Lois d’immigration liberticides aux USA. Stop ou encore?

L’Alliance Noire pour une Immigration Equitable (en anglais BAJI) est une organisation de défense de la justice raciale et les droits des migrants noirs et des noirs étatsuniens. La BAJI a été créée en 2006 dans la foulée des scandaleuses propositions de loi fédérales et nationales sur l’immigration dans le but de mobiliser les noirs étatsuniens pour obtenir leur soutien au mouvement pour les droits des migrants. Depuis lors, la BAJI a évolué en une organisation de défense aux objectifs multiples en faveur de la population noire aux Etats-Unis, et plus particulièrement dans les domaines de la criminalisation de masse, la régulation de l’immigration et les inégalités économiques.

Voici l’interview de Carl LIPSCOMBE, responsable politique et juridique de BAJI.

 

A l’occasion du 20° anniversaire des lois de 1996 sur l’immigration, vous venez de lancer un appel pour mobiliser l’opinion contre ces lois. Quel est l’objectif de la BAJI ?

Nous interpelons le Congrès pour obtenir le retrait des lois de 1996. Ces lois sont parmi les plus dures des codes judiciaires états-uniens. Les textes Anti-terrorisme et de Condamnation Inopposable à la Peine de Mort de 1996 ( Antiterrorism and Effective Death Penalty Act ) élargissent les motifs de détention et d’expulsion des migrants.

Ce sont aussi les premières lois à autoriser les procédures aujourd’hui largement appliquées d’expulsion accélérée. Ce texte illégal de réforme des lois sur l’immigration et les migrants (IIRIRA : Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility Act ) signé quelques mois plus tard a introduit des modifications drastiques autorisant les expulsions sur bases rétroactives. Ainsi, le type de délit susceptible de justifier l’expulsion fut désormais étendu à des faits de petite délinquance comme la détention de stupéfiants. Il ne tenait plus compte du secret de l’instruction et introduisait une série de motifs à des formes de détention préventive.

 

Dans quelle mesure cela concerne-t-il la communauté noire ainsi que les personnes sans papiers?

 

Plus d’un non-citoyen sur cinq confronté à une mesure d’expulsion sur bases criminelles face au bureau exécutif de révision de l’immigration est noir. Les immigrants noirs sont bien plus exposés aux procédures d’expulsion que la population immigrante au sens large.

 

Alors que les migrants noirs ne représentent que 7.2 % de la population non citoyenne aux Etats-Unis, ils représentent 20.3 % des migrants confrontés à un risque d’expulsion pour motifs criminels. Cela en comparaison avec les 10 % de l’ensemble des migrants confrontés à des mesures d’expulsion par ce bureau exécutif de contrôle de l’immigration.

Les migrants noirs sont plus susceptibles d’être détenus sur bases criminelles que la population migrante dans son ensemble.Alors que les migrants sont 3.5 fois plus exposés à la détention sur base de violation des lois sur l’immigration que pour des motifs criminels, cette proportion s’inverse lorsque les migrants sont noirs.

Les migrants noirs sont deux fois plus exposés à la détention sur base criminelle. Les migrants noirs sont d’ailleurs bien plus exposés que les nationaux de n’importe quelle origine à être expulsés sur bases criminelles.

 

 

Pourriez-vous nous exposer les effets pervers de la rétroactivité induits par ces lois ?

 

Cela signifie qu’une personne qui a commis un délit il y a des années, parfois des dizaines d’années avant que ces lois de 1996 ne soient approuvées, peut être expulsé sur base de ce délit. Cela, même s’il a purgé sa peine de prison pour la faute en question. Même alors, il peut être arrêté et expulsé.

 

Quelle est l’image des migrants noirs dans les médias aux Etats-Unis ?

 

Aux Etats-Unis, les médias sont une entité basée sur le profit. Lorsque notre communauté d’immigrants noirs est concernée, elle n’apparait pas comme telle dans les médias. Ces médias se focalisent plutôt sur les pays latino-américains et l’immigration est envisagée dans le contexte des latinos mexicains en sorte que le visage de l’immigration aux Etats-Unis n’est pratiquement jamais celle de l’immigrant noir.

Le combat des immigrants noirs pour leur reconnaissance par les médias commence à peine, il consiste à faire admettre qu’il existe aux Etats-Unis des migrants en provenance de pays à large majorité noire. Aussi longtemps que ces migrants noirs sont absents des médias, nous le sommes aussi dans la prise de conscience globale du problème. Dès lors, les problèmes concernant les migrants noirs n’ont que peu de chances d’être abordés même par les organisations de défense des droits des migrants au sein desquels les migrants noirs doivent se battre pour être reconnus.

Nous, au sein de la BAJI, voulons amener certains de nos partenaires à se pencher sur les problèmes spécifiques aux migrants noirs parce que si nous partageons l’essentiel de ces problèmes avec les autres migrants, nous avons aussi des problèmes plus spécifiques comme la criminalisation de masse systématique et le niveau anormalement élevé d’expulsions auquel nous sommes confrontés parce que nous sommes migrants et noirs. C’est une des raisons pour lesquelles le BAJI insiste à ce point sur l’information et l’éducation du grand public ainsi que la communication sur les réseaux sociaux. C’est parce que nous nous battons pour la reconnaissance de nos communautés

 

Que pensez-vous du système carcéral états-unien et particulièrement de la surpopulation ?

 

BAJI croit en l’abolition de toute forme d’emprisonnement, en ce compris l’isolement en cellule, la prison, les centres de détention.

 

Nous croyons que les montants dépensés en incarcérations devraient être consacrés à des programmes de réhabilitation, de conseil, d’accompagnement, de formation, d’éducation et de logement. Cela renforcerait bien plus la sécurité publique.

 
Traduit de l’anglais par Oscar Grosjean pour Investig’Action

Source: Investig’Action

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