Mais où sont donc passés les droits de l’Homme ?

Les États occidentaux, en particulier la France, se sont faits, dès la fin des guerres de « décolonisation » et de l’interventionnisme militaire américain direct (comme au Vietnam), les champions des droits de l’homme, « valeurs universelles ». Ils ont pu ainsi faire à bon compte le procès de l’État soviétique et de ses carences dans le domaine des libertés publiques, assimilant du même coup le communisme d’État et celui des oppositions perturbatrices de l’ordre social interne des États « libéraux ».

La question des droits de l’homme s’est ainsi substituée à toutes les questions économiques et sociales, les droits économiques, sociaux et culturels étant mis à l’écart au seul profit des droits civils et politiques. Est arrivé ainsi un moment historique où seuls étaient réputés « civilisés » et éligibles au droit international les États ayant adopté le modèle politique occidental, y compris si nul n’y combattait les inégalités sociales et la misère de masse.

Les gouvernements de droite et de la fausse « gauche », qui se succédaient en France, sont devenus sans complexe des professeurs de « morale » internationale : l’ingérence a été ainsi légitimée, quelques années seulement après les indépendances conquises par les peuples du Sud, au nom de « l’Humanitaire ».

Les droits de l’homme (entendus au sens le plus étroit) étaient systématiquement instrumentalisés pour servir essentiellement des intérêts économiques et stratégiques et conforter l’hégémonisme euraméricain. La disparition de l’URSS, puis son extrême faiblesse, semblait parachever un monde définitivement unipolaire où devaient régner pour toujours l’économie de marché et l’american way of life : c’était la « fin de l’Histoire » et la question des droits de l’homme avait rendu un grand service à ceux qui, en réalité, n’en faisaient aucun cas.

 

 

Mais l’évolution des relations internationales et le développement de la crise interne du capitalisme financier fondé sur la spéculation permanente ont bouleversé les croyances de ceux qui en tiraient profit et les illusions des dominés qui s’étaient laissés manipuler par le discours humanitaire style Kouchner.

Les droits de l’homme ont progressivement quitté l’avant-scène politique : par « nécessité », l’idéologie « droitdel’hommiste » n’était plus « à la mode ». Elle ne correspondait plus aux besoins des dominants, au contraire.

Dans l’ordre interne, les organisations patronales, les forces conservatrices et social-démocrates sont devenues les championnes du « sécuritaire » et du renforcement de l’ordre, en balayant ce qu’elles avaient prétendu « adorer » précédemment. C’est désormais le terrorisme islamiste qui justifie toutes les restrictions de droits et de libertés : le bon peuple doit avoir peur et être convaincu qu’il lui faut des maîtres-protecteurs, y compris en écorchant « l’État de droit » par des mesures d’exception durables !

Les attentats d’un Daech toujours plus politiquement délirant, rendant un service inestimable à ceux qui craignent, en France, en Belgique, en Italie, en Espagne, en Grèce et ailleurs, le retour du « communisme » (voir, par exemple, le niveau de bêtise insondable du Figaro du 12 avril 2017 contre le candidat de la gauche J-L. Mélenchon aux élections présidentielles françaises, assimilé tout à la fois à Robespierre, à Lénine, à Castro et à Chavez, rien que cela !!)

En réalité, c’est la grande peur d’un réveil d’un mouvement social radical, faisant le procès de la logique capitaliste, qui fonde l’autoritarisme renaissant en Europe, à l’extrême-droite, à droite, avec la passivité complice d’une social-démocratie en décomposition, mais toujours « utile » au système. C’est désormais la liberté d’expression pluraliste elle-même qui est menacée !

L’arrivée des migrants en Europe, assimilée à une menace pour « l’identité » nationale des pays concernés et le refus, malgré les conventions internationales, de les accueillir dignement est l’hallali de ceux qui avaient fait des droits de l’homme une arme contre toute transformation sociale. Le duo prétendument « socialiste » Hollande-Valls, grand donneur de leçons en la matière, a été particulièrement pitoyable, comme en a témoigné, par exemple, le traitement inhumain du camp de Calais ou les poursuites pénales contre les humanitaires assistant quelques réfugiés à la frontière franco-italienne ! Le Syrien en Syrie, pour peu qu’il soit « rebelle » à Damas, est une victime ; le Syrien réfugié est un gêneur ! Quant aux dizaines de milliers de noyés en Méditerranée, ils sont passés par pertes et profits : la sensiblerie sélective occidentale n’en a rien à faire !!

Dans l’ordre international, de même, les droits de l’homme s’effacent au profit des interventions militaires de plus en plus nombreuses, quitte à détruire un pays tout entier, comme la Libye. Les menaces se multiplient, comme celles de Trump contre la Syrie et « son allié russe » et contre la Corée du Nord, bien loin des frontières américaines.

L’État français, complexé par ses échecs diplomatiques, fait de la gesticulation belliciste au Conseil de Sécurité et en Afrique francophone, dans le sillage des États-Unis.

Plus question de droits de l’homme : la nécessité est désormais de combattre le « Mal », (les Russes, les Chinois, Damas, et les autres …), d’obtenir de l’ONU le feu vert pour renouveler le « coup libyen » qui a si fortement « favorisé » les droits de l’homme à Tripoli, de majorer les budgets militaires et le rôle de l’OTAN, au service des Américains.

L’Union Européenne n’est pas en reste : elle tolère des régimes (Hongrie, Pologne, Lettonie, etc.) où les droits civils et politiques disparaissent sans provoquer de réaction de Bruxelles. La Turquie d’Erdogan emprisonne tous les suspects d’opposition et massacre les Kurdes sous prétexte de combattre Daech : pilier de l’OTAN, elle reste malgré tout le grand allié des États-Unis et l’Union Européenne lui manifeste la plus grande « indulgence » !

Les amis des Américains (l’Arabie Saoudite et le Qatar) détruisent le Yémen, sans rencontrer d’opposition occidentale, tandis que l’Afrique subsaharienne, sous surveillance, élimine les opposants insuffisamment pro-occidentaux (style L. Gbagbo).

En Amérique du Sud, les États-Unis reprennent leur place un court moment perdue dans les pays qui étaient à la recherche de leur souveraineté et tentaient de résorber la pauvreté. Les droits démocratiques n’ont pas plus d’importance qu’au temps de Pinochet !

Bref, pour l’heure, l’Humanisme n’est plus à l’ordre du jour : il faut défendre les « valeurs » (sans autre précision) de l’Occident par tous les moyens, en assurant le contrôle des marchés vitaux pour lui !

Les droits de l’homme ne sont plus comme par le passé un produit d’import-export comme l’Occident le prétendait. Les milieux d’affaires occidentaux sont préoccupés : le temps n’est plus à « faire semblant » en s’affichant social-démocrate ou partisans du « dialogue social » : le taux de profit a ses exigences ! Il convient pour eux de changer de logiciel : la « défense des droits de l’homme » ne peut plus suffire à tout, même lorsque est privilégié le combat contre les violations des « autres ».

La « modernité » du jour est au « pouvoir fort », au « réalisme », à la totale liberté de « l’Entreprise », au recours à la force sans l’habillage habituel de la « protection des populations » et Trump, en cours de « réhabilitation » en Europe, montre la voie, l’humanisme et le pluralisme de façade devraient-ils en souffrir.

A la mystification de la soi-disant politique des droits de l’homme que les États occidentaux et leurs servants ont imposé dans les esprits durant ces dernières décennies, sans rien changer à la réalité sur le terrain, laquelle va succéder face à l’insatisfaction des peuples ?

Source: Investig’Action


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