RECENSION: En direct du Nicaragua: soulèvement ou coup d’État? Un recueil  

               En avril 2018, des mandataires des États-Unis, armés et non armés, en collaboration avec les élites nicaraguayennes, ont lancé une guerre contre l’État du Nicaragua, son gouvernement, son économie et son peuple. Cette guerre a perturbé les transports et les communications dans tout le pays et saboté l’économie. Cela a passé par des actes de vandalisme, des incendies criminels, des agressions, des coups, des meurtres, de la torture et des viols, ainsi que par la construction dans le pays de centaines de barrages routiers, imposés par la violence, et l’organisation de manifestations politiques truffées elles aussi de violence. Cela a également pris la forme de publications et de reportages faux et mensongers dans la presse nationale et internationale et dans les médias sociaux. Ainsi, les agresseurs dans cette guerre ont réussi à enrôler un certain nombre de Nicaraguayens ne faisant pas partie de l’élite politiquement réactionnaire du pays.

 

              La guerre proprement dite a commencé à la mi-avril et s’est terminée à la mi-juillet avec la levée des barrages routiers de l’opposition. Plus de 250 personnes avaient été tuées et beaucoup d’autres blessées. Plus de 250 bâtiments ont été incendiés ou saccagés, avec des pertes de plus de 230 millions de dollars US pour le secteur public de la construction. Le PIB a chuté de près de 4%, une perte de près de 1.5 milliards de dollars pour l’économie, plus de 300 000 pertes d’emplois. (NB : cette recension qualifie les événements de 2018 de « guerre », bien qu’on puisse aussi l’appeler « opération de changement de régime », « tentative de coup d’État » et plus encore.)

              Ce livre électronique de 270 pages, que les éditeurs appellent un « reader » [un recueil] est offert gratuitement par l’Alliance pour la justice mondiale (Alliance for Global Justice (AFGJ, afgj.org), la principale organisation de solidarité anti-impérialiste aux États-Unis. Cet ouvrage comprend des articles, du journalisme d’investigation, des interviews et des témoignages de première main sur la guerre. C’est une collection réfléchie et variée couvrant un événement très important dans l’histoire révolutionnaire et anti-impérialiste moderne. Les contributeurs sont Alex Anfruns, Paul Baker Hernandez, Max Blumenthal, Michael Boudreau, S. Brian Willson, Jorge Capelán, Enrique Hendrix, Katherine Hoyt, Chuck Kaufman, Dan Kovalik, Barbara Larcom, Coleen Littlejohn, Gabriela Luna, Nils McCune, Nan McCurdy, Nora McCurdy, Camilo Mejía, Barbara Frances Moore, John Perry, Louise Richards, Stephen Sefton, Erika Takeo, Helen Yuill et Kevin Zeese.

              Ce recueil expose et réfute les récits biaisés et mensongers de la guerre présentés dans les médias dominants et même dans les médias alternatifs, ainsi que par les groupes de défense des droits humains alignés sur Washington tels qu’Amnesty International (1) et Human Rights Watch. Leur récit a imaginé un mouvement de protestation progressiste pacifique, écrasé par la police nationale brutale d’un régime dictatorial. Même la Gauche au sens large (quelle que soit sa définition), a diffusé ce récit, ainsi le Congrès nord-américain sur l’Amérique latine, les Socialistes démocratiques d’Amérique, le magazine Jacobin, The Nation, The Guardian, et des chaînes de télévision iconiques comme Democracy Now! (pp. 262-263) Dans le monde orwellien que nous habitons, il est certain que malgré son importance, sa portée et sa qualité, ce recueil ne sera jamais reconnu par les médias dominants ou la plupart des médias alternatifs, et il y sera encore moins recensé ou discuté.

