un métissage qui ont également engendré un grand esprit de liberté et de lutte indomptable. Le Commandant Hugo Chavez était un grand visionnaire qui visualisait ce pouvoir, maîtrisait le courant bolivarien et proposait une relation étroite, des plans communs et l’engrenage affectif nécessaire pour réunir de nombreuses forces, géographiques, économiques, spirituelles, sociales, pour la formation d’un véritable conglomérat de liberté, avec des plans conjoints de développement et d’amélioration de la qualité de vie, de soutien mutuel, sans précédent sur la planète.

Lorsque Mandela a été libéré de prison, l’un des premiers pays qu’il a visité a été le Venezuela, et nous recevons constamment des visiteurs de divers pays africains. Des festivals culturels africains ont lieu chaque année et il existe des institutions dédiées à l’étude des connaissances africaines, comme le Centre des Savoirs Africains, Américains et des Caraïbes, où je travaille comme professeur universitaire pour les diplômes sur ce sujet, et où ont été formés beaucoup de diplômés qui sont actuellement nos ambassadeurs.

 

Conférence du Professeur Gerónimo Sánchez

 

I’A: Professeur, je vous remercie pour cet entretien et sans vous poser de question, je vous cède la parole pour le conclure.

G.S.: Sont douloureuses les informations qui nous parviennent du monde, et particulièrement très fréquemment de France, sur les confrontations avec des victimes en raison des différences de couleurs et de croyances, ainsi que de la cruelle situation en Méditerranée pour les migrants africains.

Mes souhaits sont que les humains soient capables d’ouvrir un dialogue en harmonie, de régler leurs dettes du passé et qu’ils puissent s’entendre pour ouvrir de nouveaux horizons de paix pour un nouveau monde possible sur cette planète que nous devons partager.

Tous, sans exception, ont des ressources, des expériences et des connaissances. Il faut garder l’espérance qu’ils pourront les partager pour un bénéfice mutuel, avec le respect que nous nous devons les uns aux autres.

 

(1) Criollos : enfants d’espagnols nés en Amérique.
(2) Mantuanos : uniquement au Venezuela pour les « criollos » blancs de naissance noble.

 

Doyen émérite de l’Université Argelia Laya, dédié à la recherche, militant du Sommet international anti-impérialiste des Afro-descendants et Africains, Professeur universitaire pour les diplômes du Centre des Savoirs Africains, Américains et des Caraïbes de Caracas, et activiste de la jeune Révolution bolivarienne, en apprentissage constant pour la nécessité de fonder une patrie en même temps qu’un nouveau monde possible, de justice, d’équité et avant tout de paix.

Investig`Action ne veut pas laisser son lecteur dans un rôle passif. Il lui offre des contacts pour ses commentaires, ses questions ou pour qu’il puisse proposer des thèmes de son intérêt. Courriel: InvestigActionVza@gmail.com; Whatsapp: InvestigActionVza

 

Image à la une : Diablos Danzantes del Corpus Christi, tradition culturelle du Venezuela.

Source : Investig’Action

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