Que faire des déchets nucléaires ? (3/6)

Les déchets radioactifs ont une durée de vie très longue se comptant en millions d’années. Comment s’en débarrasser de manière respectueuse envers les générations futures ? Dans cette série de six articles, une citoyenne indépendante nous apporte ses conclusions dans ce domaine, après avoir contacté des spécialistes ou des scientifiques en Suède, aux Pays Bas, en Suisse et en France. 

 

Dans les articles précédents, nous avons vu que, le stockage géologique des déchets nucléaires dans une roche de granit, d’argile ou de sel ne garantit pas une sécurité suffisante pour nous protéger des risques de fuites radioactives de ces déchets. De plus, le Tribunal environnemental suédois a conclu en 2018, sur la base d’une étude scientifique suédoise que les fûts suédois destinés à contenir les déchets radioactifs sont trop risqués à cause entre autre de graves problèmes de corrosion.

Est-ce que les scientifiques français ont de meilleures idées que les suédois pour faire en sorte que la radioactivité des déchets nucléaires ne fuit pas des fûts?

Pour y répondre, il faut d’abord se demander: Quelles sont les qualités de l’argile du projet de stockage géologique des déchets nucléaires en France, à Bure, dans la Meuse?

Cette argile est stable depuis au moins 100 millions d’années. Elle est aussi très peu perméable. C’est important car cette qualité s’oppose à la circulation de l’eau (principale cause de la dégradation des fûts et de la dissémination des radioéléments). Pour finir, l’argile a une capacité de rétention (absorption) élevée des éléments radioactifs (1*).

Est-ce que ces bonnes qualités de l’argile de Bure sont suffisantes pour garantir une sécurité et une étanchéité des fûts?

Greenpeace explique « que les travaux de forage déstabiliseront cette couche argileuse. » (2*) En effet, construire de grandes galeries à 500 m de profondeur, produit de fortes vibrations pouvant nuire à la stabilité des sols.

Selon Peter Szakalos (spécialiste de l’impact de la radioactivité sur les matériaux), les conditions de stockage géologique des déchets nucléaires à Bure dans la Meuse, sont meilleures que le projet suédois car en France (contrairement à la Suède) nous n’avons pas d’écoulement d’eaux souterraines salées.

Ainsi, l’argile française de Bure entraîne une corrosion des fûts plus lente qu’en Suède. Malheureusement, il dit aussi que les fûts de Bure se corroderont et s’effondreront tout de même. (3*)

J’ai contacté l’Andra, le laboratoire de recherche sur le stockage géologique des déchets nucléaires à Bure, pour avoir des informations précises surtout sur les fûts et les conteneurs métalliques (4*).

J’ai d’abord contacté par mail Richard Poisson ingénieur et chef de service, le 6 décembre 2018. Bien que je me sois présentée et que j’ai expliqué la raison de mon mail, à savoir l’écriture d’un article sur le stockage géologique des déchets nucléaires, il m’a demandé mes motivations car il m’a dit avoir « le souhait d’apporter des réponses pertinentes » (mail du 7 septembre 18).

Aussi, ce même jour, je lui ai à nouveau expliqué ma motivation dans un mail. Ce même jour, il m’a envoyé à nouveau un mail pour encore me demander mes motivations et si je faisais une thèse. Ce même jour, je lui ai réexpliqué pour la troisième fois que j’écrivais un article sur le stockage géologique des déchets nucléaires.

J’ai précisé être indépendante. Puis, n’ayant plus de réponse, je lui téléphoné et, là, il m’a renvoyé vers le numéro de téléphone du service communication de l’Andra. A deux reprises, je lui ai demandé de me donner le mail de ce service communication, mais il a refusé. Que je veuille communiquer par mail avec le service communication de l’Andra, au XXIième siècle, ça lui a apparemment posé problème!

J’ai alors téléphoné au service communication. Devinez ce que l’on m’a demandé! Et oui, mes motivations. J’ai abrégé la conversation en expliquant que j’avais préparé un mail et qu’il était presque midi. Et là, victoire j’ai eu l’adresse mail de Sylvie Nowak du service communication de l’Andra. Je lui ai envoyé mes questions par mail, puis mon mail a été transmis à Annabelle Quenet responsable relation presse de l’Andra le 12 décembre 18. Mme Quenet m’a expliqué par mail que mes mails, dont ceux adressés à M. Poisson, lui ont été transmis. Alors, selon vous, que m’a t-elle demandé ? Et oui, vous avez tout compris, elle m’a demandé mes MOTIVATIONS.

Que m’a t-elle envoyé en guise de réponse à mes questions? Plus de 1000 pages de documents! Dont une grande partie était sans rapport avec mes questions! A moi de me débrouiller pour trouver les réponses à mes questions dans leurs documents (lorsqu’elles s’y trouvaient).

Ensuite, j’ai envoyé par mail, deux questions extrêmement importantes (5*).