              En plus d’essais et d’articles plus longs, le recueil comprend des brèves. Nous y apprenons le lancement de la guerre pour le changement de régime et que quelques jours avant le début de cette guerre, un incendie dans la réserve biologique Indio Maíz a été salué par des protestations fabriquées contre la prétendue inaction gouvernementale. Ces protestations ont essayé mais n’ont pas réussi à déclencher la guerre et elles se sont éteintes avec l’incendie. Nous apprenons les détails des propositions de réforme de la sécurité sociale par lesquelles le gouvernement a cherché à éviter les plans néolibéraux du Fonds monétaire international et de la puissante association économique nicaraguayenne, le Conseil supérieur de l’entreprise privée. Ces propositions de réformes ont été présentées de manière déformée dans la presse d’opposition et ont suscité des protestations prétextes avec des justifications changeantes. Ce sont ces protestations qui ont déclenché la guerre. (The Events of 2018 and Their Context, Nan McCurdy et Stephen Sefton, pp. 76 ss.)

              Ces nouvelles brèves font état de l’incendie de bureaux gouvernementaux à Masaya, le feu se répandant dans une grande partie du quartier ; de la dénonciation par les enseignants de la violence et des barrages routiers ; de l’enlèvement d’un enseignant du secondaire à Managua qui avait participé aux manifestations ; de tirs à Crazo et Jinotepe ; de l’incendie de la station de radio pro-sandiniste « Tu Nueva Radio Ya » à Managua; des appels de l’opposition à un coup d’État ; de la violence le jour de la Fête des mères, qui a tué 16 policiers et partisans sandinistes et en a blessé 30 à Managua, Masaya, Chinandega et Estelí; de l’arrestation de Christian Mendoza, « El Viper », chef de gang qui a commis des meurtres, des vols de voitures et d’autres crimes et qui a été responsable, en avril, du déclenchement de la violence à l’Université polytechnique du Nicaragua ; des incendies de bâtiments municipaux et du marché à Granada détruisant les moyens d’existence de centaines de commerçants et propriétaires de petites entreprises.

              Ailleurs, il y a des témoins oculaires de la guerre, comme Maribel Baldizón, marchande de fruits indépendante à Managua et secrétaire générale de la Fédération des travailleurs aux arrêts de bus et aux feux de signalisation (p. 226) : « Nous ne pouvions pas être dans nos rues, nous ne pouvions pas nous déplacer librement parce que nous nous inquiétons de ceux qui pourraient violer, tuer ou voler… Je vends ici dans le secteur [l’Université de l’Amérique centrale]… ils ont mis le feu à mon étal… ils ont tiré au mortier là où je vends, et ils ont incendié [Tu Nueva Radio Ya, une radio pro-sandiniste] de l’autre côté de la rue… » Elle a rejeté le récit mensonger des médias disant de l’opposition : « Ce qu’ils ont fait était contre le peuple, ce n’était pas une lutte où le peuple se levait, non, c’était une lutte contre les pauvres. »

              Dans Correcting the Record: What is Really Happening in Nicaragua (p. 115, 179), Kevin Zeese et Nils McCune analysent l’opération de changement de régime, la violence perpétrée par les forces de l’opposition et les affirmations de cette dernière que le gouvernement avait fait un usage excessif de la force. Ils identifient le caractère de classe du conflit, l’appelant à juste titre « une guerre de classe à l’envers ».

              Dans How Nicaragua Defeated a Right-wing US-backed Coup, Max Blumenthal interviewe Nils McCune (p. 57) Cet entretien particulièrement convainquant donne un aperçu de la guerre depuis ses débuts. Egalement discuté, il y a le rôle de Felix Maradiaga, financé par le National Endowment for Democracy (NED), et de ses agents criminels dans l’organisation et la perpétration de la violence ainsi que le rôle des partis nominalement de gauche de l’opposition : le Mouvement pour la rénovation sandiniste et le Mouvement pour le salut du sandinisme (deux partis connus sous l’acronyme MRS). McCune note que ces partis manquent de soutien populaire et affichent constamment de faibles résultats aux élections, toujours à un seul chiffre et presque toujours tout au bas de l’échelle. « Ils sont très forts à l’extérieur du pays, note McCune, mais très faibles à l’intérieur. Il n’y a pas un membre du MRS à Tipitapa [la ville de McCune] parce que c’est une ville très ouvrière. »

