Macron et le désordre…

En cette rentrée de septembre, Emmanuel Macron, fort de 30% d’opinions favorables, un record qui dépasse l’impopularité des Hollande ou Sarkozy, s’apprête à mettre en place les premières mesures d’un programme annoncé –sans jamais avoir été développé- depuis plusieurs mois. Les français vont donc découvrir ce qui s’apparente à une grande braderie sociale, faisant du « code du travail » le point de départ de ce qui s’apparente bien, derrière l’argument de « lutte contre le chômage », à un véritable « coup d’état social ». Face au pouvoir le « front syndical », du moins celui des organisations, est disloqué. Et la riposte politique promise par la « France Insoumise » est présentée par le monde médiatique comme une manifestation parmi d’autres qui ne ferait que « rajouter de la division à la division ». Bref, tout est fait pour accréditer l’idée qu’un président élu par moins d’un électeur sur quatre pourrait tout bouleverser, tout casser en toute impunité, en toute tranquillité. Pari pour le moins risqué.

 

Un contenu d’une violence inouïe

 

Les ordonnances sur le code du travail remettent en cause les principales conquêtes du monde du travail, obtenues après des décennies de luttes difficiles et douloureuses. Le code du travail, initialement conçu comme droit correcteur au service des plus faibles, une fois revu et corrigé par les ordonnances, est réduit au rôle d’outil pour mieux asservir l’homme comme instrument au service de l’économie capitaliste.

C’est la « République démocratique et sociale » revendiquée dans l’article 1 de la constitution qui est de fait remise en question.

• Dans la grande majorité des entreprises (jusqu’à 50 salariés), possibilité de déroger aux accords de branche grâce au « référendum d’entreprise » à l’initiative de l’employeur. C’est la négation du lien de subordination du salarié vis à vis de son employeur…
• Possibilité d’imposer à un salarié la perte de certains avantages prévus par son contrat de travail, ou de donner sa démission sans indemnité…
• Contournement favorisé des organisations syndicales pour toute négociation.
• Fusion des instances représentatives du personnel soumettant de fait des sujets comme l’hygiène et la sécurité à un chantage permanent…
• Modification du périmètre du licenciement économique permettant aux multinationales d’organiser des plans sociaux selon leur bon vouloir, délocalisant ici ou là selon leurs intérêts au détriment des salariés…
• Fragilisation de l’employé qui en cas de licenciement lors d’un refus d’accord collectif ne sera pas reconnu comme licenciement économique. Adieu donc aux dispositions existant en cas de plan social…
• Limitation des indemnités prud’homales pour tout licencié sans cause réelle ni sérieuse, permettant aux entreprises de provisionner à l’avance sans risque pour « dégraisser » selon leur bon vouloir…
• Elargissement du « contrat de chantier », donc instauration d’une précarité permanente… A l’inverse du CDD, aucune indemnité n’est prévue à son terme…
• Etc …

 

Une politique d’ensemble

 

Les ordonnances s’inscrivent dans une politique d’ensemble assez cohérente. Le candidat des banquiers, du capital financier et de l’union européenne, respecte son mandat. Le budget 2018 en témoigne.

La règle des 3% de déficit dictée par l’UE et revendiquée par Macron impose des coupes drastiques dans le budget de l’état. Cela d’autant plus qu’un des points phares de son programme repose sur la baisse des impôts, des cotisations sociales, la réforme de l’ISF et la « flat tax » à 30% sur les revenus du capital… Et également sur la transformation du CICE en « baisse de charges pour les entreprises », encouragée par Bruxelles et son commissaire européen, le socialiste et ex ministre Pierre Moscovici…

Les conséquences sont donc prévisibles :

• Suppression des 120 000 postes de fonctionnaires sur 5 ans….
• Réduction ou fermeture concomitantes de services publics….
• Différentiation du point d’indice dans les trois fonctions publiques, état, territoriale, hospitalière…
• Augmentation de la CSG de 1,7% qui touchera particulièrement les retraités dont la pension excède 1200 euros mensuels…

C’est au quotidien que la société toute entière devra subir la violence des mesures Macron. En effet, de l’aveu même du président ou de ses ministres :

