L’Union européenne continue de soutenir Israël dans sa meurtrière oppression des Palestiniens

Sur fond d’aggravation du sort colonial des Palestiniens, le Conseil Européen Palestinien (EUPAC) a organisé, la semaine passée à Bruxelles, une conférence de commémoration des 75 ans de la Nakba (« la catastrophe »). A cet évènement était aussi invitée Ursula von der Leyen… Sans surprise, celle-ci a brillé par son absence. Avec cette politique de la chaise vide, la présidente de la Commission européenne a émis un nouveau signal de mépris à l’encontre des Euro-palestiniens comme de l’avenir de la Palestine. En indigne concordance avec le soutien constant des Autorités européennes pour l’État d’apartheid israélien.


14 mai 1948. Célébré comme « le jour de l’indépendance » par la majorité des Israéliens, pour les Palestiniens, cette date est celle de la « Nakba » (la catastrophe). Autrement dit : l’expulsion forcée de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens aggravée par une série de crimes de guerre et de massacres (dont ceux de Saliha [70 à 80 morts], de Deir Yassin [autour de 120 morts], de Lydda [environ 250 morts], d’al-Dawayima [des centaines de morts] et d’Abou Shousha [70 morts])1.

Les descendant.e.s des expulsés, devenus des millions de réfugié.e.s, sont toujours privés de leur droit à la citoyenneté, là où ils (sur)vivent, et interdits de revenir sur leurs terres. 75 ans après, Palestiniens de Cisjordanie (Territoires occupés) et de la bande de Gaza (sous blocus israélien depuis 17 ans) endurent une politique de colonisation, d’apartheid et de violation des droits humains imperturbablement menée par l’État d’Israël, désormais gouverné par une coalition d’extrême-droite et de fondamentalistes religieux.

Pour commémorer le trois quart de siècle de cette « réalité continue », le Conseil Européen Palestinien pour les relations politiques (EUPAC), dirigé par Majid Al-Zeer, a tenu une conférence à Bruxelles le 2 mai dernier. Au programme, une vingtaine d’intervenants (universitaires, politiciens, experts ou journalistes) se sont exprimés autour de 4 axes thématiques.

Majid Al-Zeer, directeur du Conseil Européen Palestinien pour les relations politiques (EUPAC).

Le premier : les crimes de nettoyage ethnique contre les Palestiniens et la confiscation de leur droit à l’autodétermination. Le second : Jérusalem, les colonies et les prisonniers politiques. En troisième axe : la question des réfugiés, intérieurs et extérieurs à la Palestine, en ce compris ceux de Gaza (dont 70 % de la population sont des réfugiés). Dernier axe : que faire à partir de l’Europe ? Ou parvenir à identifier « les moyens d’activer des politiques européennes plus justes pour le peuple palestinien en se basant sur la voix de l’électeur européen qui abhorre les guerres et appelle à la démocratie, à l’égalité, à l’arrêt des crimes contre l’humanité, à l’arrêt des violations des lois et de l’éthique de l’Institution européenne ».

 

Mépris de la Commission européenne


Invitée
à participer à l’évènement, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’a pas répondu présente ni même envoyé de représentant. Pourtant, on ne peut pas dire que les organisateurs de l’EUPAC n’y avaient pas mis quelques formes : « Nous sommes des Euro-Palestiniens partageant avec vous les mêmes valeurs : la liberté pour tous, l’arrêt de toutes les guerres, la criminalisation de toutes les formes de persécution et de crimes contre l’humanité, et la confiscation de leur droit à l’autodétermination. L’EUPAC, a l’honneur de vous inviter à commémorer les 75 ans de la Nakba, telle qu’elle a été adoptée par les Nations Unies, en participant à notre conférence ».

Entre deux suppressions de ses textos au PDG de Pfizer2, von der Leyen a sans doute peu apprécié les deux paragraphes précédant celui de son invitation : « Le nouvel État d’apartheid qu’est l’occupation de la Palestine […] a généré sept millions de réfugiés. Nous sommes convaincus que vous avez été témoin de ces histoires de vie, lors de votre visite en Terre Sainte, l’année dernière. Vous savez que plus de 100 000 Palestiniens ont été tués, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées. Que plus d’un million de prisonniers palestiniens se trouvaient dans les prisons israéliennes, que certains d’entre eux sont morts et que leurs corps n’ont jamais été restitués par les autorités israéliennes. »

 