              Auparavant, l’AFGJ et l’organisation britannique Nicaraguan Solidarity Campaign Action Group (NSCAG) ont collaboré à Dismissing the Truth, une réfutation détaillée de deux rapports d’Amnesty International sur la violence au Nicaragua. Un extrait de l’analyse de 55 pages est publié dans le Reader (p. 195) est disponible gratuitement sur afgj.org. Amnesty International a été l’un des premiers pourvoyeurs et la source faisant ostensiblement autorité du récit fallacieux adopté par les médias, et cette démystification de l’AFGJ et du NSCAG témoigne clairement de la soumission d’AI à la narration antigouvernementale promue par les États-Unis et la presse d’opposition nicaraguayenne.

              Dans The 15 Days of Protests without Deaths d’Enrique Hendrix (p. 83), l’auteur fait référence à son étude plus longue, Monopolizing Death, qui a examiné chaque décès intervenu pendant la période la guerre, du 19 avril au 23 septembre 2018. Le travail de Hendrix réfute le mythe d’un mouvement populaire de protestation pacifique de l’opposition qui s’est heurté à une répression policière brutale.

              Dans How Washington and Soft Power NGOs Manipulated Nicaragua’s Death Toll to Drive Regime Change and Sanctions (p. 191), Max Blumenthal discute la falsification du bilan des morts pratiquée par les ONG partisanes dans les rapports sur la guerre de changement de régime et l’utilisation de soi-disant organisations de défense des droits de l’homme dans la propagation de récits faux et trompeurs. Ces organisations comprennent le Centre nicaraguayen pour les droits de l’homme, l’Association nicaraguayenne pour les droits de l’homme, sur lesquels s’appuient le Congrès étasunien, la Commission interaméricaine pour les droits de l’homme (IACHR en anglais) et Human Rights Watch (HRW). Blumenthal relate également les liens étroits et non dissimulés entre les jeunes militants qui s’efforcent d’obtenir un changement de régime et l’aile droite du Congrès américain.

              Avec précision et humour, et semblable à un avocat de la défense qui résume la situation pour un jury, Chuck Kaufman, dans The Case Against Ortega (p. 138) réduit à néant l’accusation voulant qu’Ortega soit un dictateur ainsi que les allégations de ceux qui affirment qu’ils sont à la gauche des sandinistes. Expliquant sa motivation (étonnant ainsi l’auteur de cette recension), Kaufman ouvre son article par un auto-reproche à la Gauche solidaire américaine : « Depuis le retour [des sandinistes] au pouvoir, avec l’élection de Daniel Ortega en 2006 à la présidence, nous n’avons pas vraiment combattu la campagne de désinformation contre Daniel, sa femme et son gouvernement. Nous avons supposé à tort que l’amélioration manifeste du niveau de vie, la réduction de la pauvreté, de la mortalité infantile et maternelle, l’absence de Nicaraguayens venant au nord, à la frontière américaine, le retour des droits économiques et politiques dont le peuple avait été dépouillé pendant dix-sept ans de gouvernements néolibéraux vassaux des États-Unis (de 1990 à 2006) feraient taire les mensonges. »