4 jours plus tard, le 17 décembre 2018, je téléphone à Mme Quenet pour avoir les réponses à mes nombreuses questions car dans le millier de pages qui m’a été envoyé, je ne parvenais pas à trouver toutes les réponses à mes questions. Je n’ai pas réussi à la joindre. Elle m’a re-téléphonée et laissée un long message téléphonique dans lequel elle me dit: « on a fait un gros effort de transparence » et « on ne peut pas allez bien plus loin car l’ensemble des informations dont on dispose et qui sont publiques, sont celles que je vous ai transmise ». Intéressant cette information!

Ce même jour, je lui ai renvoyé un mail pour lui poser mes questions en ajoutant quelques questions supplémentaires, à savoir: « Dans votre message téléphonique, vous dites que « l’ensemble des informations publiques m’ont été transmises ». Est-ce que ça veut dire qu’il y a des informations non publiques de l’Andra, sur des questions techniques ou scientifiques, sur lesquelles vous ne communiquez pas? » Je lui ai aussi demandé à quelles pages se trouvent précisément les réponses à mes questions.
Puis, j’ai attendu un mois sa réponse hypothétique. Résultat: silence radio!

Au service communication de l’Andra, ils sont doués pour le silence.

Mon sentiment est que l’Andra préfère faire de la rétention d’informations car ils savent que leur projet comporte de nombreuses failles béantes.

C’est grave ce manque de transparence de l’Andra. Le stockage géologique des déchets nucléaires c’est un sujet sérieux qui concerne chacun d’entre nous et les êtres vivants pour des millions d’années. On devrait avoir le droit d’avoir des réponses. D’autant plus, que ce projet coûte minimum 35 milliard et que c’est bien avec l’argent du contribuable qu’il est payé.

Et, si les employés de l’Andra me demandent tant mes motivations, c’est fort probablement car ils sont dans un mode de méfiance paranoïaque: ils savent que de nombreuses organisations sont contre leur projet, tels les habitants de Bure militants contre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires. Eux les répressions policières, ça fait longtemps qu’ils connaissent (6*).

Fort heureusement, il n’y a pas que l’Andra pour s’informer. Et, j’ai tout de même trouver des informations très intéressantes sur les fûts français destinés à contenir les déchets nucléaires. Je vous en parlerai dans le message suivant.

Adresses mails des employés de l’Andra que j’ai contacté, si vous avez envie de poursuivre ma recherche.
sylvie.nowak@andra.fr

Annabelle.QUENET@andra.fr

Richard.Poisson@andra.fr

 

Notes

(1*) https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cigéo

(2*) Avis de Greenpeace concernant le projet Cigéo de l’Andra https://www.greenpeace.fr/les-six-failles- du-projet-denfouissement-des-dechets-nucleaires-cigeo/

(3*) Mail Peter Szakalos 16/12/2018

(4*) Questions que j’ai envoyé à l’Andra.

« Est-ce que le programme de recherche de l’Andra a depuis trouvé des solutions pour éviter toute corrosion des fûts en acier et des conteneurs en inox? Si oui lesquelles?

Si non, est-ce que le programme de recherche de l’Andra a depuis trouvé des solutions pour éviter la production d’hydrogène par la radiolyse des conteneurs métalliques ?

Est-ce que le programme de recherche de l’Andra a depuis trouvé des solutions pour éviter le risque d’explosion à cause de l’hydrogène (provenant de la corrosion de ces conteneurs métalliques) en présence d’oxygène ? Si oui lesquelles?

Est-ce que les futurs remblais entre les conteneurs métalliques et les paroies rocheuses ne devraient pas permettre d’éviter une explosion à cause de l’hydrogène?

Est-ce que la ventilation est prévue, seulement pour les 100 premières années d’exploitation avant le scellement? Est-ce qu’après le scellement, il y aura aussi une ventilation?

(5*) Questions que j’ai envoyé à l’Andra pour lesquelles l’Andra n’a apporté absolument aucun début de réponse.

« Page 135, il est écrit https://www.andra.fr/sites/default/files/2018-04/dossier-options-surete-apres- fermeture_0.pdf

« L’Andra conçoit le conteneur de stockage HA de manière à lui conférer la plus grande durabilité possible d’étanchéité, en tenant compte des incertitudes scientifiques, des limites technologiques et des facteurs économiques. »

Pouvez-vous me préciser à combien de temps correspond « la plus grande durabilité possible d’étanchéité « du conteneur de stockage HA après fermeture ( et en tenant compte des 100 années d’exploitation )? »

« Pourquoi les fûts et conteneurs métalliques destinés à contenir les déchets nucléaires du projet Cigéo ne sont pas en cuivre au moins partiellement? Le cuivre produit beaucoup moins d’hydrogène que l’acier ou l’inox en condition anaérobie. »

(6*) https://www.revue-ballast.fr/bure-laboratoire-de-la-repression/ https://reporterre.net/La-repression-contre-les-militants-anti-Cigeo-devant-la-Cour-de-cassation

 

Photo : France Nature Environnement

Source : Investig’Action

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