• 60% des efforts demandés seront destinés aux retraités dits « les plus aisés ». Le montant médian des pensions s’élevant à 1500 euros environ, quel est donc le seuil visé ? 1500, 1800, 2000 euros par mois ? Une fortune…
• Les APL baissées au nom de l’égalité… Et tant pis pour ceux qui ne pourront plus se loger…
• L’université avec remise en cause du libre accès pour tous… Conformément aux recommandations de l’OCDE et de l’UE, une grande masse sous-éduquée, sous-formée, corvéable et malléable à loisir, et une petite frange bien faite pour les encadrer…
• Les emplois aidés supprimés massivement, au détriment des besoins des collectivités et accessoirement des familles qui ne peuvent vivre que grâce au salaire que ces emplois leur rapportent…
• Etc…

 

La question est politique

 

Cette rentrée serait donc synonyme de « réformes » … En fait, la régression s’annonce violente. C’est bien une grande braderie sociale ou encore d’un coup d’état social que Le Président Macron et son gouvernement se proposent de réaliser.

La « loi travail » prend l’allure d’un double « test ». Test d’abord sur le contenu. Si tout se passe comme l’espère le pouvoir, ce sera ensuite la protection sociale qui sera l’objet de toute son attention. Test ensuite sur les réactions que susciteront les mesures présentes dans les ordonnances. La base des salariés, les sections syndicales, les unions départementales parviendront-elles à submerger les directions confédérales ? La question se pose notamment à « Force Ouvrière » au sein de laquelle l’attitude de Jean-Claude Mailly suscite interrogation, souvent colère, parfois dégout …

La situation se résumerait donc à une division syndicale, d’un côté les « combattifs », prêts à une lutte de longue haleine, de l’autre les « capitulards » de la première heure, complice de tous les gouvernements, telle la CFDT, ou de la dernière heure telle FO.

Alors, quelle solution ?

Evidemment la capitulation ne peut faire que le jeu des ordonnances, de Macron, de son gouvernement. De son côté la perspective de journées d’action à répétition ne peut que démoraliser avant même d’avoir commencé. L’expérience des années passées est de ce point de vue éclairante…

Il apparaît donc que la question que pose le gouvernement est politique. Il tire sa légitimité des institutions de la 5ème république qui permettent de concentrer tous les pouvoirs dans les mains d’un homme « providentiel », d’un « Jupiter » des temps nouveaux, qui pourtant est ultra minoritaire dans le pays avec seulement 18% des voix sur son seul nom. Formellement, du point de vue de la 5ème république, tout lui est permis. Mais politiquement, démocratiquement ?

La question est bien politique. Emmanuel Macron et son gouvernement ne sont pas légitimes pour casser ce que plusieurs décennies de larmes et de sang ont acquis. En exprimant une telle exigence, le président de la république et son gouvernement prennent la responsabilité d’une riposte qui dépasse de très loin la seule action syndicale.

Car si la cohérence de l’action syndicale est l’opposition aux ordonnances, si l’unité est nécessaire pour atteindre cet objectif, si tel est le cadre ouvert par les manifestations du 12 septembre, le contenu du 23 prend un autre relief. Appelé par la « France Insoumise », le rassemblement de Paris prend un caractère directement politique, s’inscrivant d’ores et déjà dans un contexte où les jours de ce gouvernement et du régime sont comptés…

N’est-ce pas d’ailleurs par un 23 septembre massif à Paris, dont le moteur est le rejet profond de Macron et de ce qu’il représente, que les forces sociales pourront trouver les ressources d’une bataille à la hauteur pour préserver et développer le contenu de ce que doit être la république sociale ?

 

Source: La Sociale


Camarades je demande la parole !

par Jean Pierre-Page, Charles Hoareau, Philippe Cordat…

Eux n’hésitent pas : loi travail, négociations secrètes TTIP, retraites à la casse, chômeurs exclus en masse. Dans une Europe du fric, qui n’a jamais voulu être sociale.

Et en face ? Du côté des travailleurs ? D’abord, malgré tout, cette très bonne nouvelle : le peuple est dans la rue, partout en Europe et au-delà. Debout.

Mais quelle sera, demain, la place des syndicats? Cogérer la misère imposée, de recul en reculade ? Ou bien renouer avec les glorieuses traditions de résistance ? Camarades, je demande la parole ! propose des pistes pour rénover, démocratiser et moderniser le syndicalisme. Afin de ne pas rater le rendez-vous avec la jeunesse agressée, mais révoltée aussi et en recherche. Elle a droit à un avenir.

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