             S’appuyant sur l’article de Alex Anfruns Du terrorisme considéré comme l’art de manifester et un article de Louise Richards sur NicaNotes, John Perry étudie le rôle des « médias sociaux, des médias commerciaux nicaraguayens et de la presse internationale » dans Nicaragua’s Crisis: The Struggle for Balanced Media Coverage (p. 208). « En principe, les protestations qui ont commencé le 18 avril se sont opposées à une série de réformes très modestes du système de sécurité sociale. Une campagne de désinformation vigoureuse a abusé un grand nombre d’étudiants et d’autres, les amenant à rejoindre les manifestations en présentant de manière trompeuse les détails des propositions gouvernementales. Mais les étudiants à la tête de ces manifestations ont été bientôt rejoints par d’autres, ceux qui étaient dotés d’un programme beaucoup plus vaste de tentative de faire tomber le gouvernement Ortega. Plutôt que de discuter des changements dans les régimes de retraite, les médias sociaux ont rapidement promu un changement de régime. » Cette campagne « a inclus de nombreuses fausses vidéos et de fausses informations. Des posts sur Facebook ont rapporté que les hôpitaux publics refusaient de soigner les manifestants blessés. De fausses vidéos sont apparus d’étudiants “blessés” soignés dans des universités et dans la cathédrale catholique de Managua. » Les médias sociaux ont répandu des « instructions pour traquer et tuer des sympathisants ou des fonctionnaires du gouvernement ». Le 12 juillet, une caravane de véhicules à moteur « a attaqué l’hôtel de police et la mairie ». Quatre policiers et un enseignant ont été tués. « Quelque 200 “manifestants” armés ont enlevé les policiers restants, les ont emmenés, les ont battus et menacé de les tuer. »

              Perry remarque l’existence d’un « récit consensuel » sur le Nicaragua. La presse internationale, y compris le New York Times, The Guardian, The New Yorker, British Broadcasting Corporation (BBC), et le Huffington Post, adhèrent à ce récit, comparant souvent le gouvernement d’Ortega aux célèbres dictatures de l’histoire. Et AI, HRW et IACHR répètent les fausses allégations et les décomptes des corps inventés des organisations nicaraguayennes de « défense des droits de l’homme » qui sont « alignées sur l’oppositions, sont notoirement de parti pris et ont souvenir reçu des fonds américains ».

              US Regime-Change Funding Mechanisms, de Chuck Kaufman, décrit brièvement les agences et les couvertures, désignées par des acronymes, responsables des opérations de changement de régime de 2018 (p. 171). Elles incluent le National Endowment for Democracy (NED), l’United States Agency for International Development (USAID), l’International Republican Institute (IRI), l’AFL-CIO, et d’autres, ainsi que des ONG basées au Nicaragua, certaines non seulement financées mais créées par des organisations américaines en vue du changement de régime. L’essai de Max Blumenthal. US Government Meddling Machine Boasts of ‘Laying the Groundwork for Insurrection’ in Nicaragua (p. 174) détaille ces opérations et leur évolution, d’opérations secrètes à ouvertes dans la politique étrangère américaine. On estime que les États-Unis auraient dépensé des centaines de millions de dollars dans leurs efforts qui ont culminé dans la guerre de changement de régime de 2018. (Willson & McCune, p. 13)

              Dans les articles de Gabriela Luna (p. 5), Chuck Kaufman (p. 10 et 171), Brian Willson & Nils McCune (p. 13), et Dan Kovalik (p. 186, p. 256), le long arc de la révolution sandiniste et de ses accomplissements émerge, depuis le triomphe de 1979, le renversement de 1990 jusqu’au retour au pouvoir en 2007. Pendant la première période sandiniste, « La peine de mort a été abolie. Des centaines de milliers de paysans étranglés par la pauvreté sont revenus à la vie. Plus de 100 000 familles ont reçu des terres. Deux mille écoles ont été construites. Une campagne d’alphabétisation tout à fait remarquable a réduit l’analphabétisme dans le pays à moins d’un septième. L’instruction et un système de santé gratuits ont été introduits. La mortalité infantile a été réduite d’un tiers. La poliomyélite a été éradiquée » (Kovalik). Puis, en 1990, la défaite électorale de la Révolution sandiniste est intervenue, mais comme l’a noté Noam Chomsky à l’époque, « le peuple nicaraguayen a voté avec un pistolet sur la tempe », comprenant que s’il ne votait pas pour chasser les sandinistes, les États-Unis poursuivraient leur sale guerre. Un gouvernement contre-révolutionnaire a suivi, durant lequel les acquis de la Révolution ont été annulés : dans les soins de santé, l’éducation, la redistribution des terres, et beaucoup plus encore (Willson & McCune). Avec le retour des sandinistes en 2007, la Révolution a entamé sa seconde phase, accomplissant d’énormes et rapides progrès dans la réduction de la pauvreté, la souveraineté alimentaire, l’égalité des sexes et bien plus encore (Kovalik). Par exemple, « le nombre absolu des personnes sous-alimentées a été réduit de moitié, l’accès à l’éducation et à la santé gratuites ont été garanties aux communautés rurales, la mortalité maternelle a été réduite de 60% et la mortalité infantile de 2%, tandis que l’accès à l’électricité a passé de 54% à 96% de la population rurale » (Luna).

