Murs partout, les maitres assiégés …

L’inquiétude des classes dirigeantes occidentales face aux incertitudes sur les politiques que va réellement conduire l’administration TRUMP est patente. Le personnage lui-même se garde bien de les lever essayant de profiter au moins temporairement par ses annonces tonitruantes et déstabilisatrices d’un effet de peur voire de sidération de ceux qui s’opposeraient à son ambition de redonner, comme il l’a dit, à « l’AMERIQUE » sa prédominance perdue.

  Le premier cas mais il y en aura d’autres puisqu’il s’agit de l’application d’une méthode de gouvernement directement inspirée par la gestion contemporaine des grands monopoles capitalistes (cost killing, contrats éphémères et précaires avec tous : salariés, clients, fournisseurs…) qui est soumise à l’épreuve du feu, est celui du mur avec le Mexique.

  La nouvelle fait aussitôt le tour du monde et rares sont ceux qui rappellent que la construction du dit mur a commencé sous Clinton s’est poursuivie sous Bush qui a fait valider cette politique par le Congrès en 2006 et qu’aujourd’hui les fractions de  mur déjà construites représentent en gros un sixième des 3000 kilomètres de la frontière commune.  Rares sont ceux également qui n’oublient pas de mentionner que la pratique des murs entre Etats s’est beaucoup répandue dans le monde ces dernières décennies (les deux plus connus sont le mur de l’apartheid israélien et le mur marocain d’isolement de la république arabe sahraouie mais il y en a d’autres) et que de plus en plus les quartiers de riches se  barricadent, se murent à l’intérieur des grandes villes du monde.

  Les gouvernements mexicains successifs ont observé sans réagir le phénomène qui confirmait que le traité de libre-échange de 1994, comme tous les traités de libre-échange conclus entre deux pays inégaux, profitait principalement au plus puissant des deux. Ainsi étaient fabriqués au Mexique par un prolétariat surexploité des produits manufacturés pas chers pour le marché étasunien, ainsi les produits de l’agrobusiness étasunien lourdement subventionnés pouvaient envahir le marché mexicain et détruire la paysannerie mexicaine. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes possible, le Mexique vendu par sa bourgeoisie compradore  réprimant de plus en plus violemment une population ouvrière et paysanne appauvrie. Ce grand flux transfrontalier légalisé de marchandises s’accompagnait d’un flux parasite : la drogue, pour alimenter le premier marché mondial des stupéfiants : les Etats-Unis,  parachevant ainsi la violence sociale du processus libre-échangiste.

  La réponse populaire à cette violence était la tentative de passer au nord avec l’espoir d’échapper à ces conditions de pays dominé. Au moment même où Clinton ouvrait la frontière aux marchandises, il  commençait à la fermer aux hommes. Bush allait continuer. Il ne faut jamais oublier que ce genre de fermeture n’empêche jamais tout passage mais qu’il le limite fortement en le rendant très difficile, très onéreux et très dangereux voire mortel et que d’autre part les enfants de la bourgeoisie mexicaine qui venaient étudier aux Etats-Unis n’avaient pas besoin de passeur pour sauter le mur, ils étaient accueillis légalement comme l’étaient les diplômes mexicains qui venaient ainsi mettre au service des monopoles étasuniens  des qualifications acquises aux frais de l’état et des contribuables mexicains. Le freinage était un freinage de classe, donc brutal.

  Mais le freinage ne fonctionnait que sur une fraction de la très longue frontière commune. Inévitablement TRUMP allait intervenir sur ce terrain pour pousser à l’achèvement du mur. Il se trouvait ainsi face à une redoutable contradiction : tenir ses promesses électorales de limitation de la main d’œuvre immigrée, et du « fabriquons US » promesses bien reçues dans toute une série d’états de l’union où sévit la désindustrialisation et où s’étend la misère  et ne pas piocher dans les caisses d’un Etat surendetté  alors qu’il n’a pas prévu de taxer comme ils le mériteraient les milliardaires étasuniens. On voit mal TRUMP exiger du PDG d’Exxon qu’il vient de choisir comme secrétaire d’Etat  que la plus grande compagnie US qui ne paye pas d’impôts aux Etats-Unis rapatrie ses bénéfices (somptueux mais off shore) aux Etats-Unis.

 D’où l’annonce : Les Etats-Unis construisent le mur mais le Mexique paye. La seule réponse possible du président mexicain a été : « Le Mexique n’a rien demandé, il n’a rien à payer » Le gouvernement mexicain ne peut rien dire d’autre puisque le mur est un mur contre les mexicains et d’autres latinos plus au Sud et que les nombreuses victimes du difficile passage du mur sont aussi des latinos. Accepter le principe du mur et le financer aurait été pour lui outrageant. D’où le refus de Pena Nieto d’une rencontre officielle avec TRUMP.

 La seconde contradiction n’est pas moins redoutable. TRUMP ne se contente pas de lancer le débat sur  le mur et son financement mais il va plus loin dans les remises en cause des politiques précédentes : il annonce la révision  de l’accord de libre-échange de 1994 arguant du fait que le commerce entre les deux pays est déséquilibré au détriment des Etats-Unis. Le fait est réel mais pouvait-il en être autrement puisque le but était de faire fabriquer à bas coût des produits destinés au marché étasunien  par des ouvriers et ouvrières mexicains  surexploités. Cette opportunité ne pouvait qu’être saisie à bras le corps par le Capital international. Deux décennies plus tard le résultat est là : les importations depuis le Mexique sont énormes.

 TRUMP agite alors une menace de taxation de 20% des importations en provenance du Mexique. Que peuvent faire les multinationales qui ont profité de l’aubaine ?  Plusieurs réponses sont possibles mais ne sont pas immédiates :

  • Surexploiter encore plus la main-d’œuvre mexicaine pour faire baisser son prix et en mettre une partie au chômage
  • Demander au gouvernement mexicain de dévaluer le peso pour annuler l’effet immédiat de la taxation mais les recettes consolidées en dollars baisseraient d’autant
  • Relocaliser une partie de leur production aux Etats-Unis mais à condition que le prix du travail aux Etats-Unis ne soit pas trop supérieur à ce qu’il est au Mexique donc affronter la classe ouvrière étasunienne y compris celle qui a voté TRUMP.

 Dans quelque direction que l’on regarde d’immenses affrontements de classe sont en préparation au Mexique et aux Etats-Unis pour commencer mais bien au delà. Que vont faire les guatémaltèques, honduriens, salvadoriens qui transitaient par le Mexique pour passer aux Etats-Unis et qui représentaient un tiers des candidats au franchissement du mur ? Déjà les Etats-Unis avaient fait pression sur le Mexique pour qu’il construise un mur sur sa frontière Sud  et en 2016 le président  Pena Nieto avait semblé acquiescer en commençant par acquérir aux Etats-Unis du matériel de contrôle d’une frontière passoire et avait augmenté les expulsions.

 Deux sorties : d’un côté  la lutte organisée et prolongée de la classe exploitée, de l’autre l’effondrement déjà observable aux Etats-Unis dans l’overdose, le shoot généralisé, le désespoir chimiquement assisté.

Dans son discours d’investiture TRUMP a affirmé que « l’AMERIQUE » retrouverait son rayonnement mondial quand elle serait exemplaire. A ce train, il faudra attendre.

Source: Comaguer

 

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