Sans surprise, en choisissant le mépris envers cette conférence qui se voulait une «
réflexion profonde », la présidente de la Commission confirme un positionnement européen très ancien. Une sorte de réflexe pavlovien que l’on pourrait résumer en ces termes : « Tout faire pour plaire et commercer avec Israël ! Ne pas risquer de fâcher Israël ! Peu importe que cela fasse de nous des schizophrènes, tiraillés entre nos larmoyants discours éthiques et la coresponsabilité mortifère de nos décisions politiques. »

A cet égard, il importe également de souligner le lobbying, aussi furieux qu’efficace, de plusieurs organisations pro-israéliennes [Israël Allies Foundation, European Leadership Network, Transatlantic Institute (filiale européenne du célèbre American Jewish Committee) ou le B’nai B’rith Europe] auprès de nombreux députés européens. Ce qui fait de l’enceinte législative européenne, selon la chercheuse au CNCD Nathalie Janne d’Othée : « un parlement sous influence »3

Dans ses conclusions, l’EUPAC ne s’y est pas trompé et finit par égratigner celle qu’ils avaient invité : « L‘Union européenne s’obstine à soutenir ce criminel [le gouvernement israélien] à entretenir avec lui une amitié distinguée, à le soutenir dans les conflits qui l’opposent à elle et, sous toutes les formes possibles, par le biais de nouveaux accords économiques et culturels, de contrats d’armement et la création de blocs politiques. C’est ce qui ressort clairement du discours de la présidente de la Commission européenne, qui a approuvé l’échange d’idéaux entre l’Europe et l’État criminel d’occupation israélien. »

 

Echos du poids lourd français


Deux jours après la conférence bruxelloise, ce f
ut le tour du Parlement français de confirmer sa même longueur d’onde avec la présidente de la Commission. En rejetant (par 199 voix contre 71) une résolution, portée par la député communiste Jean-Paul Lecoq, visant à condamner « l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid ».

Pollué par les habituelles suspicions ou accusations d’antisémitisme, émanant à flux tendu des députés pro-israéliens, le débat parlementaire a vite tourné court. Malgré certaines fulgurances oratoires de députés de La France Insoumise (LFI), appelant au vote de ladite résolution, tel Aymeric Caron :

Aymeric Caron, député français (groupe LFI-Nupes).

« On entend le bruit qui court, ici même dans cette assemblée, selon lequel l’association du mot apartheid aux politiques israéliennes relèverait de l’antisémitisme. Cette critique, ou plutôt cette menace, nous la réfutons et nous la condamnons. La dénonciation d’une politique menée n’a jamais constitué une manifestation d’hostilité à l’égard d’un peuple ou d’un Etat. Dénoncer la croisade George Bush en Irak n’était pas contre le peuple américain ! Dénoncer l’agression de Poutine contre l’Ukraine n’est pas une prise de position raciste contre le peuple russe ! De la même manière, dénoncer le caractère belliqueux et illégal de décisions prises par le gouvernement israélien n’a aucun rapport avec la stigmatisation d’un peuple ou d’une religion. Et il faut le dire sans détours : ceux qui veulent faire croire le contraire jouent avec le feu ! L’antisémitisme, nous le vomissons et nous le haïssons. C’est pourquoi nous ne tolérerons pas que la lutte intraitable qu’il convient de lui opposer soit instrumentalisée à des fins politiciennes qui nuisent au combat contre l’antisémitisme réel. »4

En revenant à Bruxelles, aux yeux de l’EUPAC, l’année 2023 « doit apporter quelque chose de nouveau en faveur des Palestiniens, car elle a apporté beaucoup de sang versé contre eux, y compris par un gouvernement israélien d’extrême-droite, plus criminel que ses prédécesseurs. »

Comment donner tort à l’analyse globale des Euro-palestiniens ? Alors que chaque jour, dans une totale impunité internationale, la coalition gouvernementale pilotée par Benyamin Netanyahou cherche « à légitimer les crimes dont le peuple palestinien souffre depuis 75 ans, à justifier les meurtres et les attaques d’organisations terroristes juives [soutenues par le gouvernement d’occupation] contre des villages palestiniens ainsi qu’à légitimer les colonies, le vol des lieux saints et la détention extra-judiciaire, y compris la saisie des cadavres de Palestiniens.»

A l’Ouest, rien de nouveau. L’ultime fait colonial du 20e siècle ensanglantant le Proche-Orient, qui ne cesse de produire son lot d’hécatombes, de tortures et de violences frappant le peuple palestinien, ne risque pas de se voir arrêter demain par l’Union européenne ni par ses deux poids lourds, pro-israéliens, que sont les Etats français et allemand.


Olivier Mukuna

1 «The ethnic cleansing of Palestine », Ilan Pappé, Editions Oneworld, 2007 et « Interview with Benny Morris by Ari Shavir », Haaretz, 1er septembre 2004.

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