L’opposition sénégalaise réclame le départ de Macky Sall

De vives tensions ont eu lieu hier au Sénégal où de grandes mobilisations étaient organisées en soutien au principal opposant Ousmane Sonko. Depuis plusieurs jours, des milliers de personnes manifestaient face à l’acharnement judiciaire et politique que semble subir le leader du Pastef.

Qui est Ousmane Sonko ? Député puis troisième à la présidentielle de 2019, l’association Survie écrivait en 2021 : il «a pris une stature de premier opposant à Macky Sall au cours de cette campagne présidentielle en dénonçant crûment la corruption des élites, la piètre gestion de l’État et l’inefficacité des services publics. Militant pour la sortie du Franc CFA, il dénonce les Accords de partenariat économique (APE) et les contrats léonins signés avec des multinationales. »

Ce jeudi 16 mars, le domicile de l’opposant sénégalais était barricadé par la police pour l’empêcher de se rendre aux manifestations pacifiques qui se déroulaient en plusieurs endroits au Sénégal. Les atteintes à la liberté d’informer sont nombreuses d’après les témoignages reçus, depuis plusieurs mois mais aussi ces derniers jours. « A chaque fois qu’il y a une convocation de Sonko son domicile est barricadé. Il est interdit de sortir car le pouvoir veut contrôler tous ses faits et gestes, les journalistes ont été gazés hier. Les tirs de la police sont directement portés vers eux » nous explique une militante sénégalaise.

Guy Marius Sagna, député de la coalition Yewi Askan Wi, a été blessé ce mercredi de gaz lacrymogène sur la cuisse alors qu’il se rendait au domicile de Ousmane Sonko. «On sait que le gouvernement a des milices qui ont participé aux événements de répression de population de mars 2021. Ce sont des personnes qui n’ont aucune formation militaire qui agissent en toute impunité » nous dit-on. En mars 2021, Ousmane Sonko était mis en examen pour une accusation de viol. « Mais cette affaire a été totalement démontée. Il y a tellement de preuves pour montrer que c’est un complot (le certificat médical, le rapport interne de la gendarmerie…) que maintenant le pouvoir passe à une autre accusation. La jeune fille nommée Adji Sarr dit elle-même à travers des audios qu’il ne s’est rien passé.» Kadija nous raconte d’ailleurs la tension qui régnait à ce moment-là et les craintes d’un assassinat de l’opposant : « Le jour du procès, son véhicule avait été intercepté lors de son déplacement et on voulait forcer Ousmane Sonko à passer par un tunnel connu comme dangereux, ce qui consistait très certainement en un piège. C’est suite à cela que des manifestations d’ampleur avaient éclaté ».

Un risque d’escalade souhaité par le pouvoir ?

Après le meeting organisé mercredi Ousmane Sonko a essuyé des tirs de grenade lacrymogène sur sa route. « Des provocations, ce sont toujours des provocations pour pousser à des émeutes pouvant déboucher sur une guerre civile que l’opposition ne veut pas offrir à Macky Sall dont le mandat finit dans 11 mois » affirme l’observateur Akhenaton Aton. Selon des opposants, le président mise sur un chaos généralisé afin d’instaurer un état de siège et reporter l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024. En théorie, il ne pourrait participer à ces élections, lui qui a été élu 2 fois, en 2012 et en 2019.

Depuis plusieurs semaines, à InvestigAction, nous étions alertés sur les emprisonnements de militants d’opposition notamment du parti PASTEF d’Ousmane Sonko. Akhenaton Aton insiste aussi sur : « la corruption érigée en mode de gouvernance, les privations de liberté, les emprisonnements de journalistes »,…

De nombreuses personnes dénoncent la main mise du pouvoir présidentiel sur la justice, affirmant même que les juges soumis au régime de Macky Sall ne soient plus utilisés « pour tuer politiquement l’opposant ». Alors que les élections de 2019, étaient déjà fortement contestées, deux opposants politiques avaient été empêchés de se présenter à la présidentielle pour faciliter à Macky Sall sa seconde victoire. Il s’agissait de Karim Wade et de Khalifa Sall. Aujourd’hui, il s’agit d’empêcher le chef de l’opposition de faite Mr Ousmane Sonko, d’être candidat en 2024.

De quoi est accusé actuellement Ousmane Sonko ?

Il s’agit ici d’un procès en diffamation « monté de toute pièce » souligne Akhenaton Aton « impliquant le ministre du tourisme, concernant des fonds publics à hauteur de 29 milliards fcfa de fonds publics qui devait servir à financer 4 domaines agricoles communautaires et créer des milliers d’emplois jeunes à l’intérieur du pays. Depuis 2015, ces projets ne sont pas réalisés, les emplois sont inexistants. Les fonds ont été pourtant payés ». Mr Ousmane Sonko aurait dit dans une déclaration publique que le ministre du tourisme, auparavant ministre de la jeunesse, est épinglé par un rapport de l’inspection générale des finances ( IGF). Aujourd’hui le Ministre Mame Mbaye Niang nie en bloc l’existence de ce rapport malgré la publication antérieure d’un livre sur ce scandale.