              L’une des réalisations les moins connues en Amérique du Nord est celle du Nicaragua en matière d’égalité des sexes (Kovalik, pp. 258-259): « En 2018, le Nicaragua était classé par le World Economic Forum (WEF) au cinquième rang mondial en matière d’égalité entre les sexes. » Seules l’Islande, la Suède et la Finlande étaient classées plus haut. Une loi 50-50 impose l’égalité entre les sexes dans les listes des candidats des partis pour les élections. Tout cela, remarque Kovalik, « est en forte contradiction avec les allégations dérisoires de beaucoup de gens dans la gauche américaine et la communauté de défense des droits de l’homme que le Nicaragua est dirigé par un caudillo sexiste dans la personne de Daniel Ortega, mais très peu reconnaîtront cette contradiction criante ».

              Le Recueil comprend des textes sur le Nicaragua qui couvrent beaucoup plus que les événements de 2018. Nils McCune écrit sur « l’économie populaire » nicaraguayenne unique (p. 221), qu’il appelle avec pertinence « la thérapie anti-choc du Nicaragua », en référence à l’ouvrage de Naomi Klein sur l’opportunisme néolibéral, La stratégie du choc. « Alors que le secteur privé formel – représenté politiquement par le Conseil suprême des entreprises privées – emplois environ 15% des travailleurs du Nicaragua, le secteur informel populaire en emplois plus de 60%. Pourtant, ce n’est pas seulement son poids en tant qu’employeur, mais aussi sa contribution à la santé économique du Nicaragua qui rend l’économie populaire si importante. » Comparez : « Le capitaliste crée l’emploi afin de maximiser l’accumulation ; le travailleur indépendant, l’entreprise familiale ou coopérative utilise l’accumulation comme instrument pour produire de l’emploi. » McCune observe que c’est l’économie populaire qui qui fournit une grande partie de la nourriture, de l’habillement et du logement. Et ce sont les programmes spécifiques du gouvernement nicaraguayen en vue de ces fins ainsi que les alliances régionales (notamment l’initiative Venezuela-Cuba, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité commercial des peuples (ALBA) qui ont produit l’économie nicaraguayenne.  

              Kevin Zeese et Nils McCune répondent à la question de savoir pourquoi l’État nicaraguayen moderne est devenu la cible de l’empire (pp. 122-123). C’est parce que les réalisations sociales, économiques et politiques populaires du pas, et son rejet ouvert de l’impérialisme, présentent « la menace d’un bon exemple » classique, qui pourrait inspirer d’autres pays de l’hémisphère sud à se libérer de l’emprise impérialiste. C’est aussi à cause des alliances du Nicaragua avec Cuba, le Venezuela et la lutte des Palestiniens, son soutien à l’indépendance de Porto Rico, son adhésion à l’ALBA et ses alliances avec la Chine pour un projet de canal et avec la Russie pour la coopération en matière de sécurité.

              Prenant au mot les critiques de l’opposition au gouvernement, Kathy Hoyt écrit que pour certains, y compris ceux formés par les ONG financées par les États-Unis et l’Union européenne, « les améliorations matérielles ne sont pas suffisantes ou ils ne sont pas particulièrement intéressés par celles-ci » (p. 143). Au contraire, ils se plaignent particulièrement du système politique, de la nature des partis politiques du Nicaragua, des élections, de la personne de Daniel Ortega, etc. Mais pour les soutiens du gouvernement, au Nicaragua et à l’étranger, l’amélioration remarquable des conditions de vie des pauvres au Nicaragua comptent, et comme le note Hyot, citant Orlando Nuñez Soto parlant de Cuba, « nous sommes séduits par le fait que les enfants mangent et vont à l’école ».