A la question Macky Sall serait-il si impopulaire, on nous répond :« si vous suivez ce qui se passe en France, avec un gouvernement totalement dans le déni, le mensonge et le chantage, on est dans le même cas de figure ici au Sénégal ».

Et la France dans tout cela ?

La militante interrogée nous assure que malgré le discours sur les hésitations quant à une représentation à la prochaine présidentielle, Macky Sall « est déterminé, ses parrains sont Alassane Ouatara et Denis Sassou Ngesso, de grands amis de la France, il veut briguer un 3ème mandat et rester au pouvoir comme ces derniers. Officiellement la France n’a aucun rôle, mais dans le fond ils le soutiennent. Si ils sont venus pour préparer et former les policiers Sénégalais au maintien de l’ordre dans le cadre d’une coopération ce n’est pas pour rien ».

A propos du Sénégal réputé pour son calme, Kadija ajoute même : « Quand on reprend l’histoire du Senegal, ça a toujours été le pilier de la France en Afrique de l’Ouest. On a toujours eu des présidents à la solde de la France c’est pour cela qu’il est réputé comme stable, là avec Sonko ça dérange l’establishment français et occidental. Le problème c’est que Sonko a déclaré vouloir revoir les contrats pour des partenariats gagnant-gagnant, or regardez au Sénégal, dans la téléphonie le monopole appartient à Orange, pour l’eau c’est Suez, le Train Express Régional c’est la SNCF et bientôt Engie pour l’électricité et Total pour le pétrole et le gaz. Sonko ose dire que si on veut stopper l’émigration, il faut redonner des emplois aux jeunes pour leur permettre de rester dans leur pays! »

A propos du récent voyage d’Emmanuel Macron en Afrique, elle poursuit : « Si on a un Macron qui se précipite pour aller en Afrique, il ne va pas pour aider les africains mais pour assurer ses arrières quant à l’exploitation des ressources. Le risque que tous les pays africains, en tout cas de plus en plus, souhaitent nationaliser leurs ressources, à la suite du Burkina, du Mali, ça signifie la fin du monopole de la France et même les Occidentaux dans le pillage des ressources en Afrique. »

Cette crainte des Occidentaux de perdre la domination politique et économique sur de nombreux pays africains est révélatrice selon elle : « Si la jeunesse africaine se lève, si l’Afrique de lève, c’est fini pour l’exploitation. La politique actuelle est la même que celle de De Gaules après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les États africains ont voulu leur indépendance, à savoir, minimiser les revendications et les contestations africaines en accusant une puissance étrangère d’en être à l’orgine.

Macron est parti à Brazzaville et à Kinshasa, accusant les Russes, il a fait passer le message dans les médias que cette jeunesse est embrigadée, que ce sont les Russes qui essaient de manipuler les Africains, qu’il veulent exploiter leurs richesses. Il n’y a pas besoin d’eux pour que les Africains soient critiques de la France ! »

Comment soutenir ?

Pour Kadija, si l’on veut soutenir le peuple sénégalais, de manière désintéressée, c’est déjà « en disant la vérité, aussi bien en Afrique qu’en Occident. Beaucoup ne connaissent pas la réalité, ce qui se passe sans cliché, ni fantasmes, par exemple parler d’ethnicité comme le fait Macky Sall, ça n’a jamais existé au Senegal ». Selon elle, aujourd’hui Macky Sall instrumentalise « les Peuls (majoritaire dans nord) contre les Diolas (majoritaire dans le sud). Cela ne vous rappelle pas la Côte d’Ivoire ou le Rwanda? C’est la stratégie de diviser pour mieux régner! »

Elle nous révèle également, que le président a fait tirer à balles réelles dans le Sud, la Casamance, qui est la région d’Ousmane Sonko. « Ce sont toujours les mêmes méthodes, je ne dirai même pas l’Occident ou la France mais il s’agit des gouvernements qui gouvernent contre le peuple ».

“Donc la vérité, c’est de révéler aux peuples africains et occidentaux le vrai rapport qui lie les gouvernements africains et le gouvernement français. Combien de personnes ont connaissances des Accords de coopérations qui lient la France et ses anciennes colonies? Ce mécanisme qui permet à la France de garder la main mise sur les matières premières, l’économie et la défense de ses anciennes à travers ces Accords de coopération est toujours en vigueur.”

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