              Colleen Littlejohn écrit sur les différences idéologiques ou théologiques dans l’Eglise catholique, et sur le rôle de la hiérarchie de l’Église dans la guerre, tant comme instigatrice et organisatrice de la violence que comme négociatrice et médiatrice hypocrite (p. 243). Alors que la hiérarchie faisait partie de l’opposition, d’autres éléments de l’Église ont résisté à la trahison de la Théologie de la libération révolutionnaire, qui a toujours de profondes racines chez les catholiques laïques du Nicaragua et chez certains membres du clergé.

              Dans US Imperialism and Nicaragua: “They would not let our flower blossom”, Brian Willson et Nils McCune ont écrit une introduction saisissante à l’histoire datant d’un siècle et demi de la tentative des États-Unis de contrôles « les ressources, l’infrastructure et une route potentielle des canaux interocéaniques » nicaraguayens (p. 13). On y apprend que les États-Unis ont utilisé toutes les techniques dans leur campagne contre la souveraineté nicaraguayenne : guerre directe et par mercenaires, occupation militaire, assassinat de dirigeants politiques, financement des organes politiques et de presse de l’opposition, utilisation des institutions internationales pour exercer des pressions, pratiquer des tentatives de coups d’État, des sanctions sur le commerce et le crédit, et manipulation des sociétés américaines de notation du crédit pour présenter de façon mensongère la stabilité financière du Nicaragua. Même la première utilisation mondiale d’avions pour lancer des bombes a été faite par les États-Unis, sur le Nicaragua. Dans les années 1930, le général Augusto César Sandino a mené une guérilla contre l’occupation américaine. Il a été assassiné en 1934 par Anastasio Somoza García, qui a aussi massacré les troupes de Sandino. Soutenu par les États-Unis, la famille Somoza a ensuite gouverné le pays de 1934 à 1979.

              Bien que la Révolution sandiniste ait été victorieuse en 1979, les États-Unis ont poursuivi sans discontinuer leurs efforts contre-révolutionnaires qui avaient précédé la révolution, lançant la guerre Contra. Le président Jimmy Carter, après avoir brièvement hésité juste avant le triomphe sandiniste, a entamé l’effort qui a ensuite été repris avec brutalité et sadisme par l’administration Reagan. Les techniques auxiliaires de cette guerre de meurtres, de torture et de viol de civils, et la destruction d’hôpitaux, de cliniques et d’écoles, comprenaient le financement par les États-Unis, via la CIA et le NED, d’une presse pro-Contra réactionnaire, le sabotage économique et des élections, les émissions radiophoniques de propagande depuis le Honduras et le Costa Rica voisins, et la manipulation et le recrutement de la population indigène miskito sur la côte atlantique du Nicaragua. L’Affaire Iran-Contra, un scandale américain national, a aidé l’administration à financer les Contras sans le dire au public ou au Congrès. C’est à cette époque que le financement secret par la CIA des partis d’opposition pour soutenir les efforts de changement de régime en de nombreux endroits du monde a commencé à être pratiqué ouvertement par le NED, et a pris de l’ampleur pendant la guerre de 2018.

              Avec l’adoption récente de la Loi NICA (à l’unanimité du Congrès et du Sénat), les États-Unis ont déclaré que la guerre au Nicaragua est loin d’être finie. Ce siège illégal au moyen de sanctions et la campagne internationale de diabolisation contre le pays se poursuit, met en péril la vie des pauvres et des vulnérables en particulier, tout comme les sanctions illégales et unilatérales imposées par les États-Unis à des douzaines de pays, dont le Venezuela, Cuba et la Syrie. Ce recueil devrait armer la Gauche solidaire dans sa résistance aux méthodes cruelles et réactionnaires et les buts de l’empire.

 

1. (Note de la Rédaction) Lire à ce sujet les articles suivants :

 

Traduit par Diane Gilliard pour le Journal Notre Amérique

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